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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
do velours cramoisi brodés et frangés de perles. Au milieu de ces
splendeurs, le maître, couvert lui-même de joyaux inestimables sur
ses vêtements blancs, apparaissait tel que le montrent les vieilles
miniatures persanes, le front ceint d’un halo à peine imaginaire et
respirant une fleur.
La solennité hebdomadaire du Amkhas déroulait devant le por-
tique à colonnes du Diwan-i-Am des processions de soldats, de dan-
seuses et d’animaux de combat. Je me suis amusé à noter sur un
manuscrit enluminé de la belle bibliothèque d’Alwar en Rajputana
quelques détails d’un cortège de ce genre où l’empereur figure lui-
même et qui peut représenter un départ en campagne ou l’exode
annuelle vers le Kashmir.
C’est d’abord une ligne d’éléphants caparaçonnés de colliers en
griffes de tigre montées en argent et de sonnettes, puis des bannières
vertes que suivent des chameaux timbaliers ; d’autres éléphants
encore, sur lesquels des porteurs arborent des enseignes dorées : des
parasols, des soleils, des mains, des poissons. Les derniers éléphants
ne portent que des howdahs vides ; les suivent : un orchestre de
saquebutes, des pièces d’artillerie attelées, de nouveaux éléphants
à howdahs dorées, des massiers, des porteurs de carquois à javelots
et d’armes à feu ; l’empereur sur un éléphant énorme, son porteur
de houkah devant et celui d’éventail derrière, des hommes à longs
cheveux du type afghan, des dignitaires sur des éléphants, le zenana
dans des ekkas (palanquins à deux roues) dorées traînées par des
bœufs blancs, des cavaliers...; l’énumération serait trop longue.
Mais les cérémonies du Diwan-i-Khas l’emportaient probable-
ment comme raffinement de luxe plus intime. Le monument, por-
tique de marbre blanc ouvert sur les quatre faces, en témoigne par
sa richesse plus exquise dans ses dimensions moins imposantes. Ce
n’est plus de grès rouge que sont les colonnes et les arcades, mais
de marbre pur.
Le Diwan-i-Khas d’Agra, moins célèbre que celui de Delhi,
montre peut-être une grâce plus épurée. Les restaurations y atté-
nuent leur maladresse. Il reste un souvenir presque parfait de sa
décoration intérieure. S’il s’ouvre du haut de son socle de marbre
sur la terrasse du Trône Noir par des arcades décalobées que portent
des colonnes jumelles, on aperçoit au delà, dessinant des alcôves
et des portes, le bel arc mogol, celui de la grande époque, dont nulle
recherche d’élégance ni de richesse n’a déformé le galbe encore.
Ces alcôves, les plus délicates sculptures en revêtent les parois au
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do velours cramoisi brodés et frangés de perles. Au milieu de ces
splendeurs, le maître, couvert lui-même de joyaux inestimables sur
ses vêtements blancs, apparaissait tel que le montrent les vieilles
miniatures persanes, le front ceint d’un halo à peine imaginaire et
respirant une fleur.
La solennité hebdomadaire du Amkhas déroulait devant le por-
tique à colonnes du Diwan-i-Am des processions de soldats, de dan-
seuses et d’animaux de combat. Je me suis amusé à noter sur un
manuscrit enluminé de la belle bibliothèque d’Alwar en Rajputana
quelques détails d’un cortège de ce genre où l’empereur figure lui-
même et qui peut représenter un départ en campagne ou l’exode
annuelle vers le Kashmir.
C’est d’abord une ligne d’éléphants caparaçonnés de colliers en
griffes de tigre montées en argent et de sonnettes, puis des bannières
vertes que suivent des chameaux timbaliers ; d’autres éléphants
encore, sur lesquels des porteurs arborent des enseignes dorées : des
parasols, des soleils, des mains, des poissons. Les derniers éléphants
ne portent que des howdahs vides ; les suivent : un orchestre de
saquebutes, des pièces d’artillerie attelées, de nouveaux éléphants
à howdahs dorées, des massiers, des porteurs de carquois à javelots
et d’armes à feu ; l’empereur sur un éléphant énorme, son porteur
de houkah devant et celui d’éventail derrière, des hommes à longs
cheveux du type afghan, des dignitaires sur des éléphants, le zenana
dans des ekkas (palanquins à deux roues) dorées traînées par des
bœufs blancs, des cavaliers...; l’énumération serait trop longue.
Mais les cérémonies du Diwan-i-Khas l’emportaient probable-
ment comme raffinement de luxe plus intime. Le monument, por-
tique de marbre blanc ouvert sur les quatre faces, en témoigne par
sa richesse plus exquise dans ses dimensions moins imposantes. Ce
n’est plus de grès rouge que sont les colonnes et les arcades, mais
de marbre pur.
Le Diwan-i-Khas d’Agra, moins célèbre que celui de Delhi,
montre peut-être une grâce plus épurée. Les restaurations y atté-
nuent leur maladresse. Il reste un souvenir presque parfait de sa
décoration intérieure. S’il s’ouvre du haut de son socle de marbre
sur la terrasse du Trône Noir par des arcades décalobées que portent
des colonnes jumelles, on aperçoit au delà, dessinant des alcôves
et des portes, le bel arc mogol, celui de la grande époque, dont nulle
recherche d’élégance ni de richesse n’a déformé le galbe encore.
Ces alcôves, les plus délicates sculptures en revêtent les parois au