LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT DU TEMPLE GREC loi
pénétrées Lune l’autre, mêlées l’une dans l’autre, et ce serait une
œuvre vaine autant qu’arbitraire de vouloir les isoler et les étudier
chacune à part. Mais, au-dessus de leur inextricable mélange, conti-
nuent à apparaître, distinctes l’une de l’autre, deux formes d’esprit,
deux directions de pensée, deux capacités de création artistique,
qui, le plus souvent, se sont bornées à s’entr’aider plus ou moins,
mais qui parfois aussi, à de rares moments, pour un temps court,
se sont réunies en un faisceau unique de génie et de gloire. Les
deux ordres d’architecture, malgré leurs différences profondes et
leur opposition même en certains points, sont donc bien tous deux,
chacun à sa manière, l’expression de l’idéal grec. Cependant, il est
juste de dire que l’un des deux, le mode dorique, est plus purement
grec1. Car il s’est développé sur son propre fonds ; il ne l’a accru ni
altéré par l'introduction d’aucune nouveauté exotique ; il a amené à
leur maximum de beauté les données en petit nombre que lui avait
fournies la primitive construction indigène, et c’est par les moyens
les plus simples qu’il a édifié une œuvre parfaite de raison et de
goût. Le mode ionique s’est montré moins fier et moins scrupuleux
dans la suite de ses progrès : il a reçu de l’art oriental le tore, élé-
ment prépondérant de ses bases de colonnes, et la volute, qui décida
des destinées de son chapiteau ; c’est aussi de l’Orient qu’il prit
l’amour des ornements multipliés, se succédant sans repos, envahis-
sant tous les membres de l’ordonnance, au risque de les étouffer.
Avec le goût grec le plus délicat et le plus affiné, il a néanmoins
parlé une sorte de « dialecte asiatique » par rapport à la noble
langue, substantielle et inaltérée, que représente l’ordre dorique.
C’est pourquoi, lorsque la Grèce, au iv° siècle avant J.-C., entra en
contact direct et définitif avec l’Asie, la pénétra de son esprit et se
laissa en même temps pénétrer par elle, les préférences des con-
structeurs se tournèrent désormais vers l’ordre ionique, et le mode
rival fut de plus en plus délaissé : conséquence naturelle de la grande
évolution qui se produisait dans les idées et dans les formes de
l’art.
Mais, avant de décliner dans la faveur des hommes, l’ordre
dorique leur avait laissé l’incomparable Parthénon. C’était à cet
heureux moment, où le génie de quelques artistes athéniens ras-
sembla et combina dans la plus puissante et la plus exquise har-
monie les qualités différentes de l’esprit dorien et de l’esprit ionien.
Le Parthénon fut le fruit, en architecture, de cette harmonieuse
i. Cf. Perrot et Chipiez, op. laud., t. VII, p. 653 et suiv.
pénétrées Lune l’autre, mêlées l’une dans l’autre, et ce serait une
œuvre vaine autant qu’arbitraire de vouloir les isoler et les étudier
chacune à part. Mais, au-dessus de leur inextricable mélange, conti-
nuent à apparaître, distinctes l’une de l’autre, deux formes d’esprit,
deux directions de pensée, deux capacités de création artistique,
qui, le plus souvent, se sont bornées à s’entr’aider plus ou moins,
mais qui parfois aussi, à de rares moments, pour un temps court,
se sont réunies en un faisceau unique de génie et de gloire. Les
deux ordres d’architecture, malgré leurs différences profondes et
leur opposition même en certains points, sont donc bien tous deux,
chacun à sa manière, l’expression de l’idéal grec. Cependant, il est
juste de dire que l’un des deux, le mode dorique, est plus purement
grec1. Car il s’est développé sur son propre fonds ; il ne l’a accru ni
altéré par l'introduction d’aucune nouveauté exotique ; il a amené à
leur maximum de beauté les données en petit nombre que lui avait
fournies la primitive construction indigène, et c’est par les moyens
les plus simples qu’il a édifié une œuvre parfaite de raison et de
goût. Le mode ionique s’est montré moins fier et moins scrupuleux
dans la suite de ses progrès : il a reçu de l’art oriental le tore, élé-
ment prépondérant de ses bases de colonnes, et la volute, qui décida
des destinées de son chapiteau ; c’est aussi de l’Orient qu’il prit
l’amour des ornements multipliés, se succédant sans repos, envahis-
sant tous les membres de l’ordonnance, au risque de les étouffer.
Avec le goût grec le plus délicat et le plus affiné, il a néanmoins
parlé une sorte de « dialecte asiatique » par rapport à la noble
langue, substantielle et inaltérée, que représente l’ordre dorique.
C’est pourquoi, lorsque la Grèce, au iv° siècle avant J.-C., entra en
contact direct et définitif avec l’Asie, la pénétra de son esprit et se
laissa en même temps pénétrer par elle, les préférences des con-
structeurs se tournèrent désormais vers l’ordre ionique, et le mode
rival fut de plus en plus délaissé : conséquence naturelle de la grande
évolution qui se produisait dans les idées et dans les formes de
l’art.
Mais, avant de décliner dans la faveur des hommes, l’ordre
dorique leur avait laissé l’incomparable Parthénon. C’était à cet
heureux moment, où le génie de quelques artistes athéniens ras-
sembla et combina dans la plus puissante et la plus exquise har-
monie les qualités différentes de l’esprit dorien et de l’esprit ionien.
Le Parthénon fut le fruit, en architecture, de cette harmonieuse
i. Cf. Perrot et Chipiez, op. laud., t. VII, p. 653 et suiv.