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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 6
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Doin, Jeanne: Marguerite Gérard (1761-1837)
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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la dirigeait. Il n’imposait ni règle, ni précepte, mais il lui arrivait
d’exprimer ouvertement sa pensée, occupée alors des scènes de la
vie familière, des maternités fécondes et heureuses. C’était indiquer
à son élève une route ou il était bon de cheminer. Les investigations
y étaient charmantes et aisées, surtout pour un cœur de femme,
et les menus changements de la toilette, modes, parures et colifi-
chets, qui pénétraient chaque jour au logis, assuraient le renouvel-
lement des formes. De ces confidences écoutées attentivement,
Mlle Gérard retenait l'idée principale.

Elle se propose d’aborder les mêmes sujets : la lecture, la leçon,
la missive, l’enfant, mais elle les traite à sa manière. La flamme
dévorante qui anime et consume les personnages de Fragonard
devient, entretenue par elle, une lumière uniforme, un peu blanche,
qui éclaire des êtres livrés à d’honnêtes besognes. La conscience
et la réflexion remplacent la fougue et l’envolée; la netteté des
contours, le poli des couleurs font oublier la pâte chaude et savou-
reuse; les accessoires peu nombreux sont choisis avec soin; les
sentiments réfléchissent une pensée sereine ou enjouée, car la
gaieté circule souvent parmi ces aimables créatures fraîches et
parées, cette gaieté fine, légère, de bon aloi, qui naît de l’accom-
plissement d’une tâche facile et est une marque certaine de l’équi-
libre et de la santé de l’esprit.

On a trop cherché dans les lableaux de Mlle Gérard les qualités
que l’on prise chez Fragonard; c’est pourquoi d’aucuns ont déprécié
son œuvre avec une injustice flagrante. Excepté le coloris des chairs,
et, sur quelques toiles exécutées en collaboration l, les traces d’une
pensée similaire, la divergence des formules est complète. Par
suite, le parallèle tourne aisément au réquisitoire. Mlle Gérard ne
subit pas comme Mlles Ledoux, Mayer et Godefroy une tutelle
sévère. Peut-être prévoit-elle le discrédit prochain des Poursuites
et des Abandons ? Et elle s’affranchit très vite d’une loi qui menace
d’être une entrave. Son indépendance n’est pas présomptueuse, ni
son ambition exagérée; elle s’attache à illustrer les douces joies de
l’intimité comme sa nature les lui fait entrevoir. Elle propor-
tionne la toile au sujet et peint des tableaux de chevalet. Cette
absence de faste et cet emploi avisé de dons essentiellement fémi-
nins devaient lui attirer plus tard des louanges. Boutard la donnait
en exemple aux vierges folles qui, oubliant toute décence, s’allaient

1. L'Enfant chéri, Le Premier pas de l’enfance.
 
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