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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 4
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Fourcaud, Louis de: L' art gothique, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0351

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L’ART GOTHIQUE.

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et ses conséquences infinies. Apparu avec les premières fermenta-
tions des Communes, l’art gothique grandit au milieu des luttes
d’émancipation de nos Bourgeoisies; il est l’art même de la liberté.
C’est un point qui vaut bien d’être examiné à part.

J’ai indiqué, au début de cette étude, la nature d’esprit du gallo-
franck, emporté à l’indépendance. La conquête de la liberté est une
de ces épopées douloureuses et sublimes, cent fois esquissées, jamais
écrites, dont les pierres des cathédrales, non moins que les parche-
mins des archives, gardent partout les éléments. De même que
l’architecture religieuse s’est dégagée du plan basilical romain,
l’évolution civile est partie de l’antique forme romaine du municipe.
La monarchie franque ne l’a point détruite où les invasions l’avaient
respectée : elle s’est bornée à n’en pas tenir compte. Dans la Gaule du
Nord, plusieurs cités — Arras en tête — s’administrent toujours.
Les villes métropolitaines du centre conservent au moins les
apparences de leurs franchises : telles Orléans, Tours, Angers,
Bourges, Périgueux. Il en va pareillement du côté du Midi, à
Toulouse, à Narbonne, à Perpignan, à Nîmes, à Arles. Le courant
libéral est assez fort pour que Charlemagne le croie devoir suivre en
créant la magistrature urbaine des échevins élus par le peuple
(Scavini ou Scabinï). Je ne puis disconvenir que la féodalité ait fait
litière, sous les Carlovingiens, des privilèges des villes. Toutefois,
le souvenir en survit et des titres significatifs, toujours portés, en
maint endroit, par les magistrats populaires, attestent qu’on a
conscience du passé. Arles a ses juges-chefs; Nîmes, ses podes-
tats ; Narbonne, ses chevaliers-bourgeois ; Toulouse, ses consuls ;
Périgueux, ses citoyens-seigneurs. Quel que soit le joug qu’on
subit, on n’a sensiblement perdu ni le goût de la liberté, ni l’espé-
rance.

Ce sentiment se retrouve superbement exprimé, en bien des pages
de nos chansons du geste, où la royauté s’environne sans cesse
d’un grand conseil d’évêques, de nobles et d'hommes libres. Ce nom
d’homme libre sonne aux oreilles de nos aïeux à l’égal d’un coup de
clairon. Ecoutez, dans le Montage Guillaume, le comte au court nez
faire honte à son souverain, entouré d’indignes serviteurs : « Qui
est-ce qui fait la puissance d’un roi? Ce sont les hommes libres. Tu
n’en as plus auprès de toi et toute la France en est en mal. » Lorsque
les ménestrels déclamaient de tels passages, les serfs eux-mêmes y
applaudissaient avec transport, comme à la voix de leurs plus intimes
aspirations. Notre nation se veut libre, par instinct et besoin, et se
 
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