GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
III
Me voici presque au bout de l’espace dont je dispose, et j’ai
encore devant moi toute l’exposition de sculpture, qui est très vaste,
ainsi que les petites salles réservées à la gravure. Je me vois donc
forcé d’abréger beaucoup ce que j’aurais encore à dire.
A l’époque où il faisait des paradoxes, mon ami Saurel disait
volontiers :
— La sculpture n’est pas un art... Seulement, il y a, de temps
en temps, des sculpteurs... D’ailleurs, tout le monde peut modeler de
la terre glaise, et lui donner, ou à peu près, formes humaines : la
preuve, c’est que toutes les actrices finissent par là...
Evidemment, Saurel exagérait ; mais on reconnaîtra pourtant
qu’il y avait quelque chose de vrai dans sa pensée, et l’on m’excusera
de m’être attardé, comme je l’ai fait, devant les tableaux.
La médaille d’honneur a été décernée à M. Boucher, pour son
marbre intitulé A la Terre, qui représente un vigoureux modèle occupé
à soulever une pelletée de terre, qui doit être singulièrement lourde,
car il lui faut pour cela mettre en mouvement toute sa musculature.
C’est une bonne étude, qui révèle, dit-on, une notable connaissance
de l’anatomie. Le titre et le mouvement suggèrent à quelques-uns
des considérations poétiques sur la bonne terre, la mère, la nourrice,
qui, je l’avoue, n’ont à mes yeux qu’une relation bien éloignée avec
une figure qui est et.demeure avant tout une académie.
Il y a au contraire beaucoup de vérité, de naïveté, d’imprévu,
dans le groupe de M. Sinding, Homme et femme : la naïveté surtout
y est poussée jusqu’à ses extrêmes limites, car enfin, pour exposer
un pareil morceau, il faut que le sculpteur norvégien ait une bien
haute idée delà chasteté du public. Nous ne voudrions, ni n’oserions
lui enlever ses illusions en développant les inévitables commentaires
que son oeuvre suggère ; d’autant plus que, quelques réserves qu’on
puisse faire sur le motif et sur son extrême hardiesse, il est difficile
de ne pas admirer l’étonnante virtuosité de l’exécution : une
virtuosité de bon aloi, d’ailleurs, franche, loyale, abondante, qui
n’escamote aucune difficulté et ne recherche aucune duperie. Une
des particularités de M. Sinding, c’est de travailler supérieurement
le marbre.
III
Me voici presque au bout de l’espace dont je dispose, et j’ai
encore devant moi toute l’exposition de sculpture, qui est très vaste,
ainsi que les petites salles réservées à la gravure. Je me vois donc
forcé d’abréger beaucoup ce que j’aurais encore à dire.
A l’époque où il faisait des paradoxes, mon ami Saurel disait
volontiers :
— La sculpture n’est pas un art... Seulement, il y a, de temps
en temps, des sculpteurs... D’ailleurs, tout le monde peut modeler de
la terre glaise, et lui donner, ou à peu près, formes humaines : la
preuve, c’est que toutes les actrices finissent par là...
Evidemment, Saurel exagérait ; mais on reconnaîtra pourtant
qu’il y avait quelque chose de vrai dans sa pensée, et l’on m’excusera
de m’être attardé, comme je l’ai fait, devant les tableaux.
La médaille d’honneur a été décernée à M. Boucher, pour son
marbre intitulé A la Terre, qui représente un vigoureux modèle occupé
à soulever une pelletée de terre, qui doit être singulièrement lourde,
car il lui faut pour cela mettre en mouvement toute sa musculature.
C’est une bonne étude, qui révèle, dit-on, une notable connaissance
de l’anatomie. Le titre et le mouvement suggèrent à quelques-uns
des considérations poétiques sur la bonne terre, la mère, la nourrice,
qui, je l’avoue, n’ont à mes yeux qu’une relation bien éloignée avec
une figure qui est et.demeure avant tout une académie.
Il y a au contraire beaucoup de vérité, de naïveté, d’imprévu,
dans le groupe de M. Sinding, Homme et femme : la naïveté surtout
y est poussée jusqu’à ses extrêmes limites, car enfin, pour exposer
un pareil morceau, il faut que le sculpteur norvégien ait une bien
haute idée delà chasteté du public. Nous ne voudrions, ni n’oserions
lui enlever ses illusions en développant les inévitables commentaires
que son oeuvre suggère ; d’autant plus que, quelques réserves qu’on
puisse faire sur le motif et sur son extrême hardiesse, il est difficile
de ne pas admirer l’étonnante virtuosité de l’exécution : une
virtuosité de bon aloi, d’ailleurs, franche, loyale, abondante, qui
n’escamote aucune difficulté et ne recherche aucune duperie. Une
des particularités de M. Sinding, c’est de travailler supérieurement
le marbre.