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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 2
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Durrieu, Paul: Le musée Jacquemart-André: les manuscrits à peintures
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0111

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

piquante. Il eut successivement pour propriétaire deux maîtresses
de rois de France : Diane de Poitiers, duchesse de Yalentinois,
connue d’ailleurs pour son amour des beaux livres, et Henriette de
Balzac d'Entraigues, marquise de Yerneuil. Du temps où il appar-
tenait à cette dernière, dont les armoiries et les chiffres furent
ajoutés sur le premier feuillet1, le livre de prières du brave maréchal
servit de mémorial de famille pour rappeler la naissance des deux
enfants que la marquise de Yerneuil eut d’Henri IY : le futur duc
de Yerneuil, né en 1601, et sa sœur Gabrielle Angélique, devenue
plus tard duchesse d’Epernon2. C’est le roi vert-galant qui inscrivit
de sa propre main la mention relative à cette seconde naissance.

Après les deux brillantes favorites de rois, la liste des possesseurs
successifs du volume nous présente, du temps de Louis XIV, une
figure beaucoup plus austère : celle du premier lieutenant général
de police à Paris, le fameux Gabriel-Nicolas de La Reynie (1625-
1709), qui était grand bibliophile.

Une période obscure s’ouvre plus tard. Tout ce que l’on sait,
c’est que le manuscrit émigra en Angleterre ; c’est, en effet, d’un
amateur anglais que M. G. de Villeneuve l’acquit pour le rapatrier
en France, au mois de février 1887.

A la vente des livres de M. de Villeneuve, on put craindre que
le précieux volume ne reprît le chemin de l’étranger. Mme Edouard
André, pour s’en assurer la possession, dut avoir la hardiesse de le
pousser aux enchères jusqu’à un prix extrêmement élevé et jugé
presque excessif à l’époque.

Aujourd’hui, grâce à la fondation du Musée Jacquemart-André,
le sort du livre est fixé. Les précieuses Heures du Maréchal de
Boucicaut appartiennent définitivement à la France, sous la garde
de l’Institut. C’est une conclusion de ses aventures infiniment heu-
reuse, et dont ne sauraient trop vivement se réjouir ceux qui aiment
que les belles œuvres d’art restent aux pays qui les ont vu créer.

COMTE PAUL DURRIEU

1. Page reproduite en couleurs dans la publication de M. G. de Villeneuve.

2. Le fac-similé des inscriptions relatant ces naissances a été donné par M. de
Villeneuve en regard du fol. 47 de sa publication.
 
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