Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 26.1901)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

L’ouvrage publié par l’Imprimerie Nationale' est critique et documentaire.
M. I ..éopold Delisle y étudie la Bible à 42 lignes, dite Bible Mazarine et la Bible à
36 lignes, toutes deux de Gutenberg, d’après M. le Dr Dziatzko, mais la première
exécutée en collaboration avec Fust et la seconde en collaboration avec Pfîster;
puis le psautier liturgique dont il ne reste qu'un feuillet, imprimé avec les mêmes
caractères et la même justification que la Bible à 42 lignes ; la lettre de Guillaume
Fichet, dont nous avons cité le passage essentiel, et qui devait servir de préface
au Gasparini pergamensis orthographiæ liber, dont les exemplaires ont été mis en
vente sans cette préface, retrouvée à Bâle et à Fribourg; enfin les essais d’impres-
sion tentés à Avignon, de 1444 et 1446, par Procope Waldfoghel, orfèvre bohé-
mien, tentatives avortées, mais qui montrent, avec l’exemple de Jean Mentelin
à Strasbourg, de Goster à Haarlem, combien la recherche d’un mode d’écriture
rapide et mécanique était générale. L’étude de M. Delisle est accompagnée de
reproductions héliographiques, dans la dimension des originaux, des rarissimes
documents qu'il relate et qui appartiennent tous, sauf la lettre de Fichet, à la
Bibliothèque Nationale.

L’hommage de M. Pelletan 2 est conçu dans un esprit différent. Il est philo-
sophique, historique et surtout typographique. Le « dit de l’éditeur » apprécie
l’importance et les conséquences de la découverte de Gutenberg ; M. Anatole
France retrace la vie de l'inventeur ; enfin la plaquette se termine sur un frag-
ment du Traitté des Phantosmes de Nicole Langelier, Parisien, dont le portrait
ressemble singulièrement à celui de l’auteur du Lys rouge. Mais ce portrait est
signé ab Theophilo Petrusculo3 et porte la date de m. d. lxiv. Il faut toujours croire
ce qui est imprimé.

M. Pelletan a fait de ce volume une véritable manifestation typographique.
Onze types y sont employés, et cette variété, à côté d’une illustration volontaire-
ment simple, montre quelle richesse un livre peut tirer de son texte.

Cette préoccupation de la typographie, depuis les Saints Évangiles publiés
par la maison Hachette (1874) avec des caractères nouveaux de Rossigneux, ne
s’était point manifestée en France, jusqu’aux Ballades de Villon (1898), du moins
d'une façon aussi nette. L’Exposition du Livre chez Bing, en 1896, les ouvrages de
M. Pelletan, et l’initiative de M. Christian, l’actif directeur de l’Imprimerie
Nationale, ont grandement contribué à ce réveil : l’Exposition du Livre en nous
convainquant de notre infériorité, M. Édouard Pelletan en prêchant d’exemple,
et M. Christian en remettant en usage le Garamond oublié, le Grandjean aban-
donné, en restituant la gothique de la Bible à 42 lignes, enfin, en créant, d’après
un « caractère de civilité » de Plantin, agrandi et engraissé, un nouveau type fort
original et fort élégant, dont on peut voir le premier essai en tête de l’édition
in-folio de ses Confèrences. C’est là un apport dont on ne saurait méconnaître

1. A la Mémoire de Jean Gutenberg, hommage de l'Imprimerie Nationale et de la
Bibliothèque Nationale, Paris, Imprimerie Nationale, juin 1900. 1 vol in-fol. de 77 p. et
17 planches.

2. Anatole France, Jean Gutenberg, suivi du Traitté des Phantosmes de Nicole
Langelier, compositions de G. Belleng-er, Bellery-Desfontaiues, F. Florian et Steinlen,
gravées par Deloche, Ernest et Frédéric Florian, Froment, Mathieu. Paris, Édouard
Pelletan, éditeur, 125, boulevard Saint-Germain, 1900. In-8° et in-4° de vm-22p. (113 ex.,
plus un exemplaire pour chaque bibliothèque d’État du monde entier.)

3. Petrusculus, petite pierre, en allemand Steinlen.