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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 11.1861

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Nr. 4
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Mantz, Paul: Recherches sur l'histoire de l'orfèvrerie française, [7]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17227#0372

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L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE. 361

rateurs, les dames portèrent, ou du moins elles crurent porter des bijoux
renouvelés de l'antique. L'imitation, je n'ai pas besoin de le redire, était
singulièrement inexacte : lorsqu'un profil était trop sévère, lorsqu'un con-
tour était trop nu, la fantaisie sentimentale du temps savait en dissimuler
l'indigence, et un motif pastoral, tel qu'une houlette enrubannée, des co-
lombes amoureuses ou un chaperon garni de fleurs, venait tempérer la
sécheresse du bijou qui aurait pu paraître trop étrusque. « Antiquité et
bergerie, » tel était alors le mot d'ordre de l'art décoratif. Ces accommo-
dements, ces mensonges semblaient concilier tous les intérêts, et il est
certain que le siècle de Marie-Antoinette ne pouvait supporter davantage.
Quelle étrange figure aurait faite le bijou antique, à la fois si austère et
si splendide, s'il eût paru au Yauxhall ou au Colisée en compagnie de
l'échafaudage insensé de la coiffure à la Belle-Poule ou du pouf aux
Insurgents!

Ce compromis entre le caprice persistant du xviii6 siècle et la gravité
renaissante de l'idéal grec marqua, au moment où la royauté allait finir,
les derniers efforts de l'orfèvrerie et de la joaillerie. La perfection clu tra-
vail, les finesses exquises de la ciselure, une ornementation variée dans
sa fantaisie tous les jours plus sage, une sorte d'élégance un peu maigre,
mais satisfaisante au regard, tels furent les caractères de l'art à cette
date suprême. La statuaire et la peinture, toujours un peu plus avancées
que l'orfèvrerie, avaient déjà professé la foi nouvelle; mais les indus-
tries de l'ameublement et du luxe attendaient encore pour se prononcer,
comme si un long avenir leur eût été promis. Les orfèvres croyaient
avoir l'éternité devant eux. Bien que le ciel montrât déjà plus d'une me-
nace, les esprits paresseux trouvaient dans la situation même bien des
prétextes pour se rassurer. Un artiste qui avait lu le matin la Galatée
de Florian s'endormait le soir avec une sécurité parfaite. Et pourquoi
se serait-il inquiété? Mirabeau était tout entier à ses amours et à ses
créanciers ; Robespierre prononçait en faveur des paratonnerres des dis-
cours qui n'avaient rien de terrible; Marat, médecin des écuries du
comte d'Artois, recherchait tranquillement les lois de l'optique; et puis,
la Bastille était si fortement plantée sur ses assises séculaires!... Mais,
quelques jours après, on dansait sur les ruines de la vieille forteresse, et
le coup de sifflet d'un puissant machiniste, renouvelant brusquement le
décor social, mettait en fuite les bergers attardés et faisait envoler les
dernières tourterelles.

paul m antz.

[La suite prochainement.)

XI.

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