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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
fut peut-être l’une des causes. Loin de « gâter tout Versailles », le
plafond du salon d’Hercule est l’une de scs gloires et compte parmi
les plus belles pages de l’art décoratif français.
Heureux si Louis XV se fût contenté de reprendre si noblement
la tradition de son aïeul, en mettant à contribution les grands
artistes de son temps, comme lorsqu’il chargea Jacques-Ange
Gabriel de l’aile nord de la cour d’honneur et de la salle de
spectacle, qui ne fut achevée qu’en 1770, pour le mariage du
Dauphin et de Marie-Antoinette ! En fait, les mutilations dont le
palais n’a eu que trop à souffrir datent de Louis XV. La plus re-
grettable de toutes est la destruction, en 1752, de l’escalier dit des
Ambassadeurs, dont les estampes de Surugue ont seules conservé
pour la postérité la belle ordonnance et la somptueuse décoration.
Ce fut aussi le temps du morcellement des anciens et vastes salons en
« petits cabinets » et en « petits appartements » nécessaires pour
loger la nombreuse postérité féminine du roi et aussi les maîtresses
en titre qui se succédèrent de 1741 à 1774, non dans les mêmes
locaux, comme on l’a tant de fois imprimé depuis, mais, ainsi que
l’a démontré M. de Nolhac, tantôt près du roi, tantôt assez loin, et
avec lesquelles il communiquait au moyen de passages dérobés
dont quelques-uns existent encore. L’argent manquait, il est vrai,
pour obvier à ce que M. de Marigny, en 1757, appelait « le dépé-
rissement du château et des jardins ». Quelques lignes, souvent
citées, des Mémoires de Marmontel, sur l’insalubrité, des « jardins,
impraticables durant la belle saison » et sur les « vapeurs pestilen-
tielles » des bassins et du canal, ont pour complément le dernier
chapitre d’un livre très curieux et peu connu, la Police sur les
mendiants de Turmeau de la Morandière (Paris, 1764, in-8°), sur
le relâchement inouï de la police et de la voirie aux alentours du
château.
Sous Louis XVI, il n’y eut que quelques aménagements inté-
rieurs, exécutés avec infiniment de goût, comme celui de la biblio-
thèque particulière du roi, encore existante; mais les grands travaux
s’exécutèrent surtout dans le parc, qui fut entièrement replanté, et
aux deux Trianons, dont M. Gustave Desjardins a magistralement
écrit l’histoire. C’est dans un bosquet du Petit Trianon que l’on vint
avertir Marie-Antoinette du mouvement populaire du 5 octobre 1789,
et je n’ai pas à rappeler les conséquences de l’exode sans retour qui
s’ensuivit. Les appartements royaux de Versailles furent alors
dégarnis d’une partie de leurs meubles, transférés au palais des
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fut peut-être l’une des causes. Loin de « gâter tout Versailles », le
plafond du salon d’Hercule est l’une de scs gloires et compte parmi
les plus belles pages de l’art décoratif français.
Heureux si Louis XV se fût contenté de reprendre si noblement
la tradition de son aïeul, en mettant à contribution les grands
artistes de son temps, comme lorsqu’il chargea Jacques-Ange
Gabriel de l’aile nord de la cour d’honneur et de la salle de
spectacle, qui ne fut achevée qu’en 1770, pour le mariage du
Dauphin et de Marie-Antoinette ! En fait, les mutilations dont le
palais n’a eu que trop à souffrir datent de Louis XV. La plus re-
grettable de toutes est la destruction, en 1752, de l’escalier dit des
Ambassadeurs, dont les estampes de Surugue ont seules conservé
pour la postérité la belle ordonnance et la somptueuse décoration.
Ce fut aussi le temps du morcellement des anciens et vastes salons en
« petits cabinets » et en « petits appartements » nécessaires pour
loger la nombreuse postérité féminine du roi et aussi les maîtresses
en titre qui se succédèrent de 1741 à 1774, non dans les mêmes
locaux, comme on l’a tant de fois imprimé depuis, mais, ainsi que
l’a démontré M. de Nolhac, tantôt près du roi, tantôt assez loin, et
avec lesquelles il communiquait au moyen de passages dérobés
dont quelques-uns existent encore. L’argent manquait, il est vrai,
pour obvier à ce que M. de Marigny, en 1757, appelait « le dépé-
rissement du château et des jardins ». Quelques lignes, souvent
citées, des Mémoires de Marmontel, sur l’insalubrité, des « jardins,
impraticables durant la belle saison » et sur les « vapeurs pestilen-
tielles » des bassins et du canal, ont pour complément le dernier
chapitre d’un livre très curieux et peu connu, la Police sur les
mendiants de Turmeau de la Morandière (Paris, 1764, in-8°), sur
le relâchement inouï de la police et de la voirie aux alentours du
château.
Sous Louis XVI, il n’y eut que quelques aménagements inté-
rieurs, exécutés avec infiniment de goût, comme celui de la biblio-
thèque particulière du roi, encore existante; mais les grands travaux
s’exécutèrent surtout dans le parc, qui fut entièrement replanté, et
aux deux Trianons, dont M. Gustave Desjardins a magistralement
écrit l’histoire. C’est dans un bosquet du Petit Trianon que l’on vint
avertir Marie-Antoinette du mouvement populaire du 5 octobre 1789,
et je n’ai pas à rappeler les conséquences de l’exode sans retour qui
s’ensuivit. Les appartements royaux de Versailles furent alors
dégarnis d’une partie de leurs meubles, transférés au palais des