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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 2
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Wyzewa, Teodor de: Thomas Lawrence et la Société anglaise de son temps, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0148

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

soignée et très violente, pleine à la fois d’ironie et de pathétique.
Curran avait eu aussi pour le rendre fameux plusieurs duels, notam-
ment avec M. Fitzgibbon, procureur général de l’Irlande. Il s’était
marié avec une demoiselle irlandaise, miss O’Dell, qui paraît l’avoir
rendu assez malheureux. Il était ford laid, mais l’expression de son
visage étonnait par un mélange de force et de mélancolie : tel il nous
apparaît du moins dans ce portrait de Lawrence, qui n’est pas un
portrait excellent, mais certes le meilleur de ses portraits d’alors.
Le peintre parait d’ailleurs avoir apporté au portrait de cet homme
remarquable et fameux plus de soin et de passion qu’il n’en apportait
à ses autres ouvrages de la même époque. « Il avait, nous dit
Williams, peint d’abord un premier portrait qu’il avait complète-
ment raté et dont il était navré. Peu de temps après avoir terminé ce
portrait, il eut occasion de dîner avec M. Curran et de le voir dans
tout l’éclat que lui donnait l’animation. Il ne put s’empêcher de lui
dire : « Ce n’est pas du tout votre portrait que j’ai peint! Jamais
« encore je ne vous ai vu tel que vous êtes. Yenez demain, je vous
« prie, et accordez-moi une nouvelle séance. » M. Curran, qui devait
quitter l’Angleterre le lendemain, ajourna son départ, et c’est en une
séance que Lawrence fit ce portrait; on y trouve représentée avec
la plus extraordinaire ressemblance la figure d’homme la plus
extraordinaire qu’il y ait eu jamais. »

Le succès de ce Curran a-t-il de nouveau ravivé au cœur du jeune
peintre le désir de relever son art? Toujours est-il que, dans les
années qui suivent, on voit par degré les œuvres de Lawrence
devenir plus variées, plus sobres, plus solides; ce n’est pas que
les envois de 1801, le portrait du Général Stuart (gravé par Clint
en 1802), le portrait de sir Edmond Antrobus (gravé par Clint la
même année), ni même le grand portrait de Kemble en Hamlet (gravé
par S. W. Reynolds et par Egan) soient encore des œuvres très
intéressantes, mais on y sent un effort vers quelque chose de sérieux
et de noble, en même temps qu’une tendance à varier la composi-
tion en harmonie avec le sujet. Le Kemble en Hamlet est même le
meilleur des portraits de Kemble par Lawrence. C’est une grande
toile de dix pieds de haut sur six pieds de large, exposée aujourd’hui
dans le vestibule de la National Gallery. Waagen, dans son examen
des tableaux des collections anglaises, en loue beaucoup la puissance
d’effet et la belle exécution, Lawrence lui-même parait en avoir été
enchanté. Dans une lettre à son amie, Mme Boucherette (dont il avait
peint les enfants en 1800), il écrit : « Je suis ravi que vous aimiez
 
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