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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 1
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Rod, Édouard: Les salons de 1891 au Champ-de-Mars et aux Champs-Élysées, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0043

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LES SALONS DE 1891.

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qualités de grâce, de gaîté, de charme heureux et facile, qui ont à
peu près disparu de notre art contemporain. Il a réussi, sans doute;
mais son œuvre a comme je ne sais quel air étranger, qui l’isole
au milieu de productions bien différentes.

Il en est une surtout qui forme avec elle le plus frappant contraste :
c’est le Monument funéraire de M. Bartholomé. Je sais bien qu’on ne
peut pas demander à un monument funéraire de ressembler à une
scène bachique : mais il y a parfois, entre des œuvres contempo-
raines qui diffèrent du tout au fout par leur sujet, comme une secrète
parenté dont nous ne trouverions pas ici la moindre trace, et par la
faute de M. Dalou. En effet, c’est bien M. Bartholomé qui est « dans
le mouvement » ; aussi, sans avoir ni l’acquis, ni peut-être les qualités
naturelles de M. Dalou, a-t-il fait une œuvre émouvante, dans laquelle
on relèvera ce singulier mélange de réalisme et de mysticisme qui
est un des traits caractéristiques de l’heure actuelle. La figure prin-
cipale surtout, celle de l’ange qui appelle les morts, est d’une beauté
tragique, mystérieuse, surnaturelle, qu'il est bien difficile d’obtenir
avec les moyens limités de la sculpture. Toute l’œuvre est animée et
comme soutenue par un grand sentiment, douloureux, profond, qui
.lui donne une saisissante originalité et fait qu’on s’arrête longuement
devant elle, comme on s’arrête lorsqu’on entend un cri ou un sanglot.

Une importante et brillante exposition est celle de M. A. Lenoir.
La pièce principale en est la Statue de il/me la princesse de Salerne,
destinée à la chapelle royale de Dreux et propriété du duc d’Aumale.
Ce que l’artiste a cherché surtout, à travers une exécution irrépro-
chable et très délicate, c’est à rendre la couleur et la sérénité d’une
mort douce, de cette bonne mort que les Grecs appelaient eutha-
nasie. Il a réussi d’une façon surprenante : les traits se reposent,
dans l’apaisement définitif de toute souffrance ; et pourtant ce visage
d’où la vie s’est retiré conserve une expression de bonté humaine,
un je ne sais quoi de tendre et d’affectueux. C’est une belle œuvre,
apaisante et pure, devant laquelle on aime à s’arrêter. Parmi les
autres œuvres du même artiste, je mentionnerai surtout le médaillon
en bronze de Jules de Goncourt, exécuté avec cette élégance, cette
délicatesse et cette distinction qui sont les caractères les plus frap-

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pants du talent de M. Lenoir.

M. Rodin ne nous a envoyé cette année qu’un seul buste, celui de
M. Puvis de Chavannes, mais ce buste est merveilleux d’intensité et
de divination. M. Rodin a une façon toute à lui d’idéaliser ses
personnages : il va chercher, au fond d’eux, le coin d’héroïsme qu’ils
 
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