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— 18 —

niée, d'autre part le sentiment de justice et
de loyauté dont on voudra bien nous croire
possédé en ce moment. Nous comprenons
d'autant moins cet oubli que les documents
ne manquent pas, où se trouve consignée
l'histoire de ces tentatives et de ces essais.

Des esprits distingués soutiennent que ]a peinture
murale, telle qu'on la pratique en Allemagne, avec un
succès d'ailleurs trop vanté, n'est pas dans l'essence de
l'esprit flamand, ni conforme aux vieilles traditions de
notre école. Nous ne nous chargeons pas de résoudre
celte question. Mais elle mérite à coup sûr d'être exa-
minée, et si le gouvernement avait sollicité de la Cham-
bre un crédit d'un million pour être mis à même d'exé-
cuter des fresques, il est certain qu'on lui aurait de-
mandé de produire, à l'appui de ses projets, les avis
des hommes compétents dont il s'entoure en toute autre
matière.

Que la section centrale émette sur la peinture
murale, telle qu'on la pratique en Allemagne,
une opinion au moins étrange, c'est son af-
faire. Le public la jugera et s'étonnera sans
doute qu'elle se mette si carrément en oppo-
sition avec l'enthousiasme européen qui sa-
lue avec une respectueuse admiration, à
Munich les œuvres grandioses de Cornélius,
Hess et Schnorr : à Berlin, les puissantes et
profondes conceptions de Kaulbach; à Dresde
les peintures synthétiques de Bendcmann ; à
la Wartburg, les poétiques compositions de
von Schwind; à Spire, les majestueuses fres-
ques de Hess et Schraudolph ; àReimagen,
le brillant écrin composé et exécuté par
Deeger, Ittenbach et les frères Muller; à Aix-
la-Chapelle, les saisissantes peintures d'Al-
fred Rethel et tant d'autres beautés dont l'é-
numération seule nous entraînerait trop loin.
Que la section centrale, disons-nous, en op-
position avec des écrivains français tels que
Fortoul, Vitet, Mérimée, Le Normand, etc.,
blâme cette universelle admiration, i! n'en
sera ni plus ni moins pour qui que ce soit,
mais on se fera à l'étranger une singulière
opinion du goût artistique des hommes qui
dirigent les affaires de la nation. Heureuse-
ment ce n'est là qu'une opinion isolée, dont
tous nos représentants ne sont pas solidaires
et qui, hâtons-nous de le dire, se produit chez
nous, avec autant d'autorité, pour la première
fois.

« La peinture murale, disent des esprits
distingués, (d'après la section centrale) n'est
pas dans l'essence de l'esprit flamand ni con-
forme aux vieilles traditions de notre école...»

Ici nous nous demandons si nous sommes
bien éveillé. Eh!- quoi, la peinture murale
n'est pas dans l'essence de l'esprit flamand
ni conforme aux vieilles traditions de notre
école! Mais c'est tout le contraire qu'il fal-
lait dire. Du XIII0 au XVIe siècle, la Flan-
dre et les pays Wallons ont été inondés de
peintures murales, inondés est le mot. Les
comptes de nos archives fournissent par mil-
liers d'éclatants témoignages de cette fièvre

d'art monumental. Que la section centrale
nous permette de lui offrir respectueusement
la main et de la conduire :

1° A Bruxelles, à l'église du Sablon, où elle
aurait pu voir les peintures murales détrui-
tes il y a quinze jours et qui datent du XVe
siècle.

2° Même ville, à Ste Gudule, où, si elle veut
se donner la peine de gratter les murs, elle
trouvera des fresques de la plinthe à la voûte;
et aussi à N.-D. de la Chapelle et dans toutes
les églises du XIVe et du XVe siècle encore de-
bout, soit entières, soit en ruines.

5° A Gand, à la chapelle dite Leughemeete,
où elle rencontrera des fresques remarqua-
bles de l'an 1550 environ, très bien conser-
vées et dues à une de ces nombreuses gildes
dans lesquelles se résume l'esprit flamand,
celui des vieilles traditions...

4° Même ville, à la Byloque, où elle ren-
contrera une peinture en détrempe de l'an
1230.

S0 Même ville, à la boucherie, où se trouve
la peinture murale à l'huile de 1448, si bien
expliquée et décrite par M. De Busseher.

6° Même ville, à la chapelle des Carmes
chaussés, où tout le vaisseau est couvert de
peintures murales datant de 1450 environ.

7° A Liège, à l'église St. Jacques, où l'on
rencontre des peintures murales d'un grand
et pieux caractère "et dont un écrivain fran-
çais, M. Nisard, a poétiquement parlé.

8° Même ville, à l'église Ste Croix, le chœur
qui date du XIVe siècle est rempli de fresques
découvertes vers 1844.

9° Même ville, à l'église St. Paul, où l'on a
découvert sous le badigeon une admirable
peinture murale couvrant les murs comme
d'un monde d'oiseaux, de fleurs et d'orne-
ments.

10° A Anvers, dans la belle église Notre-
Dame, où un badigeon séculaire voile une
polychromie qui date des premiers temps
de l'église.

11° A Namur, à l'abbaye de Floreffe, où
elle rencontrera des peintures murales de 1260
dans la salle des comtes de Namur, et de la
lin du XVIe siècle sur les murs do l'église,
dans les combles.

12° A Huy, à l'église primaire, où elle
pourra constater que l'oraison dominicale
illustrée se trouve peinte sur les murs par
d'excellents artistes du XVe siècle.

15° A Ypres, où elle trouvera des peintu-
res murales exécutées d'après les ordres de
la gilde des tisserands au XIVe ou au XVe
siècle.

Bref, nous nous offrons, pour la conduire
à Bruges, àMons, à Tournay, à Grammont,
à St. Trond, à Tongres, à Audenarde, à Re-
naix, à Termonde, à Dînant, à Nivelles, et

dans vingt autres localités encore, et nous
nous engageons à lui montrer des traces de
peintures murales, non-seulement à l'intérieur
des édifices religieux, mais aussi à l'intérieur
des édifices civils. Partout et à chaque pas,
on rencontre la preuve que ce genre de pein-
ture formait l'essence artistique du peuple
flamand. Il l'employait dans ses temples, dans
les lieux de réunion des gildes, dans ses salles
d'hôtel de ville, dans ses demeures particu-
lières même, tant il aimait l'art qui parle aux
yeux partout et toujours, tant il respectait et
aimait ces anciennes traditions que les moines
avaient rapportées de la Grèce, de l'Italie, de
l'Allemagne et dont l'ensemble constitua ce
bel art flamand si inexactement apprécié dans
les observations soumises à la Chambre.

Nous posons en fait que du XIIIe jusque
bien avant dans le XVIe siècle, il n'y eut pas
en Belgique un seul monument religieux ou
civil qui ne reçût pour corollaire obligé de
son architecture, des peintures murales. Un
seul monument pourrait nous donner tort,
c'est S'° Waudru , à Mons, dont les matériaux
bruts forment toute l'ornementation ; mais on
voudra bien se rappeler que ce monument
resta inachevé à l'intérieur.

Au XVIe siècle, on sait ce qui arriva : les
luttes politiques et religieuses, au lieu d'édi-
fier, détruisirent. Aussi l'art flamand, en
tant que peinture monumentale, fut-il forcé-
ment réduit au silence; et cependant, voyez
le pouvoir des traditions : sous le feu et le fer
des Iconoclastes, sous le pied des envahisseurs
qui nous venaient des quatre points cardi-
naux , il y eut encore des gens qui crurent à
l'art et qui firent de la peinture monumentale;
c'est du moins ce qu'autorisent à croire cer-
tains débris qu'il nous a été permis d'exami-
ner (i) et des comptes reposant dans les ar-
chives communales du pays.

Au XVIIe siècle, croyez-vous que l'art mo-
numental périclite? pas le moins du monde.
Seulement, il se forme dans le moule des
exigences du temps, et, de monumental qu'il
était jusqu'alors, il devient décoratif; il dé-
vie, il n'est plus destiné à frapper la pensée,
il est façonné de manière à frapper les yeux,
et il le fait d'une façon grandiose. Voyez les
églises, les chapelles et les réfectoires des
Prémontrés, considérez les monuments éle-
vés par les Jésuites, examinez les palais de
nos somptueux bourgeois, suivez les transfor-
mations du goût du peuple flamand, et ici
encore, bien que celui-ci ne soit plus ce qu'il
était avant la réforme, grâce aux conséquen-

ce Les peintures murales découvertes à St. Trond, en
1860, portent la date 1589 (V. Journal des Beaux-Arls,
1860, p. 185),
 
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