EN MÉMOIRE
DE
JEAN-CHARLES CAZIN
Mai 1901.
Lorsque brusquement j’ai su que nous ne le rever-
rions plus, lorsque surtout j’ai su qu’il ne travaillerait
plus, — car c’est cela qui est le malheur, et l’amitié
de quelques-uns n’a pas le droit d’attirer l’attention,
dans la perte infinie que font tous les hommes par la
mort d’un seul honnête artiste, — je traversais en
train rapide de grandes landes tristes, désolées, vers
l’Adour. Le soleil baissait. A la fenêtre du wagon,
le paysage se succédait continûment, monotone,
pauvre, et pourtant suave, à ce qu’il me semblait.
D’où venait cette suavité dont j’étais charmé, alors que
rien de ce que je voyais ne correspondait qu’à des
notions de stérilité revêche, de vie besogneuse et dure?
L’harmonie fine entre le ciel incolore où montaient
des cirrus violacés, teintés de pourpre vif du côté du
couchant, d’un gris froid et déjà lunaire à l’opposite,
XXVI. — 3' PEU IODE
23
DE
JEAN-CHARLES CAZIN
Mai 1901.
Lorsque brusquement j’ai su que nous ne le rever-
rions plus, lorsque surtout j’ai su qu’il ne travaillerait
plus, — car c’est cela qui est le malheur, et l’amitié
de quelques-uns n’a pas le droit d’attirer l’attention,
dans la perte infinie que font tous les hommes par la
mort d’un seul honnête artiste, — je traversais en
train rapide de grandes landes tristes, désolées, vers
l’Adour. Le soleil baissait. A la fenêtre du wagon,
le paysage se succédait continûment, monotone,
pauvre, et pourtant suave, à ce qu’il me semblait.
D’où venait cette suavité dont j’étais charmé, alors que
rien de ce que je voyais ne correspondait qu’à des
notions de stérilité revêche, de vie besogneuse et dure?
L’harmonie fine entre le ciel incolore où montaient
des cirrus violacés, teintés de pourpre vif du côté du
couchant, d’un gris froid et déjà lunaire à l’opposite,
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