Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 26.1901)

LE “ TRIOMPHE DE LA MORT ”

A L’HOSPICE DE PALERME

l n'est pas d’artiste, d’amateur, de simple
touriste, qui n’ait admiré à Palerme le
fameux Triomphe de la Mort, cette page
d’une si haute inspiration, peinte, en
figures plus grandes que nature, sur
une des parois du palais Sclafani (trans-
formé d’abord en hospice, puis en ca-
serne). On ne saurait assez s’extasier
devant la superbe allure, la grandeur
épique, du cavalier et du cheval. Le
squelette, ramassé sur lui-même, à
l’instar d’un ressort prêt à se détendre, incarne le mélange de ruse
et de vigueur que se plaît à lui donner l’art du moyen âge. Quant
au cheval;, efflanqué, sinistre, mais d’une rare puissance, il est lancé
à travers l’espace comme une force de la nature.

Pendant longtemps ce chef-d’œuvre a été attribué à un certain
Antonio Crescenzio, de Palerme.

Voici que, tout à coup, le regretté Hubert Janitschek1, dont l’avis
a été adopté par le Cicerone de MM. Burckhardt et Bode, a reven-
diqué la peinture de Palerme pour un Flamand. On lit textuellement
ce qui suit dans la huitième édition (1901) de ce guide, d’ordinaire
si merveilleusement informé : « Le Triomphe de la Mort, attribué
à Crescenzio, dans l’ancien hospice de Palerme (aujourd’hui caserne),
en figures plus grandes que nature (sur mur, à l’huile?), est un
ouvrage d’un souffle puissant, influencé comme sujet et comme
1. Repertorium für Kunstwissenschaft, t. I, 1876, p. 357-366.