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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
dessin est médiocre, sa taille du cuivre assez modeste. « On a dit de
lui quil avait gravé sur bois. » Qui est cet on ? Bartsch ne le précise
pas, et c’est un grand tort, car celui qui lançait cette assertion savait
mieux que d’autres vraisemblablement qui était Reverdino. Toute-
fois, Bartsch, qui n’a jamais vu d’estampe sur bois signée du mono-
gramme ou du nom, s’inscrit en faux contre cette affirmation ; c’est
donc que Reverdino, graveur sur cuivre de Padoue, et graveur très
ordinaire, mais dont les épreuves sont rares, n’a pas gravé sur bois.
Les copistes de Bartsch n’en démordront pas.
Ayant ainsi pris sa place, si petite qu’elle fût, dans le Peintre-
Graveur, bréviaire de l’iconographie, Reverdino est lancé ; rien ne
manque à sa gloire qu’un peu de talent et moins de fantaisie. Car, il
faut le dire à sa honte, ce graveur de Padoue, de Florence ou de
Bologne — certains successeurs de Bartsch ont de l’hésitation sur
son lieu de naissance — a osé composer des sujets déshonnêtes1 et,
chose plus grave, des scènes très inconnues en Italie, des grotesques
comme les Alchimistes, des paysanneries comme le Branle des villa-
geois, « presque allemands d’allure »! Peut-être eût-il mieux valu dire
français, à la place d'allemands, mais cela importait peu. Du moment
où ces pièces risquées s’écartaient du style italien, en oubliaient les
hiératismes et les mythologies, elles n'intéressaient personne. Vers
1827, un Anglais, G. Cumberland, écrivait sur la gravure un Essai
de catalogue critique. Cumberland n’a point pour les théories de
Bartsch la religion prosternée de ses congénères. Le premier, il
s’étonne qu’aucun auteur contemporain de ce Reverdino n’ait
signalé son nom ou son œuvre. Sans doute le graveur français
Papillon a mis Reverdinus au nombre des graveurs sur bois ; malheu-
reusement il assigne aux estampes exécutées par lui la date 1610.
Comme Ge. Reverdinus a daté deux pièces sur cuivre, l’une de 1531,
l’autre de 1554, ce serait lui prêter une longévité improbable que
d’en croire Papillon. Aussi bien Cumberland, qui se donne la peine
de regarder, déclare aventureuse l’opinion de Bartsch sur Rever-
dinus, lorsqu’il le met entre Bonasone et Augustin Vénitien.
Il semblerait que d'aussi petites choses ne dussent passionner
personne, mais c’est le contraire qui se rencontre. Si l’on songe que
les amateurs, les cabinets d’estampes, ont, sur la parole de Bartsch,
classé ce Reverdino en bonne place, en réserve, comme on l’a
fait, vers 1788, au Cabinet des estampes de Paris, il est bon de
i. Gori, III, p. 156: « intaglio soggelli da disprezzarsi, per la loro nudità ed
attitudini », etc.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
dessin est médiocre, sa taille du cuivre assez modeste. « On a dit de
lui quil avait gravé sur bois. » Qui est cet on ? Bartsch ne le précise
pas, et c’est un grand tort, car celui qui lançait cette assertion savait
mieux que d’autres vraisemblablement qui était Reverdino. Toute-
fois, Bartsch, qui n’a jamais vu d’estampe sur bois signée du mono-
gramme ou du nom, s’inscrit en faux contre cette affirmation ; c’est
donc que Reverdino, graveur sur cuivre de Padoue, et graveur très
ordinaire, mais dont les épreuves sont rares, n’a pas gravé sur bois.
Les copistes de Bartsch n’en démordront pas.
Ayant ainsi pris sa place, si petite qu’elle fût, dans le Peintre-
Graveur, bréviaire de l’iconographie, Reverdino est lancé ; rien ne
manque à sa gloire qu’un peu de talent et moins de fantaisie. Car, il
faut le dire à sa honte, ce graveur de Padoue, de Florence ou de
Bologne — certains successeurs de Bartsch ont de l’hésitation sur
son lieu de naissance — a osé composer des sujets déshonnêtes1 et,
chose plus grave, des scènes très inconnues en Italie, des grotesques
comme les Alchimistes, des paysanneries comme le Branle des villa-
geois, « presque allemands d’allure »! Peut-être eût-il mieux valu dire
français, à la place d'allemands, mais cela importait peu. Du moment
où ces pièces risquées s’écartaient du style italien, en oubliaient les
hiératismes et les mythologies, elles n'intéressaient personne. Vers
1827, un Anglais, G. Cumberland, écrivait sur la gravure un Essai
de catalogue critique. Cumberland n’a point pour les théories de
Bartsch la religion prosternée de ses congénères. Le premier, il
s’étonne qu’aucun auteur contemporain de ce Reverdino n’ait
signalé son nom ou son œuvre. Sans doute le graveur français
Papillon a mis Reverdinus au nombre des graveurs sur bois ; malheu-
reusement il assigne aux estampes exécutées par lui la date 1610.
Comme Ge. Reverdinus a daté deux pièces sur cuivre, l’une de 1531,
l’autre de 1554, ce serait lui prêter une longévité improbable que
d’en croire Papillon. Aussi bien Cumberland, qui se donne la peine
de regarder, déclare aventureuse l’opinion de Bartsch sur Rever-
dinus, lorsqu’il le met entre Bonasone et Augustin Vénitien.
Il semblerait que d'aussi petites choses ne dussent passionner
personne, mais c’est le contraire qui se rencontre. Si l’on songe que
les amateurs, les cabinets d’estampes, ont, sur la parole de Bartsch,
classé ce Reverdino en bonne place, en réserve, comme on l’a
fait, vers 1788, au Cabinet des estampes de Paris, il est bon de
i. Gori, III, p. 156: « intaglio soggelli da disprezzarsi, per la loro nudità ed
attitudini », etc.