SÉLESTAT
12
Yauban, l’ingénieur Tarade, dirigea les travaux. Sélestat fut dotée par ses
soins d’un enceinte bastionnée renforcée de demi-lunes, percée de portes
majestueuses, dont l’une, la porte de Strasbourg, subsiste encore.
Ainsi puissamment réorganisée, Selestat, place frontière, vit défiler dans
ses murs les plus beaux régiments du royaume, qui y tinrent successivement
garnison. Grâce à ces troupes, l’aspect de la ville, au début du xvme siècle,
ne manquait pas d’une savou-
reuse originalité : uniformes,
frocs et soutanes y pullulaient,
se coudoyaient dans les rues
étroites et pavées bordées de
couvents et de casernes. Suivis
des Capucins qui s’installèrent
dans la ville en 1647, les
Jésuites avaient succédé, dès
1616, dans les bâtiments du
monastère de Sainte-Foy, aux
Bénédictins qui s’étaient vus
contraints, à la fin du xve siè-
cle, d’abandonner leur prieuré,
attribué par le pape à la mense
épiscopale de Strasbourg. L’in-
fluence du nouvel ordre fut
immense : la crise de mysti-
cisme maladif qui suit toutes
les périodes de troubles et qui
sévissait avec intensité à Séles-
tat lors de l’arrivée des Jésuites
leur avait permis de s’assurer
sur la bourgeoisie et le peuple
une autorité qu’affirmèrent
leur souple génie, leur habileté,
leur onction persuasive. Pro-
voqué, attisé et entretenu par eux, un accès de ferveur, qui se cristallisa en
religiosité, leur livra la ville qu’en dépit de résistances éparses ils modelèrent
— au propre et au figuré — à leur guise. Insinuants et ambitieux, ils mani-
lestèrent leur volonté de prééminence dans toutes les branches de l’activité
humaine, créant un collège destiné, dans leur pensée, à remplacer l’école
déchue, contrecarrant les autres ordres, multipliant les cérémonies du culte,
accaparant terrains et propriétés, défigurant les édifices religieux. Ils avaient
- 5e PÉRIODE. l0
VI .
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Yauban, l’ingénieur Tarade, dirigea les travaux. Sélestat fut dotée par ses
soins d’un enceinte bastionnée renforcée de demi-lunes, percée de portes
majestueuses, dont l’une, la porte de Strasbourg, subsiste encore.
Ainsi puissamment réorganisée, Selestat, place frontière, vit défiler dans
ses murs les plus beaux régiments du royaume, qui y tinrent successivement
garnison. Grâce à ces troupes, l’aspect de la ville, au début du xvme siècle,
ne manquait pas d’une savou-
reuse originalité : uniformes,
frocs et soutanes y pullulaient,
se coudoyaient dans les rues
étroites et pavées bordées de
couvents et de casernes. Suivis
des Capucins qui s’installèrent
dans la ville en 1647, les
Jésuites avaient succédé, dès
1616, dans les bâtiments du
monastère de Sainte-Foy, aux
Bénédictins qui s’étaient vus
contraints, à la fin du xve siè-
cle, d’abandonner leur prieuré,
attribué par le pape à la mense
épiscopale de Strasbourg. L’in-
fluence du nouvel ordre fut
immense : la crise de mysti-
cisme maladif qui suit toutes
les périodes de troubles et qui
sévissait avec intensité à Séles-
tat lors de l’arrivée des Jésuites
leur avait permis de s’assurer
sur la bourgeoisie et le peuple
une autorité qu’affirmèrent
leur souple génie, leur habileté,
leur onction persuasive. Pro-
voqué, attisé et entretenu par eux, un accès de ferveur, qui se cristallisa en
religiosité, leur livra la ville qu’en dépit de résistances éparses ils modelèrent
— au propre et au figuré — à leur guise. Insinuants et ambitieux, ils mani-
lestèrent leur volonté de prééminence dans toutes les branches de l’activité
humaine, créant un collège destiné, dans leur pensée, à remplacer l’école
déchue, contrecarrant les autres ordres, multipliant les cérémonies du culte,
accaparant terrains et propriétés, défigurant les édifices religieux. Ils avaient
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