L’ISLAM MONUMENTAL DANS L’INDE DU NORD 127
prodigieuse porte triomphale de Futtehpore-Sikri. Aurengzeb sur
son lit de mort — lui le fanatique abhorré des Hindous ! — écrit :
« Je ne sais rien de moi, ni de ce que je suis, ni où je vais » et ter-
mine ainsi son testament : « Les folles pensées des femmes n’appor-
tent que déception. Adieu ! adieu ! adieu ! » Son père Shah Jehan
avait adressé lui aussi à l’amour cet adieu de marbre, de Heurs, de
mélancolie et de songe qui est le Taj d’Agra.
Akbar le Grand domine sa lignée de toute la hauteur de ses
préoccupations morales et de l’œuvre accomplie. Son trait le plus
marqué, c’est peut-être son dilettantisme religieux. Il présida un
véritable congrès de religions à Futtehpore. Solution gravement
réclamée aux problèmes éternels par la même inquiétude de tyran
philosophe qui se résoudra dans le dilettantisme épicurien et
sceptique d’un Hadrien. Mais l'Oriental a connu l’action,y a trempé
sa méditation et ne considère pas que son labeur puisse se payer à
moins d’une certitude. La trouva-t-il? On ne sait. 11 semble qu’en
dernier ressort il l’ait cherchée en lui-même : des croyants ortho-
doxes lui reprochèrent, à la fin de sa vie, de ne pas écarter les
hommages divins. Conclusion assez logique d’orgueil trop comblé.
Ou bien peut-on croire, d’après certains indices (sanctuaire hindou
près du palais de la rani Rajpoute, fresque de l’Annonciation aux
murs de la demeure présumée de sa femme chrétienne), que,, pareil
au roi de l’Ecclésiaste et du Cantique, il ait embrassé les croyances
des femmes qu’il avait le mieux aimées, renoncement attendri de la
sagesse vieillissante devant l’éternelle volupté ?...
A-t-on jamais fait la psychologie du despote? Nulle étude ne
pourrait être plus tragique et d’un intérêt plus profond. La marche
du monde moderne a presque éliminé le type d’humanité domi-
natrice, au caprice souverain, aux possibilités presque infinies dans
le champ des facultés humaines. Doit-il reparaître un jour au
sommet d’une échelle de valeurs nouvelles, riches de possibilités
multipliées, maître des clefs véritables du bonheur et de la beauté?...
En l’attendant, tâchons de dégager l’âme d’un de ses plus
illustres devanciers, sinon dans la mémoire incertaine de ses actes,
du moins à travers les débris augustes de son idéal essayé.
Les édifices de Futtehpore-Sikri couvrent la superficie d’un
plateau qui nivèle une croupe de grès rouge. Celle-ci dresse, au
milieu d’une plaine immense, à vingt-deux milles d’Agra, son acro-
pole impériale, dont la silhouette, couronnée par la masse du grand
arc de triomphe, invite et suit de loin le voyageur. Un lac artificiel
prodigieuse porte triomphale de Futtehpore-Sikri. Aurengzeb sur
son lit de mort — lui le fanatique abhorré des Hindous ! — écrit :
« Je ne sais rien de moi, ni de ce que je suis, ni où je vais » et ter-
mine ainsi son testament : « Les folles pensées des femmes n’appor-
tent que déception. Adieu ! adieu ! adieu ! » Son père Shah Jehan
avait adressé lui aussi à l’amour cet adieu de marbre, de Heurs, de
mélancolie et de songe qui est le Taj d’Agra.
Akbar le Grand domine sa lignée de toute la hauteur de ses
préoccupations morales et de l’œuvre accomplie. Son trait le plus
marqué, c’est peut-être son dilettantisme religieux. Il présida un
véritable congrès de religions à Futtehpore. Solution gravement
réclamée aux problèmes éternels par la même inquiétude de tyran
philosophe qui se résoudra dans le dilettantisme épicurien et
sceptique d’un Hadrien. Mais l'Oriental a connu l’action,y a trempé
sa méditation et ne considère pas que son labeur puisse se payer à
moins d’une certitude. La trouva-t-il? On ne sait. 11 semble qu’en
dernier ressort il l’ait cherchée en lui-même : des croyants ortho-
doxes lui reprochèrent, à la fin de sa vie, de ne pas écarter les
hommages divins. Conclusion assez logique d’orgueil trop comblé.
Ou bien peut-on croire, d’après certains indices (sanctuaire hindou
près du palais de la rani Rajpoute, fresque de l’Annonciation aux
murs de la demeure présumée de sa femme chrétienne), que,, pareil
au roi de l’Ecclésiaste et du Cantique, il ait embrassé les croyances
des femmes qu’il avait le mieux aimées, renoncement attendri de la
sagesse vieillissante devant l’éternelle volupté ?...
A-t-on jamais fait la psychologie du despote? Nulle étude ne
pourrait être plus tragique et d’un intérêt plus profond. La marche
du monde moderne a presque éliminé le type d’humanité domi-
natrice, au caprice souverain, aux possibilités presque infinies dans
le champ des facultés humaines. Doit-il reparaître un jour au
sommet d’une échelle de valeurs nouvelles, riches de possibilités
multipliées, maître des clefs véritables du bonheur et de la beauté?...
En l’attendant, tâchons de dégager l’âme d’un de ses plus
illustres devanciers, sinon dans la mémoire incertaine de ses actes,
du moins à travers les débris augustes de son idéal essayé.
Les édifices de Futtehpore-Sikri couvrent la superficie d’un
plateau qui nivèle une croupe de grès rouge. Celle-ci dresse, au
milieu d’une plaine immense, à vingt-deux milles d’Agra, son acro-
pole impériale, dont la silhouette, couronnée par la masse du grand
arc de triomphe, invite et suit de loin le voyageur. Un lac artificiel