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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
se sentent, et qui relèvent de cette source mystérieuse de tout art :
le goût inné, l’instinct premier, auxquels rien de ce qui peut s’ac-
quérir ne suppléera jamais.
Il ne suffit pas de rattacher le fragment de Glasgow, moitié
d’un diptyque, à la moitié correspondante du diptyque de Melun *,
et d’en faire remonter Je modèle le plus direct à Foucquet. Je n’au-
rais pas eu à faire intervenir l’œuvre dans cette étude particulière
du maître des portraits de 1488, si je ne devais relever, entre la
manière de ce dernier et certains traits du panneau écossais, des
points de ressemblance assez marqués pour justifier le rapproche-
ment, sinon pour établir l’identité de main. Ce qui est sûr, c’est
que cette belle peinture française est d’une haute valeur, c’est que
son auteur fut un maître de premier ordre. A ce titre, l’attribution
d’abord proposée, qui certes n’était point une injure, la maintenait
à bon droit au niveau conforme à son mérite.
C’est dans le paysage, à première vue, que se prononce le plus
manifestement l’analogie signalée. Dans les pages qui précèdent,
j’ai assez insisté sur l’interprétation de la nature chez le maître
des portraits de 1488 ; j’ai décrit surabondamment ses vues du
Bourbonnais et du centre de la France, assez pour n’y pas revenir
en détail. Je prie le lecteur de s’y reporter. Dans le panneau de
Glasgow, c’est le même système de plis et replis de terrain ; c'est le
même isolement, d’une part, de certaines essences d’arbres, isole-
ment qui marque un progrès de l’artiste sur la conception moins
précise, plus impersonnelle, de ses confrères flamands du même
temps, et, d’autre part, le même groupement d’autres arbres en
touffes, en massifs, abritant des demeures princières ou villa-
geoises. C’est encore une compréhension toute parente des rapports
entre les lignes verticales des ligures, plus ou moins hautes selon
les postures, et les lignes horizontales, plus ou moins ondulantes,
du fond de paysage, — y compris le ciel et ses proportions. Le
portrait du duc de Bourbon, bien que présenté en sens inverse,
offrira, à tous ces points de vue, le meilleur objet de comparaison.
Dans les accessoires des figures, nous retrouvons la plupart des 1
1. Il est probable que l’autre feuillet, comme dans le diptyque de Melun,
représentait la Vierge. Il est à craindre que l’image pieuse, moins heureuse que
celle recueillie par van Ertborn et conservée au musée d’Anvers, n’ait été en
butte aux excès de la réaction luthérienne. La fureur iconoclastique de la
Réforme s’est spécialement exercée contre le culte de la Vierge, dont les images,
trop profanes parfois, avaient donné lieu à des abus.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
se sentent, et qui relèvent de cette source mystérieuse de tout art :
le goût inné, l’instinct premier, auxquels rien de ce qui peut s’ac-
quérir ne suppléera jamais.
Il ne suffit pas de rattacher le fragment de Glasgow, moitié
d’un diptyque, à la moitié correspondante du diptyque de Melun *,
et d’en faire remonter Je modèle le plus direct à Foucquet. Je n’au-
rais pas eu à faire intervenir l’œuvre dans cette étude particulière
du maître des portraits de 1488, si je ne devais relever, entre la
manière de ce dernier et certains traits du panneau écossais, des
points de ressemblance assez marqués pour justifier le rapproche-
ment, sinon pour établir l’identité de main. Ce qui est sûr, c’est
que cette belle peinture française est d’une haute valeur, c’est que
son auteur fut un maître de premier ordre. A ce titre, l’attribution
d’abord proposée, qui certes n’était point une injure, la maintenait
à bon droit au niveau conforme à son mérite.
C’est dans le paysage, à première vue, que se prononce le plus
manifestement l’analogie signalée. Dans les pages qui précèdent,
j’ai assez insisté sur l’interprétation de la nature chez le maître
des portraits de 1488 ; j’ai décrit surabondamment ses vues du
Bourbonnais et du centre de la France, assez pour n’y pas revenir
en détail. Je prie le lecteur de s’y reporter. Dans le panneau de
Glasgow, c’est le même système de plis et replis de terrain ; c'est le
même isolement, d’une part, de certaines essences d’arbres, isole-
ment qui marque un progrès de l’artiste sur la conception moins
précise, plus impersonnelle, de ses confrères flamands du même
temps, et, d’autre part, le même groupement d’autres arbres en
touffes, en massifs, abritant des demeures princières ou villa-
geoises. C’est encore une compréhension toute parente des rapports
entre les lignes verticales des ligures, plus ou moins hautes selon
les postures, et les lignes horizontales, plus ou moins ondulantes,
du fond de paysage, — y compris le ciel et ses proportions. Le
portrait du duc de Bourbon, bien que présenté en sens inverse,
offrira, à tous ces points de vue, le meilleur objet de comparaison.
Dans les accessoires des figures, nous retrouvons la plupart des 1
1. Il est probable que l’autre feuillet, comme dans le diptyque de Melun,
représentait la Vierge. Il est à craindre que l’image pieuse, moins heureuse que
celle recueillie par van Ertborn et conservée au musée d’Anvers, n’ait été en
butte aux excès de la réaction luthérienne. La fureur iconoclastique de la
Réforme s’est spécialement exercée contre le culte de la Vierge, dont les images,
trop profanes parfois, avaient donné lieu à des abus.