DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Bouchot, Henri: Jean Foucquet, 2
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0454
JEAN FOU G QUE T.
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graphie pour auxiliaire qu’il n’eût pas décerné mieux à chaque objet
sa place; sans doute les Van Eyck ne lui eussent envié rien, ni les
Florentins non plus guère, mais les avait-il vus alors? Ses figurines
très courtes, très bas sur jambes, sont bien à lui ; s’il a gardé le sou-
venir de ses maîtres français, c’est plutôt pour les personnifications
allégoriques, la Justice, la Tempérance, qui conservent la grâce naïve
des enluminures passées.
Une fois revenu d’Italie il a, comme je le disais, agrandi son
champ; il abandonne franchement le gothique et se mesure corps
à corps à la nature même. Examinez ses chevaux, ils sont d’une
telle vérité qu’il faudra franchir quatre siècles pleins pour retrouver
de notre temps des hommes capables de le suivre. Jamais en
peignant un destrier de bataille il ne commettra de ces fautes lourdes
reprochées à Raphaël, à Géricault, à Carie Vernet môme; il les sait
faire marcher, courir, s’arrêter en courbant le col. Sa plus grande
faiblesse éclate dans le nu, on sent que la pudeur ne lui savait tolérer
le modèle vivant; ses Adam et ses Eve étonneraient si nous ne nous
reportions aux intolérances contemporaines. Mais le squelette humain
une fois vêtu devient sa chose; il le tourne et le campe à la moderne,
surprend ses moindres intentions; sous l’étoffe, la chair palpite et
remue, comme l’esprit pétille dans les yeux ou sur les bouches.
Ses immédiats successeurs recevront de lui ces mille pratiques
classées, ils en feront leur profit, mais aucun d’eux ne les réunira
toutes. Bourdichon n’aura ni l’entente supérieure de la composition,
ni la franchise d’élocution du maitre. Perréal se sera imbu de
théories italiennes exagérées. Clouet ne l’imitera que dans la touche
précieuse et fouillée des portraitures sans pouvoir mieux. Aux uns
et aux autres il aura communiqué les premiers principes de la
spécialité qu’ils se choisirent, Bourdichon, Perréal et Clouet ne
furent que sa monnaie.
La phase définitive de sa carrière s’étend de l’année 1450 jusqu’à
sa mort arrivée dans le courant de 1480; Dieu sait ce qu’un tel
homme put concevoir et mener à bien d’œuvres diverses dans ces
trente années de labeur! Plusieurs se sont perdues par leur destina-
tion même; tous les écussons ornés de figures, les peintures murales
semées partout sur le passage des rois, les ex-voto de Notre-Dame
de la Riche entrevus par le voyageur Florio en 1447 et proclamés
par lui d’inattendus chefs-d’œuvre 1 se sont détruits pièce à pièce.
1. Francisci Florii Florentini ad Jacobum Tarlatum Castellionensem de proba-
53
VI. — 3e PERIODE.
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graphie pour auxiliaire qu’il n’eût pas décerné mieux à chaque objet
sa place; sans doute les Van Eyck ne lui eussent envié rien, ni les
Florentins non plus guère, mais les avait-il vus alors? Ses figurines
très courtes, très bas sur jambes, sont bien à lui ; s’il a gardé le sou-
venir de ses maîtres français, c’est plutôt pour les personnifications
allégoriques, la Justice, la Tempérance, qui conservent la grâce naïve
des enluminures passées.
Une fois revenu d’Italie il a, comme je le disais, agrandi son
champ; il abandonne franchement le gothique et se mesure corps
à corps à la nature même. Examinez ses chevaux, ils sont d’une
telle vérité qu’il faudra franchir quatre siècles pleins pour retrouver
de notre temps des hommes capables de le suivre. Jamais en
peignant un destrier de bataille il ne commettra de ces fautes lourdes
reprochées à Raphaël, à Géricault, à Carie Vernet môme; il les sait
faire marcher, courir, s’arrêter en courbant le col. Sa plus grande
faiblesse éclate dans le nu, on sent que la pudeur ne lui savait tolérer
le modèle vivant; ses Adam et ses Eve étonneraient si nous ne nous
reportions aux intolérances contemporaines. Mais le squelette humain
une fois vêtu devient sa chose; il le tourne et le campe à la moderne,
surprend ses moindres intentions; sous l’étoffe, la chair palpite et
remue, comme l’esprit pétille dans les yeux ou sur les bouches.
Ses immédiats successeurs recevront de lui ces mille pratiques
classées, ils en feront leur profit, mais aucun d’eux ne les réunira
toutes. Bourdichon n’aura ni l’entente supérieure de la composition,
ni la franchise d’élocution du maitre. Perréal se sera imbu de
théories italiennes exagérées. Clouet ne l’imitera que dans la touche
précieuse et fouillée des portraitures sans pouvoir mieux. Aux uns
et aux autres il aura communiqué les premiers principes de la
spécialité qu’ils se choisirent, Bourdichon, Perréal et Clouet ne
furent que sa monnaie.
La phase définitive de sa carrière s’étend de l’année 1450 jusqu’à
sa mort arrivée dans le courant de 1480; Dieu sait ce qu’un tel
homme put concevoir et mener à bien d’œuvres diverses dans ces
trente années de labeur! Plusieurs se sont perdues par leur destina-
tion même; tous les écussons ornés de figures, les peintures murales
semées partout sur le passage des rois, les ex-voto de Notre-Dame
de la Riche entrevus par le voyageur Florio en 1447 et proclamés
par lui d’inattendus chefs-d’œuvre 1 se sont détruits pièce à pièce.
1. Francisci Florii Florentini ad Jacobum Tarlatum Castellionensem de proba-
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VI. — 3e PERIODE.