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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 26.1901

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Nr. 6
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Hédiard, Germain: Les dessins de M. Fantin-Latour
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https://doi.org/10.11588/diglit.24808#0529

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LES DESSINS DE M. FANTIN-LATOUR

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permettent d’apercevoir nettement de quelle nature sont les dessins
de M. Fantin. Entre les intentions qui les ont dictés et celles qu’on
reconnaît, par exemple, dans les dessins d’un Puvis de Chavannes ou
d’un Delacroix, il n’y a presque rien de commun. Les dessins de ces
maîtres étaient, à peu près sans exception, les matériaux de leur
œuvre peint. C’est même là, principalement, ce qui les rend si pré-
cieux. On y aperçoit les premières révélations de leur pensée encore
flottante, puis le travail qu’ils ont fait sur elle pour l’amener à pren-
dre corps ; on y trouve toutes les études auxquelles ils ont dû avoir
recours pour établir, partie par partie, leurs résultats définitifs; on
les suit pour ainsi dire pas à pas, jusqu’à l’accomplissement des
manifestations publiques de leur génie. On se tromperait en cher-
chant de pareils renseignements dans les dessins de M. Fantin.
D’abord, les études de morceaux sont complètement absentes. Chose
remarquable, l’artiste, qui dans ses ouvrages de réalité a su serrer
de si près le vrai et le traduire d’une façon si saisissante, ne s’est
jamais aidé pour cela de dessins spécialement faits à cette intention ;
jamais, dans ses compositions idéales, il n’a usé de ce procédé pour
préciser l’exécution finale.

En second lieu, s’il a plus d’une fois tracé sur le papier un cro-
quis sommaire du tableau qu’il allait peindre, ces croquis se distin-
guent encore par quelque chose de bien particulier. Jamais ils n’ont
été pour lui de simples notes, ainsi prises à seule fin de développer et
corriger sa pensée ; si peu avancés qu’ils soient restés, toujours on
les reconnaît de nature à être continués jusqu’à l’achèvement. Nul
ne revient plus volontiers sur sa propre idée, mais non au moment
où elle est encore en voie de réalisation : c’est, au contraire, après
l’avoir entièrement formulée, qu'il aime à la reprendre pour lui
donner une autre forme voisine et différente. Aussi arrive-t-il que
les dessins de M. Fantin sont relativement peu nombreux, et qu’ils
ne sont nullement un commentaire intime de sa peinture. Ils ont
en eux-mêmes la valeur de manifestations distinctes de sa pensée.
Le lien qui les rattache à sa peinture est le même que celui qui
rattacherait un tableau à un autre tableau : il y a communauté
d’origine, et rien de plus.

GERMAIN HEDIARD
 
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