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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 11.1861

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Nr. 5
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Mantz, Paul: Corot: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.17227#0446

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rêverie et l'enlever du paysage. Mais, dans le tissu serré de l'habile har-
moniste, ce serait rompre la maille essentielle; cette heureuse figure fait
partie du tableau non-seulement par sa coloration rosée se détachant sur
les tendres verdures du fond, mais encore par l'indécision de ses con-
tours et par l'ondoyant de ses formes. Ce don précieux de mêler l'homme
à la nature, les coloristes seuls le possèdent, et la rigueur de la ligne
est, en ce point, plus dangereuse qu'utile. Si Gorrège eût dessiné comme
Raphaël, il n'eût pas fait YÀntiope, et l'art éternel compterait un chef-
d'œuvre de moins.

Nous sommes peut-être ici sur la pente d'une hérésie, et nous ne vou-
drions pas dépasser la mesure en insistant davantage. Mais il nous est
impossible de ne point faire remarquer que M. Corot n'est pas tout entier
dans ses tableaux, et que, pour le bien connaître, il faut rechercher dans
ses études le secret de ses méthodes et de sa puissance. C'est, en effet,
lorsqu'il travaille sous l'impression directe de la nature, que M. Corot se
montre coloriste. Les amateurs qui ont assisté à la vente qu'il fit faire
d'un certain nombre de ses ouvrages, le lh avril 1858, ont appris ce
jour-là à quel degré peut atteindre son heureux pinceau. La distinction
est un des besoins, une des nécessités de son talent : l'harmonie est sa loi
suprême. Parfois, comme dans le Retour du marché d'Arras, il associe
des violets éteints, des bruns clairs, des roses tendres, des blancs crayeux
ou légèrement jaunis ; parfois, le maître qu'on croit timide a des har-
diesses imprévues. L'honorable président de la Société des Amis des arts
de Bordeaux, M. Scott, possède de lui un tableau du plus frappant aspect.
Ce n'est rien, en vérité, qu'une paysanne vêtue de rouge traversant une
forêt très-verte, et c'est un modèle de franchise et d'harmonie. Dans un
genre bien différent, mais où M. Corot a fait paraître des qualités ana-
logues, nous rappellerons aussi l'étude du Colisée exposée en 1849, et la
Vue de La UocJtelle du Salon de ^85*2, ce lumineux tableau où, s'enfer-
mant de gaieté de cœur dans la gamme blonde, l'artiste avait atteint
l'effet en n'employant que des blancs, tour à tour purs ou rompus, pales
ou dorés. Dans la Vue des environs de Paris, que nous reproduisons
aujourd'hui, 11 a, au contraire, fait contraster les clairs et les foncés en
détachant, sur un fond de verdure printanière, la silhouette noire des
troncs d'arbres. Ces toiles, et bien d'autres que nous pourrions citer,
sont infiniment remarquables par l'exactitude du ton local, la sincérité
de l'accent et la justesse relative des valeurs, art spécial dont M. Corot
pratique les moindres secrets avec une perfection que la plume est
impuissante à dire. Les plus suaves musiciens ne savent pas mieux (pie
lui nuancer la mélodie.
 
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