Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 8.1912)

CARPEAUX ET RICARD

venons de citer, est un chef-d’œuvre d’élégance et de spirituelle dis-
tinction, et l’atlitude de celte jolie tête, au regard empreint à la fois
de réserve et d’étonnement, ne mérite pas moins d’admiration que
l’habile composition du buste à mi-corps, où la main qui tient une
rose s’oppose si heureusement à celle qui relève le manteau prêt à
glisser. Quelle trouvaille
aussi que cette légère incli-
naison de tête dans le ravis-
sant portrait de Mlle Gué-
roult, une des plus parfaites
terres cuites de Carpeaux!

Rien de plus simple sans
doute; mais joindre à cette
délicatesse un pareil senti-
ment de vie, c’est le secret
des maîtres. De telles mer-
veilles nous font oublier ce
qui reste d’un peu flasque
dans les bustes du Mis de
Lahorde ou de M. Dervillé,
œuvres intéressantes d’ail-
leurs, mais où l’on sent
plus les muscles que l’ossa-
ture. Et puis le Dr Fournier
a bien voulu exposer cette
petite tête de terre cuite,
représentant I ’ Impératrice
Eugénie, que Carpeaux brisa
au milieu du cou, par dépit,
pendant les longues études
qu’il consacra à ce portrait.

Heureux découragement
d’une minute passagère ! car ce morceau, avec ce quelque chose d'ina-
chevé qu’il garde dans la chevelure, demeure l’un des plus surpre-
nants que le maître ait créés. On s’étonne que ce puissant statuaire
qui, de ses rudes mains d’ouvrier, a composé de vastes et monu-
mentaux ensembles, ait su modeler le visage féminin avec un tel
raffinement de poésie et un si pur sentiment de la beauté. Si par-
fois, dans ses bustes de fantaisie, Carpeaux a risqué d’approcher du
maniérisme ou de la mièvrerie, ici il réalise un miracle de grâce et

ESQUISSE D’UN BUSTE
DE L’IMPÉRATRICE EUGÉNIE
TERRE CUITE PAR J.-B. CARPEAUX
(Collection du Dr Fournier.)