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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
universel. Au contraire, dans certains cas et sous certains aspects,
c’était seulement un point d’arrivée.
Au début, pendant tout le xive siècle, mouvement uniforme et à
peu près d’ensemble en Europe. La lenteur de l’Italie une fois
constatée, tout marche d’accord jusqu’en 1410 et même jusqu’en 1420.
A partir de ce moment, l’Italie ou plutôt la Toscane fait bande à part
et se développe suivant des lois particulières. C’est la combinaison
du germe antique qui est venu s’inoculer à la civilisation italienne.
Jusque-là cette civilisation ne s’était presque pas ressentie, dans ses
méthodes et ses procédés d’art, du contact des monuments romains.
En effet, si les Italiens ont certainement et très fréquemment imité
l’antique, avant les vingt premières années du xve siècle, on peut
dire, à deux ou trois exceptions près, qu’ils l’ont copié alors sans en
saisir l’esprit. Pour pénétrer ce secret si profondément enfoui sous
les ruines, pour comprendre cette langue dont le sens s’était oblitéré,
il fallut qu’une génération hardie d’initiateurs préparât les voies et
apprît à l’art à chausser certaines lunettes. Elle exista, même en
Italie, cette grande génération d’initiateurs réalistes. Ce sont eux
qui, en ouvrant les yeux sur l’œuvre antique qu’ils ont été les
premiers à deviner, ont fondé la Renaissance classique. Mais le prin-
cipe de cette Renaissance, de ce renouveau, de ce rajeunissement
était né avec eux, quand ils étaient encore gothiques, pendant qu’ils
s’éclairaient et apprenaient à pénétrer le monde extérieur d’un
regard scrutateur et désormais sans timidité. C’est le moment où ils
ne baissent plus la paupière devant la vision crue de la réalité, devant
la forme évidente de la matière, devant la nudité de la nature. Ils
s’en éprennent au contraire et en exagèrent au besoin les traits
expressifs, au lieu de les effacer et de les supprimer par une inter-
prétation rationnelle. Plus de sourdine à l’écho qu’éveille au cœur de
l’artiste la sonore perception du fait matériel. On voit net; on ose le
dire; on grossit même et on amplifie les accents delà réalité. Arrière
le voile, le mensonge des interprétations traditionnelles, des euphé-
mismes et des circonlocutions.
La Renaissance était donc née, nous l’avons démontré et nous le
démontrerons encore par des preuves en règle, avant que la pioche
des chercheurs de trésors et des violateurs de sépultures ne fût venue
apporter à la décoration une grammaire nouvelle. Elle était née avant
l’imitation systématique de l’antique. Pisanello, Ghiberti, Donatello,
Jacopo délia Quercia ont été des réalistes et des gothiques avant de
se constituer en fondateurs de la Renaissance classique. Ils n’auraient
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universel. Au contraire, dans certains cas et sous certains aspects,
c’était seulement un point d’arrivée.
Au début, pendant tout le xive siècle, mouvement uniforme et à
peu près d’ensemble en Europe. La lenteur de l’Italie une fois
constatée, tout marche d’accord jusqu’en 1410 et même jusqu’en 1420.
A partir de ce moment, l’Italie ou plutôt la Toscane fait bande à part
et se développe suivant des lois particulières. C’est la combinaison
du germe antique qui est venu s’inoculer à la civilisation italienne.
Jusque-là cette civilisation ne s’était presque pas ressentie, dans ses
méthodes et ses procédés d’art, du contact des monuments romains.
En effet, si les Italiens ont certainement et très fréquemment imité
l’antique, avant les vingt premières années du xve siècle, on peut
dire, à deux ou trois exceptions près, qu’ils l’ont copié alors sans en
saisir l’esprit. Pour pénétrer ce secret si profondément enfoui sous
les ruines, pour comprendre cette langue dont le sens s’était oblitéré,
il fallut qu’une génération hardie d’initiateurs préparât les voies et
apprît à l’art à chausser certaines lunettes. Elle exista, même en
Italie, cette grande génération d’initiateurs réalistes. Ce sont eux
qui, en ouvrant les yeux sur l’œuvre antique qu’ils ont été les
premiers à deviner, ont fondé la Renaissance classique. Mais le prin-
cipe de cette Renaissance, de ce renouveau, de ce rajeunissement
était né avec eux, quand ils étaient encore gothiques, pendant qu’ils
s’éclairaient et apprenaient à pénétrer le monde extérieur d’un
regard scrutateur et désormais sans timidité. C’est le moment où ils
ne baissent plus la paupière devant la vision crue de la réalité, devant
la forme évidente de la matière, devant la nudité de la nature. Ils
s’en éprennent au contraire et en exagèrent au besoin les traits
expressifs, au lieu de les effacer et de les supprimer par une inter-
prétation rationnelle. Plus de sourdine à l’écho qu’éveille au cœur de
l’artiste la sonore perception du fait matériel. On voit net; on ose le
dire; on grossit même et on amplifie les accents delà réalité. Arrière
le voile, le mensonge des interprétations traditionnelles, des euphé-
mismes et des circonlocutions.
La Renaissance était donc née, nous l’avons démontré et nous le
démontrerons encore par des preuves en règle, avant que la pioche
des chercheurs de trésors et des violateurs de sépultures ne fût venue
apporter à la décoration une grammaire nouvelle. Elle était née avant
l’imitation systématique de l’antique. Pisanello, Ghiberti, Donatello,
Jacopo délia Quercia ont été des réalistes et des gothiques avant de
se constituer en fondateurs de la Renaissance classique. Ils n’auraient