HIPPOLYTE BOULENGER. 257
enseigne de cabaret, volatiles et quadrupèdes, jambons et gigots, sans
oublier la gaufre quadrillée et saupoudrée de sucre des guinguettes de
la banlieue.
J'ai touché discrètement aux mélancolies de ces commencements
obscurs. Plus d'un drame s'est pourtant caché derrière la porte de ce
logis, sis non loin des princières demeures de la rue aux Laines, où
Boulenger passait des jours entiers, mourant de faim et trop exténué
pour se traîner jusqu'à la rue. Une amitié veillait sur lui, il est vrai,
indigente comme il l'était lui-même, et cette misère, supportée à deux,
adoucissait quelquefois la rigueur des communes souffrances. Hélas!
elles laissèrent une impérissable trace après elles; jamais l'artiste, si
cruellement éprouvé, ne se releva complètement des terribles crises de
sa jeunesse; alors que tout le monde le croyait sauvé et que, souriant,
allègre, vivifié par les joies du mariage, il goûtait enfin le repos, la souf-
france antérieure, apaisée à la surface, continuait à dévorer son corps
miné que des atteintes dernières, corrosifs effets d'une santé anéantie,
devaient prématurément conduire au tombeau.
J'écarte ces pensées pénibles pour aborder la période d'activité pen-
dant laquelle l'ex-peintre de sujets religieux, devenu rôdeur de chemins
XX. — 2e PÉRIODE. 33
enseigne de cabaret, volatiles et quadrupèdes, jambons et gigots, sans
oublier la gaufre quadrillée et saupoudrée de sucre des guinguettes de
la banlieue.
J'ai touché discrètement aux mélancolies de ces commencements
obscurs. Plus d'un drame s'est pourtant caché derrière la porte de ce
logis, sis non loin des princières demeures de la rue aux Laines, où
Boulenger passait des jours entiers, mourant de faim et trop exténué
pour se traîner jusqu'à la rue. Une amitié veillait sur lui, il est vrai,
indigente comme il l'était lui-même, et cette misère, supportée à deux,
adoucissait quelquefois la rigueur des communes souffrances. Hélas!
elles laissèrent une impérissable trace après elles; jamais l'artiste, si
cruellement éprouvé, ne se releva complètement des terribles crises de
sa jeunesse; alors que tout le monde le croyait sauvé et que, souriant,
allègre, vivifié par les joies du mariage, il goûtait enfin le repos, la souf-
france antérieure, apaisée à la surface, continuait à dévorer son corps
miné que des atteintes dernières, corrosifs effets d'une santé anéantie,
devaient prématurément conduire au tombeau.
J'écarte ces pensées pénibles pour aborder la période d'activité pen-
dant laquelle l'ex-peintre de sujets religieux, devenu rôdeur de chemins
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