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admettent ces fâcheuses transactions; ne
sont-ils pas plus à plaindre qu'à blâmer? Car
il faut vivre avant tout et la sculpture est
Lien ingrate pour ceux qui se consacrent
aujourd'hui à son culte. Honneur donc à ceux
qui suivent leur route sans faiblesse et sans
concession! Honneur aux mâles courages qui
ne se laissent pas détourner du but par les
obstacles de la route, par la longueur du che-
min! Honneur à ces âmes énergiques qui
consacrent au culte du beau leur main désin-
téressée et qui ne succombent pas, je ne
dirai pas aux séductions de la fortune, mais
aux dures épreuves de la vie pénible qu'ils se
sont choisie!

J'apprends que la grande médaille d'honneur
doit être décernée cette année à M. Perraud
et j'applaudis de grand cœur à ce choix. M.
Perraud, premier grand prix de Rome, se
fait remarquer depuis longtemps par cette
poursuite constante de l'idéal dont nous nous
plaignions d'avoir à déplorer l'absence chez
un trop grand nombre de sculpteurs. Le
groupe en marbre, l'Enfance de Bacchus, qui
vaut à M. Perraud cette récompense excep-
tionnelle, est une œuvre capitale. Sur un
banc grossièrement formé de quelques blocs
énormes et environné d'attributs rustiques,
est assis un Faune, la jambe droite molle-
ment rejetée sur la jambe gauche. De ses
deux bras repliés au dessus de sa tète, il tient
Bacchus encore enfant, qui, debout sur son
épaule gauche, cherche à frapper du thyrse
qu'il tient à la main le Faune souriant. La
ligure du jeune Dieu, malicieuse et pleine
d'une grâce enfantine, se penche vers la tête
de sa victime qui détourne son visage animé
par le rire, pour éviter les coups de l'enfant.
Le modelé du corps du Faune, la grâce de
son attitude, l'unité de la composition, la
science avec laquelle ce marbre a été fouillé,
prouvent que M. Perraud connaît à fond la
pratique de son art en même temps que les
immortels modèles que l'antiquité a laissés
aux sculpteurs à venir. Mais, après avoir
loué la science et le mérite de l'exécution, ne
pourrions-nous pas critiquer l'idée de l'ar-
tiste? Nous avons sous les yeux un enfant
mutin qui joue avec un homme riant de ses
agaceries; y a-t-il là une de ces idées élevées
ou généreuses qui méritent de lixer pendant
des années les pensées d'un homme intelli-
gent, qui soient dignes d'occuper longtemps
son talent, qui puissent enfin porter témoi-
gnage de son mérite auprès des générations
futures? C'est peut-être se montrer bien
sévère pour une œuvre aussi consciencieuse ;
mais quand on cherche, comme M. Perraud, à
donner à ses idées la forme la plus noble et la
plus élevée, il-faut au moins que l'intérêt, la
grandeur de l'idée corresponde à la majesté
de son expression.

M. Carpeaux a rencontré dans la scène
d'Ugolin et de ses enfants un de ces sujets bien
faits pour faire rêver l'âme de l'artiste, pour
tenter son talent. Dire que M. Carpeaux a
surmonté toutes les difficultés de son pro-
gramme, serait tomber dans l'exagération.
Toutefois, il faut avouer que ce groupe de
cinq personnages est une œuvre capitale et
qui renferme d'éniinentes qualités. Il faut
louer l'artiste d'avoir su grouper ses person-
nages de manière à ne pas diviser l'intérêt de
la scène. L'horrible récit du Dante semblait
plus propre à exercer le pinceau du peintre
que le ciseau du sculpteur. Cependant M.
Carpeaux a su se tirer à son honneur des
dangers qu'offrait cet amoncellement de corps
amaigris, de chairs flétries, de figures caves
et épuisées.

La pose élégante et naturelle, la finesse de
modelé du Jeune Napolitain qui porte à son
oreille, avec un étonnement joyeux, la coquille
marine qu'il vient de ramasser, et enfin la
largeur avec laquelle est traité le Buste de la
princesse Mathilde et les étoffes qui le drapent
très heureusement, font de l'exposition de
M. Carpeaux une des plus complètes et le
placent parmi les mieux méritants des sculp-
teurs.

La Vénus de M. Arnaud compte aussi parmi
les œuvres capitales de l'exposition; Vénus
debout, tord de ses deux mains relevées avec
élégance au dessus de sa tête, une opulente
chevelure dorée, tandis que le poids de son
corps porté sur la jambe gauche, dessine le
riche contour d'une hanche que n'a pas dé-
formée la divine ceinture. A son cou, à ses
oreilles, sont suspendus des bijoux peints de
diverses couleurs. Sa ceinture laisse échapper
son riche vêtement que retient le mouvement
de sa jambe droite. Le sculpteur nous repré-
sente la divinité sous une forme plutôt majes-
tueuse par son ampleur, qu'élégante et gra-
cieuse. Si nous croyons inutile de peindre le
marbre, nous ne devons pas oublier de louer
le soin avec lequel M. Arnaud a développé
sur le piédestal l'universelle puissance de sa
divinité. Ce socle rond, au devant duquel
l'amour aveugle tient les deux extrémités
d'un ruban qui dans ses mille détours enve-
loppe toutes les races de la terre, complète
à merveille l'image de Vénus. Si au lieu de
donner à leurs statues un support vulgaire
et lourd, la plupart des sculpteurs avaient,
comme M. Arnaud, la patience et le soin de
choisir ou de composer un piédestal en rap-
port avec le personnage qu'ils représentent,
leurs œuvres ne pourraient manquer d'y gag-
ner beaucoup. D'ailleurs la Vénus de M.
Arnaud se distingue par une recherche de la
forme, une poursuite sévère d'un idéal élevé
que ses sobres essais de peinture sur marbre

et de piédestal en bronze et en marbre noir
sont destinés à seconder.

M. Paul Dubois, à peine connu hier, est
déjà fameux aujourd'hui . Il faut le reconnaître
d'ailleurs, les deux figures en plâtre que cet
artiste a exposées, portent l'empreinte d'une
originalité et d'une distinction extrêmes. M.
Dubois connaît et aime l'antique; mais, en
l'étudiant, il sait se défendre de le copier. Ce
Narcisse qui, debout, regarde par-dessus son
bras gauche sa figure réfléchie par une source
invisible, est charmant de pose, de vérité
et de noblesse. C'est la dignité de la sculp-
ture antique alliée à une expression plus
vivante peut-être, plus humaine. C'est surtout
dans ce SK Jean Baptiste encore enfant, qu'é-
clatent la vie, l'énergie de l'artiste. Comme
cette figure d'enfant l'emporte sur le S1. Jean
Baptiste, estimable cependant, mais froid et
timide de M. Crauk; comme elle prouve enfin
une originalité plus puissante que cet aréo-
page de divinités païennes, plus ou moins
inspirées de l'antique, auquel chaque exposi-
tion nous fait assister.

MM. Bartholdi et Math. Moreau, dans des
sujets analogues, ont su montrer un certain
talent d'invention. La fontaine de M. Bar-
tholdi, élevée au souvenir de l'amiral Bruat,
avait l'avantage d'offrir une destination par-
faitement en rapport avec les attributs du
personnage qu'elle doit célébrer. Aussi la
composition est simple et majestueuse à la
fois. La dispositions et les proportions sont
combinées pour donner à cette fontaine un
aspect monumental. Il faut louer aussi les
quatre grandes ligures de la fontaine de M.
Moreau. Toutefois ces divinités marines n'ont
pas un sens assez déterminé; le couronne-
ment de la fontaine, ce groupe d'enfants qui
surmonte les vasques supérieures, est gra-
cieux, mais banal.

Vous connaissez l'épisode fameux de la vie
d'Aristide, où le surnom de Juste devint le
grief principal du peuple contre lui. C'est le
sujet qu'a choisi et qu'a traité avec bonheur,
en bas-relief, M. Moulin. Ce que nous aimons
dans ce bas-relief, c'est l'idée morale et poé-
tique contenue dans la scène, c'est l'expres-
sion très soignée d'un drame qui est de tous
les temps, aussi bien du nôtre que de l'époque
d'Aristide. Cependant il ne faut pas oublier de
louer la dignité, la noblesse que l'artiste a su
donner à ses personnages, sans tomber dans
«ne imitation servile des modèles antiques.

Nous aurions encore, si nous en avions le
loisir, à passer en revue et à décrire bon
nombre d'œuvres attrayantes sans être des
ouvrages hors ligne. Nous nous contenterons
de les indiquer rapidement en notant leurs
qualités dominantes ou leurs défauts sail-
lants. La Pandore de M. Aizelin est belle
 
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