LA PEINTURE FRANÇAISE A LA FIN DU XVe SIÈCLE
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metés et fleurdelysés d’or.». Mais, dans l’art héraldique, la moindre
différence, la nuance la plus imperceptible, peuvent conduire à des
conclusions fort diverses. Qui sait, d’ailleurs, si le blason en
question ne s'applique pas à une corporation, à une ville ou à une
abbaye, plutôt qu’à une famille à laquelle appartiendrait ou remon-
terait l’un ou l’autre de nos deux personnages ? S’il s’agit du saint
Victor de Marseille, comme il est possible, plutôt que du saint Victor
de la légion thébaine, il se pourrait alors que le personnage agenouillé
fût un abbé de la célèbre abbaye parisienne de Saint-Victor, laquelle
avait précisément pour patron le saint Victor de Marseille, officier
romain et martyr aussi, représenté souvent avec un étendard de
chevalier. Dans cette hypothèse, notre donateur ne saurait être le
cardinal Charles II de Bourbon. J’avais songé, un instant, à ce haut
dignitaire ecclésiastique, qui fut aussi un grand mondain et mourut
à cette date fatidique de 1488, après avoir porté quelques mois le
titre de duc. La conformité de certains traits avec ceux du portrait de
Chantilly, en tenant compte des différences produites par l’âge et la
coiffure — le donateur de Glasgow, paraissant avoir cinquante ans,
est nu-tête -—la profusion, la richesse et la recherche des joyaux qui
figurent dans les deux portraits (surtout dans le second), nombreuses
bagues, diadème, agrafe de la chape, etc., enfin le fait que le cardinal
fut aussi chantre et chanoine de Saint-Jean de Lyon, prieur de la
Charité-sur-Loire, abbé de Fleury et de Saint-Waast d’Arras, etc.,
m’avaient conduit un instant à penser à lui. Mais, d'une part, je crois
le panneau de Glasgow postérieur à 1488, et, d’autre part, la grande
probabilité d’avoir affaire à saint Victor de Marseille en la personne du
saint patron m’engage à écarter cette hypothèse. En ce cas, peut-être
faudrait-il diriger l’enquête dans le sens de l’abbaye de Saint-Victor
à Paris, et rechercher quels furent les abbés de ce monastère fameux
pendant la période, plutôt courte, à laquelle se limite notre étude.
L’essentiel, pour l’instant, était de classer le panneau de
Glasgow, de le replacer en son vrai milieu : celui même où sont éclos
les portraits de la famille de Bourbon — toutes réserves faites,
d’ailleurs, sur l’identité de main.
III
LE MAÎTRE DE MOULINS (OU LE MAÎTRE AUX ANGES)
Le maître des portraits de 1488 montre un talent viril, presque
sévère. Dans son œuvre, ou du moins dans ce qu’il est permis d’en
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metés et fleurdelysés d’or.». Mais, dans l’art héraldique, la moindre
différence, la nuance la plus imperceptible, peuvent conduire à des
conclusions fort diverses. Qui sait, d’ailleurs, si le blason en
question ne s'applique pas à une corporation, à une ville ou à une
abbaye, plutôt qu’à une famille à laquelle appartiendrait ou remon-
terait l’un ou l’autre de nos deux personnages ? S’il s’agit du saint
Victor de Marseille, comme il est possible, plutôt que du saint Victor
de la légion thébaine, il se pourrait alors que le personnage agenouillé
fût un abbé de la célèbre abbaye parisienne de Saint-Victor, laquelle
avait précisément pour patron le saint Victor de Marseille, officier
romain et martyr aussi, représenté souvent avec un étendard de
chevalier. Dans cette hypothèse, notre donateur ne saurait être le
cardinal Charles II de Bourbon. J’avais songé, un instant, à ce haut
dignitaire ecclésiastique, qui fut aussi un grand mondain et mourut
à cette date fatidique de 1488, après avoir porté quelques mois le
titre de duc. La conformité de certains traits avec ceux du portrait de
Chantilly, en tenant compte des différences produites par l’âge et la
coiffure — le donateur de Glasgow, paraissant avoir cinquante ans,
est nu-tête -—la profusion, la richesse et la recherche des joyaux qui
figurent dans les deux portraits (surtout dans le second), nombreuses
bagues, diadème, agrafe de la chape, etc., enfin le fait que le cardinal
fut aussi chantre et chanoine de Saint-Jean de Lyon, prieur de la
Charité-sur-Loire, abbé de Fleury et de Saint-Waast d’Arras, etc.,
m’avaient conduit un instant à penser à lui. Mais, d'une part, je crois
le panneau de Glasgow postérieur à 1488, et, d’autre part, la grande
probabilité d’avoir affaire à saint Victor de Marseille en la personne du
saint patron m’engage à écarter cette hypothèse. En ce cas, peut-être
faudrait-il diriger l’enquête dans le sens de l’abbaye de Saint-Victor
à Paris, et rechercher quels furent les abbés de ce monastère fameux
pendant la période, plutôt courte, à laquelle se limite notre étude.
L’essentiel, pour l’instant, était de classer le panneau de
Glasgow, de le replacer en son vrai milieu : celui même où sont éclos
les portraits de la famille de Bourbon — toutes réserves faites,
d’ailleurs, sur l’identité de main.
III
LE MAÎTRE DE MOULINS (OU LE MAÎTRE AUX ANGES)
Le maître des portraits de 1488 montre un talent viril, presque
sévère. Dans son œuvre, ou du moins dans ce qu’il est permis d’en