LES VÉRITABLES ORIGINES DE LA RENAISSANCE. 35
théories originelles et fondamentales, d'où était sortie l’émancipation.
Car, il faut y faire attention, la période purement italienne de la
Renaissance consiste tout autant en une coercition qu’en un affran-
chissement. Elle apporta plus d’entraves à l’invention qu’elle ne
rompit de chaînes, et fut en réalité une réaction contre la liberté.
L’art antique n’a pas été l’inspirateur de la Renaissance, parce
que la Renaissance, ou pour parler avec plus de précision, parce que
l’esprit des temps modernes était né avant que l’art antique ne fût
sincèrement étudié, intégralement compris et entièrement exhumé.
L’art antique n’aurait pas pu d’ailleurs enfanter une école vivace,
parce qu’une école vivace ne peut pas s’alimenter de pastiches ni d’un
modèle éternellement reproduit. L’art antique n’a été qu’une greffe
entée sur un tronc vigoureux. Cependant, dans une école renouvelée
et animée par une ardente passion de la nature, l’art antique trouvait
un merveilleux emploi en devenant un frein, un obstacle aux entraî-
nements irréfléchis et aux suggestions du modèle vivant et individuel,
en se transformant en idéal réalisé. Aroilà le rôle élevé, le rôle provi-
dentiel, pourrait-on dire, de l’art antique dans la période italienne de
la Renaissance internationale de l’Europe. Ce rôle est assez grand
pour qu’il n’y ait pas besoin de l’augmenter.
Reconnaissons donc que l’art antique a donné à l’Ecole italienne
du xve siècle, par son seul appoint, par son seul apport, une puissance
et une vigueur exceptionnelles qui en firent, pendant quelque temps,
la plus belle et la plus grande des Ecoles rivales de notre Occident.
Mais, reconnaissons en même temps que ce n’est pas uniquement
l’imitation de l’art antique qui détermina le mouvement en avant de
notre art moderne, ni qui marqua de son sceau la scission avec l’art
théorique, idéal et spéculatif du premier moyen âge. Cette imitation
de l’antique ne caractérise qu’une des évolutions et une des périodes
du vaste mouvement d’opinions que, dans les lettres et dans les arts,
on appelle improprement,stricto sensu, la Renaissance, qu’il faut faire
remonter plus haut que le xve siècle et qu’il ne faut plus faire partir
exclusivement de l’Italie.
LOUIS COURAJOD.
théories originelles et fondamentales, d'où était sortie l’émancipation.
Car, il faut y faire attention, la période purement italienne de la
Renaissance consiste tout autant en une coercition qu’en un affran-
chissement. Elle apporta plus d’entraves à l’invention qu’elle ne
rompit de chaînes, et fut en réalité une réaction contre la liberté.
L’art antique n’a pas été l’inspirateur de la Renaissance, parce
que la Renaissance, ou pour parler avec plus de précision, parce que
l’esprit des temps modernes était né avant que l’art antique ne fût
sincèrement étudié, intégralement compris et entièrement exhumé.
L’art antique n’aurait pas pu d’ailleurs enfanter une école vivace,
parce qu’une école vivace ne peut pas s’alimenter de pastiches ni d’un
modèle éternellement reproduit. L’art antique n’a été qu’une greffe
entée sur un tronc vigoureux. Cependant, dans une école renouvelée
et animée par une ardente passion de la nature, l’art antique trouvait
un merveilleux emploi en devenant un frein, un obstacle aux entraî-
nements irréfléchis et aux suggestions du modèle vivant et individuel,
en se transformant en idéal réalisé. Aroilà le rôle élevé, le rôle provi-
dentiel, pourrait-on dire, de l’art antique dans la période italienne de
la Renaissance internationale de l’Europe. Ce rôle est assez grand
pour qu’il n’y ait pas besoin de l’augmenter.
Reconnaissons donc que l’art antique a donné à l’Ecole italienne
du xve siècle, par son seul appoint, par son seul apport, une puissance
et une vigueur exceptionnelles qui en firent, pendant quelque temps,
la plus belle et la plus grande des Ecoles rivales de notre Occident.
Mais, reconnaissons en même temps que ce n’est pas uniquement
l’imitation de l’art antique qui détermina le mouvement en avant de
notre art moderne, ni qui marqua de son sceau la scission avec l’art
théorique, idéal et spéculatif du premier moyen âge. Cette imitation
de l’antique ne caractérise qu’une des évolutions et une des périodes
du vaste mouvement d’opinions que, dans les lettres et dans les arts,
on appelle improprement,stricto sensu, la Renaissance, qu’il faut faire
remonter plus haut que le xve siècle et qu’il ne faut plus faire partir
exclusivement de l’Italie.
LOUIS COURAJOD.