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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 3
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Moreau-Nélaton, Etienne: Le portrait du "Dauphin François"
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0222

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LE PORTRAIT DU « DAUPHIN FRANÇOIS

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» .

les a pris sur le vif, tels qu’ils se trouvaient. Ces croquis intimes
n’étaient pas faits pour le public. C’étaient des maquettes, d’après
lesquelles le portrait ofliciel en peinture s’élaborait loin du modèle.
Sur cette image définitive, toujours un peu guindée et froide, le
personnage se présente en tenue d’apparat. Le Dauphin François
d’Anvers ne garde plus sur la tête le bonnet de tous les jours qu’on
lui voit sur le dessin de Chantilly. Un somptueux chapeau à
plumes, orné d’ « enseignes » en or et en argent, a remplacé le
couvre-chef vulgaire. Il en va de même pour son frère Henri,
esquissé au crayon en déshabillé, comme son aîné, et, comme lui,
cérémonieusement costumé sur une peinture qui se voit au Musée
Condé, pour laquelle l’artiste s’est servi du croquis familier. Il ne
semble pas que ce soit la même main qui ait produit ces deux ouvrages
officiels, inégaux de mérite et de charme, le second ne valant pas
le premier. Tandis que c’est probablement Jean Clouet lui-même
qui, après avoir crayonné tous les enfants royaux, a fait ensuite de
l’aîné la petite peinture reproduite ci-contre, le soin de réaliser une
commande du même genre touchant le jeune Henri fut confié,
sans doute, à quelque élève du maître.

Nos aïeux de ce temps-là n’avaient pas sur les arts et les artistes
les idées que nous nous sommes faites depuis. Ils admet taient comme
une chose toute naturelle la collaboration de plusieurs individus
différents à une même besogne iconographique. C'est ainsi que la
personnalité des portraitistes de la Renaissance, déjà difficile à
suivre dans les crayons, devient impossible àreconnaître avec exac-
titude dans les peintures, qui sont la plupart du temps des tra-
vaux de seconde main. Les peintres attachés à la cour formaient des
élèves, qui travaillaient d’après les dessins du patron. A celui-ci
incombait la tâche ardue d’étudier un visage d’après nature et de
fixer sur le papier, en quelques coups de crayon ou de sanguine, les
traits d’une physionomie et l’âme d’un personnage.

Le précieux document saisi sur le vif, l’artiste ne s’en dessaisis-
sait point : il le gardait dans ses cartons, en vue des commandes à
répéter plusieurs fois d’après un même original, comme un photo-
graphe, de nos jours, classe dans ses casiers un bon cliché capable
de fournir de nouvelles épreuves. Ce fonds de croquis directs, une
famille de peintres attachés de père en fils au roi et aux siens,
comme les Clouet, se les transmettait avec la charge officielle qui lui
était attribuée. Mais ces « fonctionnaires » n’étaient que dépositaires
des précieuses archives iconographiques ; le trésor appartenait au
 
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