ALEXANDRE BENING.
61
de Giovanni Santi, vous ne rencontrerez jamais écrits les noms de
Van Eyck, de Van der Weyden, de Bouts, de Memling, de Van der
Goes; mais vous verrez citer : le grand Johannes ou Jean le Français
(Johannes Gallicus), Roger de Bruges ou Roger le Français, Dierick
de Louvain, maître Hans, Hugues de Gand.. Dans un de ses vers, Jean
Pelerin n’emploie que six mots pour énumérer une suite de cinq
artistes célèbres :
« Hugues, Lucas, Luc, Albert et Bénard. »
On retrouve aussi maintes preuves du même usage dans le journal
du voyage d’Albert JDürer dans les Pays-Bas.
Ce système si propre à la confusion fait trop souvent aujourd’hui
le désespoir du commentateur de textes anciens. Mais dans le cas
spécial d’Alexandre Bening, du moins, l’inconvénient n’existait pas.
En effet, son prénom d’Alexandre était alors très rarement donné
au baptême. Parmi tous les artistes de la fin du xve siècle, inscrits
sur les registres des gildes de Bruges et de Gand, il était seul à le
porter. Il ne pouvait donc y avoir aucune équivoque en ce qui le con-
cernait, et le prénom d’Alexandre, tout court, ou de maître Alexandre,
désignait aussi sûrement pour ses contemporains l’enlumineur
parent par alliance de Hugo Van der Goes, que s’il avait été suivi de
son nom de famille Bening écrit en toutes lettres.
La concordance que nous avons constatée entre les principaux
traits de la carrière de maître Alexandre, tels qu’ils résultent des
documents, et les indications à tirer de nos dates de manuscrits est
si frappante qu’elle constituerait à elle seule une preuve décisive.
Mais ii se trouve encore qu’elle est confirmée par l’autorité la plus
forte, par le témoignage le plus irrécusable, celui de maître Alexandre
en personne.
On sait que les enlumineurs de profession, au moyen âge, dans
les pays soumis à l’autorité du roi de France ou de la maison de
Bourgogne, étaient très rarement admis à inscrire leurs noms sur
les manuscrits qu’ils décoraient. Tout au plus se nommaient-ils
quelquefois, comme le faisaient les copistes, dans une souscription
finale placée à la fin du volume. En Italie, où la situation person-
nelle des artistes était bien plus relevée, il n’en était pas de même.
Les miniaturistes en renom, les Attavante, les Antonio da Monza,
les Christoforo de Prédis, apposaient au bas de leurs oeuvres de véri-
tables signatures, très apparentes et analogues à celles des tableaux.
Ce système, sauf peut-être un unique cas, qui, par son caractère
61
de Giovanni Santi, vous ne rencontrerez jamais écrits les noms de
Van Eyck, de Van der Weyden, de Bouts, de Memling, de Van der
Goes; mais vous verrez citer : le grand Johannes ou Jean le Français
(Johannes Gallicus), Roger de Bruges ou Roger le Français, Dierick
de Louvain, maître Hans, Hugues de Gand.. Dans un de ses vers, Jean
Pelerin n’emploie que six mots pour énumérer une suite de cinq
artistes célèbres :
« Hugues, Lucas, Luc, Albert et Bénard. »
On retrouve aussi maintes preuves du même usage dans le journal
du voyage d’Albert JDürer dans les Pays-Bas.
Ce système si propre à la confusion fait trop souvent aujourd’hui
le désespoir du commentateur de textes anciens. Mais dans le cas
spécial d’Alexandre Bening, du moins, l’inconvénient n’existait pas.
En effet, son prénom d’Alexandre était alors très rarement donné
au baptême. Parmi tous les artistes de la fin du xve siècle, inscrits
sur les registres des gildes de Bruges et de Gand, il était seul à le
porter. Il ne pouvait donc y avoir aucune équivoque en ce qui le con-
cernait, et le prénom d’Alexandre, tout court, ou de maître Alexandre,
désignait aussi sûrement pour ses contemporains l’enlumineur
parent par alliance de Hugo Van der Goes, que s’il avait été suivi de
son nom de famille Bening écrit en toutes lettres.
La concordance que nous avons constatée entre les principaux
traits de la carrière de maître Alexandre, tels qu’ils résultent des
documents, et les indications à tirer de nos dates de manuscrits est
si frappante qu’elle constituerait à elle seule une preuve décisive.
Mais ii se trouve encore qu’elle est confirmée par l’autorité la plus
forte, par le témoignage le plus irrécusable, celui de maître Alexandre
en personne.
On sait que les enlumineurs de profession, au moyen âge, dans
les pays soumis à l’autorité du roi de France ou de la maison de
Bourgogne, étaient très rarement admis à inscrire leurs noms sur
les manuscrits qu’ils décoraient. Tout au plus se nommaient-ils
quelquefois, comme le faisaient les copistes, dans une souscription
finale placée à la fin du volume. En Italie, où la situation person-
nelle des artistes était bien plus relevée, il n’en était pas de même.
Les miniaturistes en renom, les Attavante, les Antonio da Monza,
les Christoforo de Prédis, apposaient au bas de leurs oeuvres de véri-
tables signatures, très apparentes et analogues à celles des tableaux.
Ce système, sauf peut-être un unique cas, qui, par son caractère