Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:
Wyzewa, Teodor de: Thomas Lawrence et la Société anglaise de son temps, 2
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0144

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
122

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ment douce et tendre, la lecture de Milton. Il n’est pas douteux aussi
qu’il étudia beaucoup à cette occasion les allégories de Reynolds et de
Romney, mais surtout celles du Suisse Fuseli, qui vivait alors à
Londres, et y était aussi injustement renommé qu’il y est aujourd’hui
injustement conspué.

« Lorsque Fuseli vit pour la première fois mon Satan, racontait
Lawrence, il fut piqué, et. me dit : « "Vous m’avez pris l’idée. —
« Oui, en vérité, lui répondis-je, c’est de vous que m’est venue l’idée,
« mais de votre personne et non de vos œuvres. Vous rappelez-vous
« que lorsque nous étions ensemble à Stackpole Court, dans le Comté
« de Pembroke, vous vous êtes dressé sur le haut rocher qui surmonte
« la baie de Bristol, et que de là vous avez contemplé la mer qui se
« déroulait magnifique? Vous étiez émerveillé; et pendant que vous
« criiez : « Comme c’est grand! Comme c’est terrible! etc. », vous
« aviez pris une attitude farouche. Il me sembla voir Satan considé-
« rant l’abîme, et j’ai fait à la hâte une esquisse d’après vous ; la
« voici. Mon Satan se tient tout juste dans mon tableau comme vous
« vous teniez ce jour-là sur le rocher ! »

Tout cela, d’ailleurs, n’einpèche pas Fuseli d’avoir eu quelque
droit à retrouver dans l’œuvre de Lawrence sa manière de composer
et sa manière de peindre. Mais tout cela n’empêche pas non plus que
le Satan de Lawrence, aujourd’hui exposé dans l’escalier du Musée
de Burlington House, ne soit une œuvre médiocre, froide au delà de
toute mesure, affectée, déplaisante pour les yeux. A l’Exposition
de 1797, où Lawrence l’envoya, elle n’eut aucun succès, si bien que
le maître, qui d’ailleurs la considérait comme un chef-d’œuvre, ne
put de toute sa vie s’en défaire, et la garda toujours dans son atelier.
Deux portraits où il avait apporté beaucoup de zèle et de travail,
exposés la même année, n’eurent pas beaucoup plus de chance. Ni les
délicats, ni le public n’en furent pleinement satisfaits. On reprocha
au portrait de John Iîemble (gravé par Cheesmann), la surcharge de
l’expression, et l’on trouva fâcheux que Lawrence eût pensé devoir
rajeunir et embellir comme il l’avait fait son modèle d’autrefois,
Mistress Siddons, dont on disait alors qu’il voulait épouser la fille.

Et c’est ainsi que le pauvre Lawrence fut ramené par le destin à
cet art de mode et d’agrément extérieur dont il avait noblement
essayé de s’éloigner. Que nous y ayons perdu beaucoup, je ne le crois
pas. Il me semble que le grand art pour Lawrence consistait davan-
tage dans des machines comme son Satan, que dans des portraits
délicats et profonds comme le portrait de Cowper, et ainsi il m’est
 
Annotationen