Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (5. Pér. 6.1922)

LE SYMBOLISME

DANS LES DESSINS DE JACOPO BELLINI

es dessins de Jacopo Bellini, exécutés vers le
milieu du xvc siècle, nous réservent une des
plus pures jouissances d’art que nous puis-
sions imaginer; ils reflètent en outre les idées
novatrices qui agitèrent l’école de Venise pen-
dant une des phases critiques de son dévelop-
pement

Jacopo Bellini (né vers i4oo, mort vers
1471) s’est développé parmi les humanistes
de Padoue, de Venise et de Ferrare, dans un
milieu où la pensée de Leon Battista Alberti
avait pénétré. Ce dernier, après avoir été élevé à Padoue, séjourna à Bologne
en 1436, à Ferrare en 1442, à Mantoue en i45g. Il visita probablement
Venise. Du moins, la seule peinture d’Alberti dont une description nous ait
été transmise grâce à Vasari représentait une vue de Saint-Marc agrémentée
de nombreuses figures. Nous ne serions nullement surpris que Jacopo
Bellini eût connu personnellement le grand Florentin. En tout cas, il n’igno-
rait pas son Traité de la peinture, rédigé dans les années i434et 1435, dont
il appliquait les préceptes dans ses dessins. Lorsqu’il représentait des scènes
de l'Evangile, dont l’ordonnance était fixée par une longue tradition, il agran-
dissait son cadre et l’enrichissait de mille détails pittoresques, donnant ainsi
tous ses soins à une mise en scène (istoria) que Leon Battista voulait variée,
touffue, et du même coup clairement ordonnée et pleine d’harmonie. 1

1. Victor Goloubew, Les Dessins de Jacopo Bellini au Louvre et au British Muséum;
Bruxelles et Paris, G. van Oest, 1908 et 1912, 2 vol. in-fol.