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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Renan, Ary: Kairouan, 2: l'art arabe dans le Maghreb
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0064

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52

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pourvu de rentes considérables, pourrait passer pour le plus vieux
monument de ce Kairouan fondé dix ans seulement plus tôt. Mais ce
tombeau ne saurait être contemporain de la mort du sahab, qui avait
demandé qu’on cachât le lieu de sa sépulture. C’est postérieurement,
à une date incertaine, qu’on découvrit cette sépulture et qu’on
transféra les reliques du saint homme sous un riche mausolée.

Une grande cour à arcades, où se reposent des troupeaux... ; une
terrasse sur laquelle flotte un drapeau vert...: un minaret, le plus
soigné de Kairouan, où des carreaux de faïence verts et bleus font
avec la pierre jaune un charmant effet...: puis un vestibule tout
bleu...; puis un vestibule tout rose; puis un escalier jaune!...
On devrait, en vérité, appeler ce jol imonument « l’oratoire des
faïences », ou « la cassette des émaux » ; il en est tout revêtu.

Ces vestibules féeriques nous mènent à une petite cour oblongue
et à une salle en coupole qui sont deux gracieux chefs-d’œuvre de
goût, deux bijoux de style raffiné et de couleur. Les fines colonnes
de cette courette silencieuse et les ornements en plâtre repercé de
cette coupole sont dans un état de conservation parfait; il n’existe
pas de plus ingénieuses arabesques ni de lacis plus arachnéens à
Tlemcen, à l’Alhambra, à Delhi, à Lahore ; des reflets multicolores se
croisent, des lueurs furtives glissent sur les parois; l’art est noyé
dans une religieuse pénombre... Tout à coup, au sortir de cet atrium,
la cour principale, ceinte d’une colonnade, s’ouvre tout ensoleillée,
diaprée de couleurs vives et harmonieuses. Ici, la faïence ne s’arrête
pas à hauteur d’appui: une grande attique à panneaux court le long du
mur de fond, au-dessus des arcades de marbre du portique. Les pla-
fonds de bois de ce portique sont ravissants; il en est de gris, à
pendentifs minuscules; il en est en ruches d’abeilles; il en est de
déteints qui sont pareils à des cachemires usés... Le charme de la
couleur supplée à l’insuffisance architecturale etl’ornement triomphe.
Si la zaouïa de Sidi-Sahab était dans l’état de nudité de la Grande
Mosquée, peut-être songerait-on à la critiquer ; mais dans la blancheur
universelle des édifices tunisiens, c’est une jouissance pour les yeux
que de tomber sur cette naïve et chatoyante décoration. Tout cela
n’est qu’un jeu, mais c’est un jeu charmant.

Quel dommage que la porte et les fenêtres de Y atrium, ainsi que
celles du tombeau soient modernes et vilaines! Un riche donataire
a détruit l’eurythmie de ce patio en y introduisant des marbres blancs,
de fabrique italienne, dont le style rappelle celui de nos cheminées
cossues. La coupole de la salle funéraire a été également repeinte.
 
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