Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
— 19 —

ces des temps, vous le voyez aimant l'art po-
pulaire, l'art qui est à tous, en un mot le
véritable art démocratique, celui des monu-
ments.

Et les 59 plafonds de Rubens à l'église des
jésuites à Anvers? et les immenses machines
d'Erasme Quellin; et les arcs de triomphe et
les décors de Van Thulden ; et ceux de Daniel
Janssens, de Rombouts, de Roose, et les tra-
vaux de cette pléiade d'artistes qui, dans le
cours du même siècle, couvrirent de peintu-
res murales à l'huile , non-seulement les tem-
ples catholiques, mais encore les maisons
particulières, n'est-ce pas là de la peinture
monumentale, déchue si vous voulez, grâce à
l'affaiblissement du goût, mais conservant
toujours, à travers tous les temps et les ob-
stacles, la trace indélébile du vieux caractère
llamand.

Au XVIIIe siècle, c'est autre chose. La
décadence entrevue au fond de l'art sérieux
dans le siècle précédent, règne dans toute
son effrayante stérilité. Ici, nous sommes
d'accord avec le rapport de la section cen-
trale; il n'y a plus d'art monumental, mais
aussi il n'y a plus rien, et, sans doute, le
rapport n'entend pas parler des vieilles tradi-
tions de l'école flamande en parlant du XVIIIe
siècle.

Voilà donc, pendant près de cinq siècles,
de 1230 jusqu'aux successeurs immédiats de
Rubens, une suite non interrompue de pein-
tures monumentales encore debout! Nous de-
mandons quel a dû être, par conséquent, l'é-
tonnant développement de ce genre, si l'on
veut bien faire le calcul de ce que le temps a
détruit comparé à ce que le temps nous a
conservé !

Nous voudrions bien connaître sur ce point
l'avis des hommes distingués mis en avant par
le rapport dont nous nous occupons.

On peut se demander, en se plaçant à un autre point
de vue, si des sommes aussi considérables ne seraient
pas consacrées plus utilement à l'achat de tableaux de
nos maîtres, en vue de composer un musée moderne
vraiment digne de la renommée de l'école belge.

On peut se demander encore si la peinture à fresque
convient à tous les monuments, à tous les styles d'ar-
chitecture et à tous les climats.

Le musée moderne est un de nos rêves, et
il y a longtemps qu'on eût dû travailler sé-
rieusement à le constituer, mais l'un n'em-
pêche pas l'autre, et nous ne voyons pas
pourquoi tous les besoins du service ne pour-
raient pas être satisfaits en même temps et
d'une façon progressive sans se nuire mu-
tuellement. Nous comprenons fort bien que
le Gouvernement ne doit pas concentrer sa
sollicitude sur un seul point, et, si c'est là
ce que la section centrale a voulu dire, nous
sommes parfaitement de son avis. La protec-
tion de l'État doit s'équilibrer; toute faveur
est une faute, et c'est particulièrement dans

les arts que cette protection pour être effi-
cace, doit être juste. La peinture monumen-
tale a été pi'otégée depuis quelque temps avec
exagération. Nous l'avons dit ailleurs et nous
le répétons : pendant longtemps les autres
branches des arts souffriront de celte prodi-
galité. Les résultats qu'on a eus en vue eus-
sent pu être réalisés en échelonnant les com-
mandes ; mais on a voulu faire en quelques
années ce qui eut été un magnifique contin-
gent pour une génération tout entière ; le pé-
ril s'est montré après.

La section centrale se demande si la pein-
ture à fresque convient à tous les monuments,
à tous les styles d'architecture et à tous les
climats.

A tous les monuments. Nous n'en connais-
sons pas qui puisse logiquement en être
privé. Depuis la chapelle du baptême jus-
qu'au cimetière, depuis le gynécée jusqu'à
l'hôpital, nous ne voyons rien dans l'antiquité
comme dans les temps plus modernes, qui
puisse motiver l'exclusion des peintures mu-
rales. Allez à Athènes, à Pompeia, lisez Pline
et Pausanias, et vous n'aurez plus aucun doute
à ce sujet. Là où il y a de l'intelligence, il y
a de l'art; l'expression de cet art est un pro-
duit, ce produit renferme l'idée. Si ce pro-
duit a une forme agréable aux yeux, s'il parle
à l'esprit de l'homme, de choses qui lui plai-
sent, celui-ci tiendra à avoir cet objet long-
temps sous les yeux. Voilà l'origine naturelle
des peintures murales, des expositions d'œu-
vres de toute nature, de tout ce qui fait la vie
des yeux. Dès lors , il est difficile de supposer
un monument qui ne puisse avoir son orne-
mentation picturale, ce n'estque sa destination
qui doit régler la mesure de cette ornemen-
tation.

A tous les styles d'architecture. Evidemment.
Dans l'antiquité on trouve des peintures dans
des spécimens de tous les ordres. Le roman,
le mauresque, le byzantin, le gothique avec
ses divisions, la renaissance et ses nombreux
dérivés même, nous offrent des peintures à
fresque, à la cire sur bois, à l'eau d'œuf et à
l'huile. La peinture, la sculpture et l'archi-
tecture peuvent très bien vivre d'elles-mêmes,
mais aucune loi d'harmonie ne les empêche
de vivre ensemble et il n'y a rien d'extraor-
dinaire en cela, la forme et la couleur étant
dans la nature.

A tous les climats. La question ne peut re-
garder que la Belgique; or, le climat n'a pas
changé, croyons-nous, depuis 1230 , date de
la plus ancienne peinture murale encore exis-
tante dans notre pays.

Deux questions importantes se présentent encore.
Faut-il entreprendre la décoration d'un édifice, ayant
d'avoir pris connaissance du programme de l'artiste,
avant d'avoir apprécié les cartons qui serviront de texte
à son travail définitif?

Lorsqu'un Gouvernement fait une comman-
de à un artiste, il faut supposer à celui-ci
assez de mérite pour ne point subordonner
la commande à la production des cartons de
l'œuvre. Va pour le programme, c'est pres-
que indispensable ; quant aux cartons, c'est
autre chose. Peu d'artistes souscriraient à
cette condition ; seulement, nous croyons que
ceux d'entre eux qui ont une idée nette des
convenances et de leur dignité personnelle,
se feraient scrupule d'accepter aucun terme
de paiement s'ils n'avaient, au préalable, jus-
tifié de l'état d'avancement de leurs travaux.
En effet, la mort peut frapper l'artiste bien
avant qu'il n'ait commencé les ouvrages com-
mandés. Que resterait-il alors au Gouverne-
ment pour les sommes qu'il aurait déjà aban-
données? On le voit, c'est moins une affaire
d'administration qu'une affaire de loyauté.

Enfin est-on bien édifié sur la valeur du procédé ma-
tériel employé pour la peinture à fresque et sur le suc-
cès de nos artistes en cette matière?

Nous rappelons à ce propos les paroles d'un critique
français jugeant des fresques exécutées à Paris par des
maîtres éminents :

(( A Dieu ne plaise, disait-il, que nous prétendions
détacher une feuille du laurier cueilli par des artistes
chers à la France ! Notre premier devoir est de dire la
vérité à nos lecteurs, et cette vérité est, qu'on ne sait
plus faire de fresques chez nous ; car on n'ira certaine-
ment pas jusqu'à donner ce nom aux esquisses badigeon-
nées dans quelques chapelles de Paris. C'est un essai.
Sous se rapport on a pu se montrer reconnaissant eu-
vers les dessinateurs auxquels on les doit, et qui, fort
heureusement pour eux, se présentent avec d'autres
titres à l'estime du public. Quand nous voudrons des
fresques, il conviendra de se former à la partie maté-
rielle de ce genre de peinture dans le pays même où il
a pris naissance. »

Le procédé matériel est évidemment une
grosse question et le Gouvernement agirait
prudemment, avant d'autoriser l'exécution
d'une œuvre importante, d'avoir à cet égard
les satisfactions les plus complètes.

La boutade du critique français est tout
simplement de l'ingratitude. Quand on a le
bonheur de posséder les peintures de l'hé-
micycle et de St. Vincent-de-Paul, on devrait
se montrer plus satisfait. Si parmi les qua-
rante monuments publics de Paris, déco-
rés de peintures murales, il y a des esquisses
badigeonnées, il y a aussi de très bonnes cho-
ses, et l'opinion du critique français doit
avoir médiocrement flatté MM. Hip. Elandrin,
Signol, Sclinetz, Hesse, Gérôme, Séchan,
Glaize, Barrias, Couture, Pils, Decaisne,
Landelle, Delacroix et bien d'autres encore
que la France a l'habitude de saluer avec
respect.

En définitive, il faut faire deux parts des
observations de la section centrale. L'une qui
se rapporte à la valeur de la peinture monu-
mentale. Cette part nous croyons l'avoir rédui-
te à néant; l'autre qui a pour objet des con-
seils donnés au Gouvernement. Nous nous y
associons de grand cœur.
 
Annotationen