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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
moyen de blocs presque cyclopéens. Ma chambre, au rez-de-chaus-
sée, carrée, a quatre portes pareilles entre des piliers rectangulaires,
où des motifs polygonaux s’enchâssent de bandes d’arabesques végé-
tales. Le sommet de la porte est formé par deux supports en forme
de mâchicoulis, projetés par l’un et l’autre pilier, et qui, sans se
toucher, sont unis par une architrave posée à plat. Ils portent les
pendentifs en capsules si caractéristiques de l’architecture hindoue
et dessinent deux à deux un arceau qui se répète tout autour de la
pièce, encadrant les panneaux pleins comme les baies ouvertes.
Au-dessus, règne une frise d’alvéoles, qu’une ligne d’oves glandu-
laires raccorde aux longues dalles du plafond. Des réseaux délicats
sur ces dalles eu parent l’austérité. L'Oriental, quand sa rêverie ne
se perd pas dans les lointains du dôme, aime à l’égarer parmi les
géométries diaprées d’un beau plafond. Luxe de gens couchés,
paresses du divin kief.
Au milieu des espaces pleins de la muraille, se creusent des
niches ogivales, inscrites dans une bande rectangulaire de jasmins
héraldiques.
Derrière la maison, des écuries allongent une ligne de man-
geoires vides. Au bas de la terrasse,un grand caravansérail croulant
se serrait entre le pied du rocher et la nappe du lac. La majestueuse
Porte des Eléphants troue l’enceinte fortifiée, dans la direction du
singulier minar conique hérissé de défenses d’éléphants de pierre, et
d’où l’empereur abattait les bêtes de la jungle giboyeuse, au bord
même des remparts de la cité.
La grande mosquée domine superbement l’escarpement sud-
ouest de l’acropole d’Akbar. Bâtie en 1571, sur le plan, affirme-t-on,
de la sainte Ivaaba, elle constitue l’œuvre d’art centrale et suprême
du règne, presque pure des tendances étrangères, et même, par une
sorte de réaction, empruntant à l’art arabe proprement dit des pro-
cédés à peu près inédits en terre d’Uindoustan.
Une cour de deux cents mètres de long sur cent cinquante de
large environ, dallée de marbre blanc, n’interrompt sa surface
éblouissante et plane, d’une expression si religieuse et si grave, que
par la vasque rituelle, un mausolée à deux dômes vêtu de marbres
aériens, les feuillages de quelques arbres. Il en croit souvent à
travers les parvis houleux des mosquées, où leur grâce, leur ten-
dresse de choses végétales et qui peuvent mourir, semble nécessaire
à détendre la méditation trop dépouillée, l’extase intense et doulou-
reuse, fixée au front de l’Éternel.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
moyen de blocs presque cyclopéens. Ma chambre, au rez-de-chaus-
sée, carrée, a quatre portes pareilles entre des piliers rectangulaires,
où des motifs polygonaux s’enchâssent de bandes d’arabesques végé-
tales. Le sommet de la porte est formé par deux supports en forme
de mâchicoulis, projetés par l’un et l’autre pilier, et qui, sans se
toucher, sont unis par une architrave posée à plat. Ils portent les
pendentifs en capsules si caractéristiques de l’architecture hindoue
et dessinent deux à deux un arceau qui se répète tout autour de la
pièce, encadrant les panneaux pleins comme les baies ouvertes.
Au-dessus, règne une frise d’alvéoles, qu’une ligne d’oves glandu-
laires raccorde aux longues dalles du plafond. Des réseaux délicats
sur ces dalles eu parent l’austérité. L'Oriental, quand sa rêverie ne
se perd pas dans les lointains du dôme, aime à l’égarer parmi les
géométries diaprées d’un beau plafond. Luxe de gens couchés,
paresses du divin kief.
Au milieu des espaces pleins de la muraille, se creusent des
niches ogivales, inscrites dans une bande rectangulaire de jasmins
héraldiques.
Derrière la maison, des écuries allongent une ligne de man-
geoires vides. Au bas de la terrasse,un grand caravansérail croulant
se serrait entre le pied du rocher et la nappe du lac. La majestueuse
Porte des Eléphants troue l’enceinte fortifiée, dans la direction du
singulier minar conique hérissé de défenses d’éléphants de pierre, et
d’où l’empereur abattait les bêtes de la jungle giboyeuse, au bord
même des remparts de la cité.
La grande mosquée domine superbement l’escarpement sud-
ouest de l’acropole d’Akbar. Bâtie en 1571, sur le plan, affirme-t-on,
de la sainte Ivaaba, elle constitue l’œuvre d’art centrale et suprême
du règne, presque pure des tendances étrangères, et même, par une
sorte de réaction, empruntant à l’art arabe proprement dit des pro-
cédés à peu près inédits en terre d’Uindoustan.
Une cour de deux cents mètres de long sur cent cinquante de
large environ, dallée de marbre blanc, n’interrompt sa surface
éblouissante et plane, d’une expression si religieuse et si grave, que
par la vasque rituelle, un mausolée à deux dômes vêtu de marbres
aériens, les feuillages de quelques arbres. Il en croit souvent à
travers les parvis houleux des mosquées, où leur grâce, leur ten-
dresse de choses végétales et qui peuvent mourir, semble nécessaire
à détendre la méditation trop dépouillée, l’extase intense et doulou-
reuse, fixée au front de l’Éternel.