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— 35 —

Je m'égare dans le détail de cette chronique
où je ne voulais d'abord donner place qu'aux
maîtres hollandais ou flamands. Je veux
vous épargner rémunération de toutes les
pauvretés qui l'on met ici bravement sur la
conscience de Rubens, Van Dyck, Rembrandt.
Un tableau offre-t-il le moindre caractère
archaïque, on l'impute aussitôt à Breughel
l'ancien; ici les Van Eyck apocryphes abon-
dent; personne n'est trompé, — pas plus le
vendeur que l'acheteur, ce qui rend cette
déloyauté flagrante complètement inutile.

Une vente de dessins provenant du cabinet
de M. N... mérite d'être mentionnée. Cette
collection renfermait des dessins excellents
de maîtres flamands. Ils ont, en général été
dignement appréciés. Un portrait de Corneille
Schut, par Van Dyck, a atteint 795 fr.; il était
large et d'un b eau caractère. Un Silène attri-
bué faussement à Rubens, a été restitué séan-
ce tenante à Jordaens et adjugé pour 210 fr.
C'était une aquarelle d'une éblouissante
couleur. Peu de temps après, nous assistions
à une autre vente, attirés par l'annonce d'un
billet autographe de Rubens, chargé au verso
de croquis à la sépia, dus probablement au
même auteur que le billet. Le tout n'a pu
dépasser 18 fr. Je n'ai jamais vu d'écriture
de Rubens et ne puis garantir l'authenticité
de la pièce; mais il ne manque pas de gens
compétents et d'ailleurs ne pourrait-on pas
payer un peu plus cher la chance de posséder
une pareille relique quand on met un si haut
prix aux polissonneries deBeaudoinet con-
sorts.

Je reviens à la collection de M. N... qui a
eu un meilleur sort. Après Van Dyck et Jor-
daens, il nous reste encore à citer quatre ou
cinq noms intéressants. De Bakhuisen, il y
avait trois marines. La première, d'une finesse
étonnante et d'un grand effet, justifiait les
pompeux éloges du catalogue. Elle a atteint
390 fr. Une autre, au bistre, ne manquait pas
de mérite : 175 fr. Enfin, un délicieux groupe
de pêcheurs sur le bord de la mer, à l'aqua-
relle, a été vendu 185 fr. Le catalogue portait
comme du même auteur, deux autres dessins
représentant un concert et une femme jouant
de la guitare, assez habilement exécutés; mais
les amateurs ne reconnaissant plus le genre
du peintre de marines et ne voyant pas de
signature pour se rassurer, n'ont pas accepté
cette attribution; la première pièce a été
adjugée pour 50 fr. la seconde pour 20.
(La suite au 'prochain n").

Bruxelles.

Wiertz sculpteur — Van Hovc, peintre. — Le monu-
ment de Brouckere. — Vente des collections Glieldolf cl

Cds. — Acquisition du musée à lavcnle Demidoff. — Où se J
fera la prochaine exposition triennale? — Le projet du
palais des Beaux-Arts de M. Gisler.

On m'avait entretenu depuis quelque temps
déjà des œuvres de sculpture de M. Wiertz
dont le musée, presque inabordable par les
mauvais temps, recommence à être visité
aujourd'hui que la saison devient plus clé-
mente; et avant d'aller plus loin, je crois de-
voir faire observer qu'il est indigne d'une
grande ville de laisser dans un semblable état
d'abandon les voies de communication vers
un établissement bien fait pour attirer la foule,
et dont il est impossible d'approcher en voi-
ture. Dans l'intérêt de l'art je demande donc
que la rue Terrade et la rue du remorqueur
soient pavées. Mais enfin, hier il faisait beau,
il faisait sec et j'ai pu arriver sans encombre
jusqu'au temple où M. Wiertz a élu domicile.
Cave Canem.

Les œuvres de peinture que renferme le
vaste atelier du maître vous sont connues; je
n'en parle donc plus ici et je veux tout
d'abord attirer votre attention sur les trois
groupes de sculpture que M. Wiertz a exécutés
dans ceque l'on pourrait appeler ses moments
perdus, si le temps consacré à l'art pouvait
jamais être perdu. Ne vous faites pas illusion
sur les proportions de ces œuvres; les figures
ont à peu près la grandeur académique et
sont des esquisses terminées et montées en
plâtre. L'artiste se propose de les exécuter
sur une grande échelle, dit-on, et il fera bien,
ma foi, car elles ne le cèdent en rien à ses
œuvres passées, au contraire, et je vous avoue
que je n'ai trouvé dans cette réunion des tra-
vaux de toute sa carrière, aucune œuvre qui
méritât davantage de fixer l'attention que cel-
les que je vais vous analyser rapidement.

Nous avons donesous les yeux trois groupes
de deux figures chacun, et représentant trois
époques. La première époque caractérise la
Naissance des passions; elles sont nées avec
l'homme, aussi est-ce au berceau du genre
humain que nous reporte l'artiste.

Eve présente à Adam le fruit de l'arbre de
science. Notre premier père ne résiste plus
que faiblement à la séduction. Tout ce qu'Eve
déploie de grâce et de câlinerie pour attein-
dre son but, est vraiment saisissant et nia
foi, je crains fort que si c'était à refaire,
tous, sans exception, nous succomberions,
si l'on s'y prenait de la sorte.

Vous avez pu constater dans les œuvres de
M. Wiertz deux manières diverses et je dirai
même contradictoires, d'exécution. Ou bien
il est mou jusqu'à l'afféterie, ou bien il est
vigoureux jusqu'à la dureté. Le groupe dont
je vous parle est conçu dans la première de
ces manières. Le maître y a abusé de la ligue

ondulcuse qu'il affectionne et recherche
toujours. Il en résulte une certaine confusion
dans les lignes, qui fait songer aux maîtres
flamands du 16me siècle. Le serpent rampe et
enveloppe Eve dans ses anneaux multiples ;
Eve aussi rampe et se penche amoureuse-
ment sur Adam; en présence de cette mollesse
évidemment recherchée, j'eusse voulu un peu
plus de caractère chez Adam, le représentant
de ce soi-disant sexe fort dont la faiblesse
a causé la chute du genre humain. Si ce groupe
m'a complètement satisfait au point de vue
de l'idée, il n'en a donc point été de même au
point de vue de l'exécution un peu outrée.

Passons à la seconde époque, La lutte. Ici
deux athlètes aux formes herculéennes, sont,
aux prises et se disputent l'empire du monde.
Lequel des deux l'emportera? Aucun proba-
blement, car ils semblent de force égale et
tous deux sont déjà transpercés d'un glaive
dont la pointe leur sort du dos. C'est peut-
être trop énergique, c'estbrutal et dégoûtant.
J'aime mieux la noblesse et le calme du
groupe antique des lutteurs.

La force seule doit assurer le triomphe de
la force, et le glaive est déjà un élément étran-
ger introduit dans la composition. Un enfant
armé d'un revolver est plus redoutable qu'un
colosse désarmé. — Mais voici le troisième
groupe intitulé La lumière et qui est à tous
égards le plus digne d'attention. Le génie de
la civilisation a triomphé de l'erreur. Le génie,
du mal, désarmé, rampe à ses pieds. — H
essai encore de relever la tête, il veut encore
saisir le glaive que lui a enlevé la main toute-
puissante de la civilisation, mais désormais
ce ne sera plus la force brutale qui gouver-
nera, la lumière s'est faite et le génie du pro-
grès qui d'une main a désarmé l'erreur, élève
de l'autre le flambeau de la civilisation. Vous
comprenez ce qu'une semblable donnée offrait
de ressources au talent de Wiertz. Mettez en
opposition le génie du mal r complètement
nu, et le génie du progrès, complètement dra-
pé, le premier couché, le second debout,
calme et fier, vous comprendrez à peu près la
disposition de l'ensemble de ce groupe ma-
gistral , l'une des créations les plus remar-
quables que la statuaire ait produites chez
nous. Malheureusement, et ce reproche s'a-
dresse aux trois œuvres que je viens d'ana-
lyser, M. Wiertz a fait de la sculpture en
peintre, c'est à dire qu'il ne faut envisager
ses groupes que sous un seul aspect, ne les
voir que d'un seul côté, de face. Placés dans
une niche profonde, ils produiraient le plus
grand effet; isolés, ils seraient perdus. Le
plus important, à coup sûr, La lumière, ne
supporte pas l'analyse, vu du côté droit ou
du côté gauche. Le bras étendu du génie du
progrès, celui qui tient le glaive, vu sous cet
 
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