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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 11.1861

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Nr. 6
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Livres d'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.17227#0577

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G A Z ET T E D E S 15 E AUX- A H T S.

unique et tout moderne, Prudlion a su tempérer l'expression la plus brûlante de la
volupté par la pudeur, et il nous permet enfin d'opposer à l'Italie un coloriste qui dessine
plus correctement que Corrège, auquel on le compare banalement à cause de certains
airs de tète empruntés au Faune antique, mais qui, pour la fermeté des plans, la sua-
vité du modelé, la vie intime des yeux et l'ambiguïté du sourire, rappelle plutôt le grand
Léonard, devant les œuvres duquèl il écrivait: « Pour moi, je n'y vois que perfection,
et c'est là mon maître et mon héros... »

Quoique l'on ait déjà beaucoup écrit sur la biographie de Prudlion, MM. de Gon-
court ont rajeuni le sujet en rapprochant ses lettres à M. de Joursanvault, publiées dans
les Archives de l'Art français, d'autres documents fournis par MM, Laperlier ou Mar-
cilJe ; et son séjour à Rome est tout à fait nouveau et intéressant,

Nos lecteurs n'ont point oublié le portrait de mademoiselle Mayer que M. Léopold
Flameng avait reproduit avec charme d'après un dessin appartenant à M. Carrier;
M. J. de Concourt a tenté, et non sans succès, de traduire à l'eau-forte la petite
esquisse peinte que possède M. Laperlier. Nous ne pouvons la publier ici, puisque
les cuivres qui ornent ces plaquettes ont été biffés après le tirage des deux cents
exemplaires; mais voici au moins le portrait tracé... à la plume : « Ce n'était point
une jolie femme que mademoiselle Mayer. Une peau très-brune, un nez presque épaté,
une grande bouche rappelaient en elle, au premier regard, le type de la mulâtresse.
Pourtant, regardez ce portrait passé de l'alcôve, où Prudlion le garda jusqu'à sa mort,
dans les mains de l'heureux M. Laperlier; c'est une enchanteresse que cette femme
sans beauté. Dans ce visage que la vie et l'âme de la physionomie illuminent, tout est
charme, jusqu'à ce nez épaté et cette grande bouche. Sous mille petites boucles noires,
folles et libres, qui font jouer sur le front les anneaux de leurs ombres légères et battent
les joues de leurs tortillons défrisés, un sourire errant voile de tendresse deux grands
yeux noirs, allongés et fendus comme les veux de l'Orient. La lumière accuse un me-
plat charnu et sensuel sur le petit nez dont les deux narines se retroussent dans
l'ombre. Le rire semble chatouiller la bouche au coin malicieux qui s'entrouvre et
montre à demi les dents. Le dessous des yeux, du nez, cette bouche et tout le bas du
visage éclairé, selon l'habitude de Prudlion, avec les grands parti pris d'un jour d'ate-
lier, s'enfoncent dans des ombres étranges où le regard se perd en rêveries. Amoureuse,
moqueuse, sentimentale, ardente, pensive, voluptueuse, passionnée, telle est cette tête
mystérieuse et fascinatrice dans sa mutinerie, où l'on retrouve l'énigme du sourire de
la Joconde... Mais l'âme du maître a passé dans cette image, faite à si peu de frais,
avec si peu d'efforts,, légère comme un souffle, immortelle comme un baiser du génie!
Cette figure vous ravit avec ce je ne sais quoi de magique qui, dans les chefs-d'œuvre,
est au-dessus et au delà de la peinture, et semble échapper à la matérialité des moyens
du peintre, à l'épaisseur des couleurs, aux liens de la ligne. Et ce n'est plus une femme
que l'on croit voir, mais le type même de Prudlion, sa Muse familière et bien-aimée
incarnée dans la grâce et la volupté de son œuvre. »

A des pages senties et gracieusement écrites, M. Edmond de Goncourt a joint un
croquis d'après le groupe de la Némésis « à l'aile de vautour » traînant le meurtrier
éperdu devant la Justice divine, dans l'admirable dessin que possède le Louvre.
Il a gravé Psyché enchaînant VAmour, détail charmant fait pour le bras d'un fau-
teuil destiné à Marie-Louise; le Portrait de mademoiselle Mayer, et un profil de
VImpératrice Marie-Louise,qui est do l'effet le plus délicat et du travail le plus souple.

MM. de Goncourt préparent en ce moment : a Chardin,, Latoitr, Greuze, Moreau.
 
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