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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 26.1901

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Nr. 4
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Benoît, Camille: La peinture française à la fin du XVe siècle (1480 - 1501), [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24808#0372

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326

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

présente à nous sous l’aspect plutôt sévère d’une abbesse, de la
directrice d’un vaste et riche couvent, avec sa grande coiffe d’un
violet sombre d’où déborde un rien de cheveux cendrés — et non
châtains, comme on rapporte que les vit la duchesse d’Angoulême,
quand elle fit ouvrir en 1830 le cercueil de « Madame la Grande »
à Souvigny — avec son ample surtout du môme violet sombre (un
peu gâté par l’injure du temps et de l’homme), qui laisse passer,
aux manches et au col, le corsage d’hermine ; avec la lourde chaîne
suspendue au lacet de ce col d’où elle tombe toute droite, orfèvrerie
d’une magnificence vraiment royale, qui tranche sur l'austérité du
costume, avec son alternance de gemmes serties d’or et de trèfles
de grosses perles. C’est d’ailleurs le seul hijou apparent, outre la
hague dont le chaton, orné d’une pierre de nuance indistincte, brille
au petit doigt de la main gauche.

Le saint qui accompagne la duchesse de Bourbon porte un man-
teau rouge par-dessus la robe verte, de ce beau vert spécial déjà
signalé ; son front, comme celui de saint Pierre, est ceint d’une
auréole d’or en léger relief, selon la tradition (c’est un détail que
nous ne retrouverons plus, dix ans plus tard, auprès des portraits
des mêmes personnages). Non moins que les portraits, les deux
saints du maître de 1488 lui font grand honneur : la noblesse de
leur attitude, la beauté des plis de leurs draperies, la gravité douce et
lajuste proportion de leurs traits, nous laissent croire qu’il a regardé
nos grandes cathédrales, et qu’il n’a pas dédaigné de puiser à cette
antique et pure source française l’inspiration de ses saintes figures.

Deux détails importants, peut-être liés l’un à l’autre, sont à
relever et à retenir dans ce panneau de la duchesse.

Le saint, que je n’ai pas nommé encore, est saint Jean l’Evan-
géliste expulsant, par sa bénédiction, de la coupe empoisonnée les
esprits mauvais, sous la forme de trois petits dragons qui se tordent
dans les convulsions de l’agonie. Pourquoi là saint Jean, et non sainte
Anne, la patronne naturelle de la dame, celle qu’on voit derrière
elle, dix ans plus tard, dans le volet droit du triptyque de Moulins ?
Le cas est rare, pour ne pas dire unique, et fait pour troubler. Il
déconcerte notre emploi d’un des moyens les plus usuels de recherche,
pour l’identification des personnes inconnues. A quelle circons-
tance spéciale se rattache ce choix ? Est-ce là l’effet d’un vœu ? d’un
engagement pris par le couple avec une tierce personne ? Dans
l’entourage de la duchesse, je ne vois que son beau-frère, le duc
Jean II, l’aîné de son mari et le détenteur du titre ducal, qui portât
 
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