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https://doi.org/10.11588/diglit.18489#0105
— 97 —
Bruxelles.
C'est le 10 Juillet, à minuit, qu'expire le
délai fixé aux artistes pour la remise de
leurs œuvres à l'Exposition qui s'ouvrira le
1er Août. Une fois le triage de ces œuvres
fait, la commission organisatrice nommée
par le Gouvernement, est dissoute de plein
droit et remplacée par le jury de placement i
et des récompenses élu par les artistes eux-
mêmes. Ce système inauguré il y a quelques
années, a ceci de bon, qu'il ferme, ou devrait
fermer, la porte aux réclamations des expo-
sants et donne aux élus une indépendance
plus complète, en les pénétrant de la convic-
tion que c'est par la volonté de leurs pairs
qu'ils siègent comme jurés.
A la veille de la remise des œuvres au salon
et de la constitution du jury, nous croyons
qu'on nous saura gré de mettre les intéressés
exactement au courant de la situation de no-
tre corps artistique, en ce moment assez com-
pliquée pour qu'il soit nécessaire d'entrer
dans quelques détails.
Dans toutes les élections, quelles qu'elles
soient, il est non-seulementutile, mais indis-
pensable, d'arrêter une liste de candidats, afin
d'éviter que les voix ne s'égarent et d'assurer
aux élus une majorité plus imposante, en
premier lieu, et aussi pour parer aux votes
par surprise, assez rares heureusement, mais
toujours regrettables. Il y a donc eu à Bruxel-
les plusieurs réunions préparatoires d'artis-
tes, convoquées les unes par la Société des
artistes, l'autre par le Cercle artistique et
littéraire, et, chose assez étrange à première
vue, chacune de ces Sociétés a arrêté une
liste spéciale de candidats. Tous les artistes
sont loin d'être au fait des motifs qui ont
amené cette scission dans notre phalange
artistique, aussi voulons-nous les éclairer sur
la portée du vote qu'ils émettront, et cela en
leur en faisant l'historique.
La Société des artistes a été fondée, il y a
peu d'années, dans le but d'organiser une ex-
position permanente actuellement suspendue
par l'absence de locaux, le gouvernement
ayant cru devoir mettre à la disposition de la
commission du musée, les salles consacrées à
cet usage et destinées , depuis quelque temps
déjà, à l'installation du musée moderne. La
Société des artistes compte des membres nom-
breux, tous artistes comme l'indique son nom;
aussi s'est-elle crueendroitde convoquer tous
les exposants en une assemblée, à l'ordre du
jour de laquelle était inscrite l'élection de
six candidats pour le jury de placement et
des récompenses de la prochaine exposition.
Neuf membres sont laissés aux choix des ar-
tistes, cinq peintres, deux statuaires, un ar-
chitecte, et un graveur. Mais le comité di-
recteur de la Société des artistes a cru devoir
proposer, et en ceci nous l'approuvons pleine-
ment, de laisser au choix des artistes anver-
sois deux peintres et un statuaire. Restait
donc à élire, trois peintres, un graveur, un
architecte et un statuaire. La première as-
semblée, celle du 15 Juin, était nombreuse;
environ cent artistes ont pris part au vote et
il a été décidé que les candidats ne seraient
élus qu'à la majorité absolue des voix. Avant
de passer au vote, l'assemblée a été informée
par son président M. Billoin, que diverses
propositions tendantes à modifier le règlement
en vigueur jusqu'ici aux expositions triennales,
avaient été soumises au gouvernement; à ces
propositions, d'autres ont été ajoutées, et il a
été enfin décidé, à la presque unanimité des
suffrages et malgré les protestations de quel-
ques membres, que les candidats auraient à
adopter les principes mis en avant par l'assem-
blée et que voici : L'abaissement de la rampe,
de 70 centimètres à 50 centimètres du sol, le
placement des tableaux par ordre alphabé-
tique, la suppression du scrutin secret pour
la proposition des récompenses, la clôture
momentanée du salon pour permettre un re-
maniement dans le placement, et enfin la pu-
blication des conclusions du rapport du
jury des récompenses, un mois avant la clô-
ture. Toutes ces propositions ont été votéeS
à une très-forte majorité et tous les candidats
élus à la Société des artistes y ont adhéré. Le
premier tour de scrutin n'a donné de majo-
rité absolue à personne. M. Simonis, le plus
favorisé des candidats, n'arrivait pas à la ma-
jorité avec 46 voix. Un scrutin de ballotage
eut lieu dans une séance subséquente et donna
pour résultat l'élection de MM. De Groux,
Robie et Billoin comme peintres, Joseph Ja-
quet comme statuaire, J.-B. Meunier comme
graveur et De Man, comme architecte (c'est
par erreur que les journaux ont annoncé
l'élection de M. De Curte).
Avant d'aller plus loin, il nous sera bien
permis, sans doute, d'examiner un moment
les propositions mises en avant par MM.
les artistes. Voyons d'abord l'Abaissement de la
rampe à 50 centimètres. Cette mesure pourrait
avoir d'heureux résultats si elle était appliquée
sans trop d'exclusion. Cependant, s'il est des
tableaux qui peuvent sans inconvénient être
placés à 50 centimètres du sol, il en est d'autres
qui exigent inpérieusement une place plus
élevée. Ne vaudrait-il pas mieux alors autori-
ter la commission de placement à donner à
l'œuvre tel degré d'élévation ou d'abaissement
que pourrait comporter le sujet, et surtout
les dimensions de celle-ci ; il est peu de toiles
qui soient placées trop haut à 70 centimètres,
et il en est beaucoup, qui, placées ainsi, ne
sont pas assez élevées. Qu'on exhausse donc,
| jusqu'à la hauteur de l'œil, des toiles excep-
j tionnelles et qu'on abaisse, s'il le faut, celles
! auxquelles un semblable placement pourrait
convenir; mais pourquoi ériger en principe
une question aussi insignifiante.
Nous avons entendu dire, et nous sommes
aussi de cet avis, que les petits tableaux
perdront plus à la mesure proposée, que n'y
gagneront les grands; et nous croyons, pour
notre part, qu'il faut, dans les expositions, mé-
nager autant que possible les intérêts de
tous.
Passons à la seconde proposition : Le pla-
cement des tableaux, par ordre alphabéthique.
Au premier abord, on ne se rend pas bien
compte de la véritable portée de cette propo-
sition qui tend, tout simplement, à la sup-
pression du salon et des places d'honneur.
Sans doute il est de nombreux artistes qui
se trouvent froissés d'être exclus de l'un et de
ne point figurer aux autres. Mais à leur dé-
sappointement, ne peut-on pas mesurer le prix
qu'ils attachent à la chose et n'est-ce pas là
déjà un motif suffisant pour maintenir et
salon et places d'honneur? Il n'y a point de
communisme possible clans les arts; à chacun
j selon ses œuvres , et rien n'est plus légitime
i que de voirl'œuvrela plus marquante la mieux
placée. S'en suit-il qu'il faille mal placer les
autres? Non sans doute. Donnez-nous toutes
bonnes salles, dit-on, et les salons d'honneur
seront superflus. Que les salles soient les
meilleures possibles pour tout le monde,
ne sacrifiez personne, mais que, selon le pré-
cepte de l'Evangile, il soit beaucoup donné à
celui qui possède beaucoup.....de talent.
Passons à La suppression du scrutin secret
pour le vote sur les récompenses. — C'est ici
que nous attendons messieurs les commis-
saires. Ah! l'on croit que la suppression du
scrutin secretserait une garantie d'impartialité,
d'indépendance pour des hommes assez lâches
pour voler contre leurs convictions. Nous
nous permettrons d'être d'un avis exactement
opposé. Le scrutin secret permettra aux jurés
de voter contre leurs amis, en un mot de faire
taire en eux toute voix qui n'est pas celle de
leur devoir, raison de plus pour le maintenir.
] Il faut que chacun ait le courage de son opi-
nion, avons-nous entendu dire. Et qui vous
permet de douter de la sincérité des convic-
tions de ceux qui déposent leur vote dans
l'urne du scrutin. Vous voulez connaître vos
amis et vos ennemis, soit.Mais qui nous défend
j dès lors de supposer, que le cas échéant,
| vous ne voterez pas pour les uns et contre
j les autres. L'homme indépendant et sérieux
| ne s'engage vis-à-vis de personne, et s'il est
i conséquent et sincère, il votera dans le même
j sens verbalement ou au scrutin secret; seu-
lement s'il est délicat, il préférera le scrutin
Bruxelles.
C'est le 10 Juillet, à minuit, qu'expire le
délai fixé aux artistes pour la remise de
leurs œuvres à l'Exposition qui s'ouvrira le
1er Août. Une fois le triage de ces œuvres
fait, la commission organisatrice nommée
par le Gouvernement, est dissoute de plein
droit et remplacée par le jury de placement i
et des récompenses élu par les artistes eux-
mêmes. Ce système inauguré il y a quelques
années, a ceci de bon, qu'il ferme, ou devrait
fermer, la porte aux réclamations des expo-
sants et donne aux élus une indépendance
plus complète, en les pénétrant de la convic-
tion que c'est par la volonté de leurs pairs
qu'ils siègent comme jurés.
A la veille de la remise des œuvres au salon
et de la constitution du jury, nous croyons
qu'on nous saura gré de mettre les intéressés
exactement au courant de la situation de no-
tre corps artistique, en ce moment assez com-
pliquée pour qu'il soit nécessaire d'entrer
dans quelques détails.
Dans toutes les élections, quelles qu'elles
soient, il est non-seulementutile, mais indis-
pensable, d'arrêter une liste de candidats, afin
d'éviter que les voix ne s'égarent et d'assurer
aux élus une majorité plus imposante, en
premier lieu, et aussi pour parer aux votes
par surprise, assez rares heureusement, mais
toujours regrettables. Il y a donc eu à Bruxel-
les plusieurs réunions préparatoires d'artis-
tes, convoquées les unes par la Société des
artistes, l'autre par le Cercle artistique et
littéraire, et, chose assez étrange à première
vue, chacune de ces Sociétés a arrêté une
liste spéciale de candidats. Tous les artistes
sont loin d'être au fait des motifs qui ont
amené cette scission dans notre phalange
artistique, aussi voulons-nous les éclairer sur
la portée du vote qu'ils émettront, et cela en
leur en faisant l'historique.
La Société des artistes a été fondée, il y a
peu d'années, dans le but d'organiser une ex-
position permanente actuellement suspendue
par l'absence de locaux, le gouvernement
ayant cru devoir mettre à la disposition de la
commission du musée, les salles consacrées à
cet usage et destinées , depuis quelque temps
déjà, à l'installation du musée moderne. La
Société des artistes compte des membres nom-
breux, tous artistes comme l'indique son nom;
aussi s'est-elle crueendroitde convoquer tous
les exposants en une assemblée, à l'ordre du
jour de laquelle était inscrite l'élection de
six candidats pour le jury de placement et
des récompenses de la prochaine exposition.
Neuf membres sont laissés aux choix des ar-
tistes, cinq peintres, deux statuaires, un ar-
chitecte, et un graveur. Mais le comité di-
recteur de la Société des artistes a cru devoir
proposer, et en ceci nous l'approuvons pleine-
ment, de laisser au choix des artistes anver-
sois deux peintres et un statuaire. Restait
donc à élire, trois peintres, un graveur, un
architecte et un statuaire. La première as-
semblée, celle du 15 Juin, était nombreuse;
environ cent artistes ont pris part au vote et
il a été décidé que les candidats ne seraient
élus qu'à la majorité absolue des voix. Avant
de passer au vote, l'assemblée a été informée
par son président M. Billoin, que diverses
propositions tendantes à modifier le règlement
en vigueur jusqu'ici aux expositions triennales,
avaient été soumises au gouvernement; à ces
propositions, d'autres ont été ajoutées, et il a
été enfin décidé, à la presque unanimité des
suffrages et malgré les protestations de quel-
ques membres, que les candidats auraient à
adopter les principes mis en avant par l'assem-
blée et que voici : L'abaissement de la rampe,
de 70 centimètres à 50 centimètres du sol, le
placement des tableaux par ordre alphabé-
tique, la suppression du scrutin secret pour
la proposition des récompenses, la clôture
momentanée du salon pour permettre un re-
maniement dans le placement, et enfin la pu-
blication des conclusions du rapport du
jury des récompenses, un mois avant la clô-
ture. Toutes ces propositions ont été votéeS
à une très-forte majorité et tous les candidats
élus à la Société des artistes y ont adhéré. Le
premier tour de scrutin n'a donné de majo-
rité absolue à personne. M. Simonis, le plus
favorisé des candidats, n'arrivait pas à la ma-
jorité avec 46 voix. Un scrutin de ballotage
eut lieu dans une séance subséquente et donna
pour résultat l'élection de MM. De Groux,
Robie et Billoin comme peintres, Joseph Ja-
quet comme statuaire, J.-B. Meunier comme
graveur et De Man, comme architecte (c'est
par erreur que les journaux ont annoncé
l'élection de M. De Curte).
Avant d'aller plus loin, il nous sera bien
permis, sans doute, d'examiner un moment
les propositions mises en avant par MM.
les artistes. Voyons d'abord l'Abaissement de la
rampe à 50 centimètres. Cette mesure pourrait
avoir d'heureux résultats si elle était appliquée
sans trop d'exclusion. Cependant, s'il est des
tableaux qui peuvent sans inconvénient être
placés à 50 centimètres du sol, il en est d'autres
qui exigent inpérieusement une place plus
élevée. Ne vaudrait-il pas mieux alors autori-
ter la commission de placement à donner à
l'œuvre tel degré d'élévation ou d'abaissement
que pourrait comporter le sujet, et surtout
les dimensions de celle-ci ; il est peu de toiles
qui soient placées trop haut à 70 centimètres,
et il en est beaucoup, qui, placées ainsi, ne
sont pas assez élevées. Qu'on exhausse donc,
| jusqu'à la hauteur de l'œil, des toiles excep-
j tionnelles et qu'on abaisse, s'il le faut, celles
! auxquelles un semblable placement pourrait
convenir; mais pourquoi ériger en principe
une question aussi insignifiante.
Nous avons entendu dire, et nous sommes
aussi de cet avis, que les petits tableaux
perdront plus à la mesure proposée, que n'y
gagneront les grands; et nous croyons, pour
notre part, qu'il faut, dans les expositions, mé-
nager autant que possible les intérêts de
tous.
Passons à la seconde proposition : Le pla-
cement des tableaux, par ordre alphabéthique.
Au premier abord, on ne se rend pas bien
compte de la véritable portée de cette propo-
sition qui tend, tout simplement, à la sup-
pression du salon et des places d'honneur.
Sans doute il est de nombreux artistes qui
se trouvent froissés d'être exclus de l'un et de
ne point figurer aux autres. Mais à leur dé-
sappointement, ne peut-on pas mesurer le prix
qu'ils attachent à la chose et n'est-ce pas là
déjà un motif suffisant pour maintenir et
salon et places d'honneur? Il n'y a point de
communisme possible clans les arts; à chacun
j selon ses œuvres , et rien n'est plus légitime
i que de voirl'œuvrela plus marquante la mieux
placée. S'en suit-il qu'il faille mal placer les
autres? Non sans doute. Donnez-nous toutes
bonnes salles, dit-on, et les salons d'honneur
seront superflus. Que les salles soient les
meilleures possibles pour tout le monde,
ne sacrifiez personne, mais que, selon le pré-
cepte de l'Evangile, il soit beaucoup donné à
celui qui possède beaucoup.....de talent.
Passons à La suppression du scrutin secret
pour le vote sur les récompenses. — C'est ici
que nous attendons messieurs les commis-
saires. Ah! l'on croit que la suppression du
scrutin secretserait une garantie d'impartialité,
d'indépendance pour des hommes assez lâches
pour voler contre leurs convictions. Nous
nous permettrons d'être d'un avis exactement
opposé. Le scrutin secret permettra aux jurés
de voter contre leurs amis, en un mot de faire
taire en eux toute voix qui n'est pas celle de
leur devoir, raison de plus pour le maintenir.
] Il faut que chacun ait le courage de son opi-
nion, avons-nous entendu dire. Et qui vous
permet de douter de la sincérité des convic-
tions de ceux qui déposent leur vote dans
l'urne du scrutin. Vous voulez connaître vos
amis et vos ennemis, soit.Mais qui nous défend
j dès lors de supposer, que le cas échéant,
| vous ne voterez pas pour les uns et contre
j les autres. L'homme indépendant et sérieux
| ne s'engage vis-à-vis de personne, et s'il est
i conséquent et sincère, il votera dans le même
j sens verbalement ou au scrutin secret; seu-
lement s'il est délicat, il préférera le scrutin