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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 26.1901

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Nr. 3
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Desjardins, Paul: En mémoire de Jean-Charles Cazin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24808#0212

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

cache-nez quadrillé, qui agrafait sa cape pour le départ, au milieu
de gens pauvres et songeurs comme elle, dans un paysage morne
de peupliers, de gazons ras, de remparts de briques croulants cou-
ronnés d’arbres, qui rappellent Saint-Pol-sur-Ternoise ; bref, le
délaissement d’une ville morte sous un ciel traversé de pluies
froides ; cette même année encore, Agar et Ismaël se séparant, ou
plutôt pleurant d’être égarés dans la dune inhospitalière, parmi les
buissons hérissés d’ajoncs et de genêts. — Toujours des adieux, des
départs ; enfin, des groupes humains qui se déchirent, perdus au
sein d’une nature indifférente. Faut-il appeler tout ceci de la pein-
ture d'histoire ?— D’histoire, si l’on veut; mais cette histoire est
celle de Fhomme, l’histoire sans date, toujours et partout recom-
mencée, au nord comme au sud, à l’occident aussi bien qu’à l’orient,
épurée de toute localisation ou anecdote. Evidemment, c’était le
paysage qui commandait l’impression et avait suggéré la scène ;
les personnages y étaient introduits tout à fait à l’unisson, pour en
condenser le sens ; et ce qui avait été trouvé en dernier, c’était le titre,
le sujet. 11 était même visible que l’artiste n’y tenait pas beaucoup.

Tel était le caractère commun des ouvrages exposés par Cazin
de 1876 à 1883. Après cette dernière année, il se met à l’ombre et
travaille solitairement. Il ne reparaît aux iSalons qu’après quatre
ans de retraite, en 1888. Alors une période nouvelle commence.

Cette fois, les titres qui évoquent une histoire précise ont dis-
paru. Ce ne sont plus que des scènes anonymes prises sur nature,
ou bien ce sont des paysages dont la vacuité toutefois est encore
remplie d’humanité. Dans le premier genre, ce sont Les Voyageurs,
La Journée faite, L'Étude, etc., où des personnages, des hommes
plutôt (car le mot de personnage a quelque chose de théâtral qui
détonne ici), sans aucune action, presque sans geste, ramassent en
leur forme simplifiée, en leur attitude noble — mais noble sans le
savoir — toute la tristesse suave éparse dans le décor. Dans le
second genre, paysages purs, ce sont des perspectives de village ou
de bourg aux places pavées, une Route nationale, un Pont de pierre,
un Canal, une Chaumière, un champ, des marécages, une lisière de
forêt, ou l’éternelle dune. A quoi bon rechercher des titres qui ne
fixeraient rien, n’évoqueraient rien ? Le tableau ne représente pas
une collection d’objets, mais une harmonie entre un certain coin
de la nature et une certaine heure. Les crépuscules, le moment où
s’allume dans les villages la première lumière, ou encore le plein
minuit, toute veilleuse éteinte, quand la lune règne dans l’espace
 
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