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— 172 —

II a existé en France une publication ex-
cellente que nous n'hésitons pas à prendre
pour modèle de ce que nous devons créer en
Belgique, ce sont les Archives de Vart fran-
çais; seulement, nous voudrions étendre le
cercle de ses attributions et appliquer égale-
ment au présent le principe qui est sa raison
d'être et que cette publication a appliqué
au passé seul.

Nous voudrions, afin d'ôter dans l'avenir
à des esprits chagrins, légers ou à déductions
faciles, la possibilité de calomnier nos com-
patriotes, insérer dans ce recueil tout ce qui
peut intéresser l'existence de nos contempo-
rains, sans perdre de vue qu'il ne s'agira
jamais que de faits authentiques. Les appré-
ciations seraient soigneusement écartées com-
me étant du domaine de l'avenir; nous n'au-
rions pas à enregistrer des opinions mais des
faits, toujours des faits, n'ayant en vue que
de préparer et non de bâtir.

Nous ne savons si nous nous trompons,
mais il nous semble que toute intelligence
qui, dans son travail, ne perd jamais de vue
la part qui revient à la patrie, doit sourire à
cette idée qu'elle peut avoir, là, à sa dispo-
sition immédiate, une espèce de fil d'Ariane
pour la guider dans le dédale des faits dont
notre histoire de l'art est si souvent obscurcie;
un tiroir magique d'où elle pourra extraire à
son gré un témoin authentique, un chiffre sûr,
une vérité; un aide puissant et infaillible qui
lui tendra la main dansles occasions difficiles.

À l'heure qu'il est, les travailleurs com-
mencent à être terriblement embarrassés
quand ils veulent consulter leurs souvenirs
sur la question de savoir où ils pourront re-
trouver la rectification d'un fait traditionnel
qu'ilsontvue quelque part, mais où? On prend
des notes, dira-t-on, soit, mais il faudra
bientôt des notes pour coordonner les pre-
mières notes et il se fait ainsi dans l'esprit
d'étranges confusions.

La publication centrale dont nous parlons
n'est certainement pas un objet de spécula-
tion. L'exemple des archives de l'Art français
que nous citions tout à l'heure, l'a prouvé. En
effet, cette collection si précieuse et si inté-
ressante s'est malheureusement arrêtée après
son douzième volume, mais les regrets que
ce temps d'arrêt inspire sont eux-mêmes l'éloge
le plus universel qu'on puisse faire du livre.
Le Bulletin des Archives queva publier le con-
seil communal d'Anvers n'est point non plus
une œuvre spéculative. Il eu est d'autres que
nous pourrions citer et qui vivent au nom de
la science, au nom de l'art, au nom de l'uti-
lité. Ce seraient là les raisons d'être de la pu-
blication dont nous préconisons la création.

Les idées émises dans le présent article
ont déjà été développées par nous au Congrès

de Gand de I808, où elles ont donné lieu à
une discussion intéressante.

CORRESPONDANCES PARTICULIÈRES.

Paris.

LA STATUE DE LA COLONNE VENDÔME.

Le zèle de notre édilité semble impatient
de donner chaque jour une nouvelle preuve
de son activité. Hier c'était le débris de
quelque édifice gothique sacrifié à la tyrannie
de l'alignement, demain tombera quelque
vieille masure à jamais célèbre par la nais-
sance ou la résidence d'un poëte, d'un artites;
aujourd'hui, la statue de Napoléon premier
descendait du piédestal où l'avait replacée
une juste et trop tardive réparation. Nous
avons vu le colosse de bronze se balancer
dans les airs et descendre lentement de son
sublime refuge et nous nous demandions si
l'on n'aurait pas mieux fait de laisser dormir
les souvenirs que rappelaient cette place et
cette image. Nous comprenions l'émotion qui
devait saisir les vieux débris des armées de
l'Empire, et il en reste encore, en regardant
leur idole quitter une seconde fois son trône.

Us se souvenaient que dans de bien tristes
temps la statue de l'Empereur avaitdéjà pendu

sous le chanvre brutal ;

déjà un décret l'avait arrachée de la cime du
monument d'où elle était de nouveau chassée;
où porter désormais l'encens de leurs regrets,
l'hymne de leurs récits, si l'Empereur aban-
donnait les murs que son ombre semblait
encore habiter. Cette émotion nous gagnait
aussi et nous nous demandions s'il était bien
nécessaire à la gloire de celui que l'on vou-
lait honorer, de le priver du traditionnel cos-
tume sous lequel les chants des poètes, d'ac-
cord avec l'histoire et la légende, nous
avaient habitués à le contempler. Nous inter-
rogions enfin les lois de l'art, les principes
du goût; était-ce donc eux qui commandaient
de violer la majestueuse sépulture de la gloire
impériale, qui exigeaient cette pénible sé-
paration.

Il fallait, a-t-on dit, puisque nous avions
copié la colonne Trajane, obéir jusqu'au bout
à l'imitation; c'est-à-dire qu'il fallait, tant
on a peur d'être original ou indépendant,
tant notre époque se complaît dans l'asser-
vissement de la routine, il fallait se hâter
d'effacer l'idée heureuse qui imprimait au
monument antique un caractère moderne;
il fallait enlever au pastiche les changements
qui dissimulaient la pauvreté de l'invention
et donnaient un caractère personnel et origi-

nal au trophée triomphal. Arrivait-on même
par cet aveu d'impuissance et de stérilité au
but qu'on se proposait? La figure du héros,
en sa robe d'apothéose, allait-elle grandir en
pompe et en majesté?

Nous voudrions voir l'architecte lui-même
du monument romain intervenir dans le
procès. Nous voudrions l'entendre exposer les
motifs qui expliquent et justifient le couron-
nement de la colonne antique en condamnant
la récente transformation de la statue impé-
riale; il nous dirait sans doute : a Qu'à ces lé-
gions de guerriers, à ces troupeaux d'escla-
ves s'enroulant autour du fût, il fallait uri
chef qui les dominât, qui apparût, seul, isolé,
à leur tête, planant au dessus d'eux. Il dirait
que la statue du héros, pour cette glorieuse
apothéose, devait prendre les insignes con-
sacrés du triomphateur romain. C'est pour-
quoi il lui donnait le costume solennel que
commandaient la tradition, la religion elle-
même; mais ces insignes, ce costume, c'est
la civilisation romaine, c'est la tradition de
de son pays qui les attribuaient, selon l'u-
sage constamment suivi, à tous les empereurs
passés, après leur mort, au rang des demi-
dieux. Nul autre qu'un romain, sans perdre
sa personnalité, sans abdiquer sa nationalité,
n'a le droit de les emprunter, a Si les dieux
» m'avaient fait naître en d'autres temps,
» ajouterait-il, chez d'autres peuples, j'aurais
» pris soin d'approprier l'appareil de mon
» héros à l'époque, à la civilisation au mi-
b lieu desquelles il aurait vécu. Un empereur
» Egyptien ou Grec aurait été aussi déplacé
» sous le manteau romain que notre César
» sous une chlamyde, sous une tiare étran-
» gère. »

N'y avait-il donc pas de costume que la
tradition attachât à la personne de Napoléon?
Ce vêtement si sobre et si simple ne conve-
nait-il pas mieux à l'image de bronze que ces
oripeaux surannés? ne semblait-il pas que
l'Empereur animé d'une nouvelle vie, d'une
vie immortelle cette fois, avait repris au mi-
lieu de nous sa place et son rang sous la fi-
gure que la popularité et la légende avaient
consacrée. Ces longues théories de soldats,
cette glorieuse spirale de héros qui, par un
gigantesque effort, semblaient s'élancer au
ciel pour y porter leur chef les dominant en-
core dans sa méditative et silencieuse attidu=-
de, peuvent-elles aujourd'hui obéir à un gé-
néral inconnu, à un César dont elles n'ont ja-
mais vu ni la démarche ni le costume. Non,
ces guerriers, ces vainqueurs ont perdu leur
vie et leur expression, ce demi-dieu, sans
vérité, semble maintenant les écraser de son
bloc massif et faire lourdement retomber à
terre leur aspiration sans but.

La colonne impériale, en perdant la statue
 
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