Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
N° 8.

30 Avril 1875.

Dix-septième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTERATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. SIRET, membre de l'Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Archéologie, etc.

0]N" S'ABOKnSnœ : à Anvers, chez TESSARO, éditeur; à Bruxelles, chez DECQ et
DUHENT et chez HUQUAKDT; à Gand, chez HOSTE et chez EOGGHÉ ; à Liège, chez DE SOEB
et chez DECQ : à Louvain, chez Ch. PEETEES ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l'Allemagne, la Russie et l'Amérique : C. MUQUAKDÏ. La France : DUSACQ et Cie, Paris. Pour
la Hollande : MAETINUS NÏHOI'F, à la Haye. - PRIX D'ABONS'KMffiNÏ :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-

terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
PBIX PAR NTJMÉKO : 50 c. — KB3CI*A.M1«S : 50 c. la ligne. — Pour les
grandes annonces on traite a forfait. —_^-3NTjNr02SrOIïïS : 40 c. la ligne. — Pour tout ee qu
regarde l'Administration ou les annonces s'adresser à l'Administration, rue du Progrès, 29, a
St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse, 22. — Il pourra dtre rendu compte
des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

SOMMAIRE : Belgique ; L'Enfant de Bruges. —
Vente Wappers. Allemagne : Correspondance
particulière. Cologne. Vente La Motte-Eouquet.
— Hollande : Amsterdam. Correspondance par-
ticulière. Vente Vander Aa. — Poésie : Deux
sonnets. — Palais de Cristal. — Chronique géné-
rale. — Périodiques illustrés. — Annonces.

mcpcpie.

L'ENFANT DE BRUGES.

Lorsque nous disions, dans notre dernier
numéro, que les moyens employés contre
l'authenticité de l'œuvre de Fritz « donne-
» raient à croire que, sous la question Van
» de Kerkhove, il en est une autre qui
» échappe à notre perspicacité » nous ne
nous doutions pas qu'un enfant terrible,
parmi nos adversaires, se chargeait, dans le
moment même, de nous éclairer. Quelques
esprits fins et habitués à lire entre les lignes,
nous avaient bien suggéré une explication à
ce sujet, mais, trop modestement, paraît-il,
nous n'avions pas cru pouvoir l'accepter.
Nous avions tort. Nous savons maintenant
à quoi nous en tenir. Fritz Van de Kerkhove
eût été sans doute, non-seulement accepté,
mais acclamé par une grande partie de nos
contradicteurs, s'il avait eu un parrain de
leur choix et de leurs amis... Mais périssent
plutôt toutes les illustrations nationales que
d'accorder à d'autres le bénéfice d'une sem-
blable révélation !

L'œuvre est si extraordinaire, si char-
mante que, pris à l'improviste, on admire,
on applaudit sans réserve. Tout à coup la
réflexion succède à l'enthousiasme, et la
scène change. Ne pouvant nier la beauté, on
semble douter de la provenance; ne pou-
vant aller à rencontre de ces milliers de
spectateurs d'élite, sortant ravis de leur
contemplation, on sème dans leur esprit le
soupçon et le trouble. Nous le disons avec
un profond sentiment de regret pour notre
pays; mais si pareille chose se fût produite
en Angleterre, en France ou en Allemagne,
on eût, non pas cherché à étouffer l'étoile
brillante qui avait lui dans le ciel national,
mais on l'eût exaltée au delà de sa valeur. Si
ce sentiment peut être blâmé dans son exa-
gération, il n'est au moins que l'excès d'une
noble qualité Mais que dire du sentiment
contrmre.'... La vérité : c'est qu'il est indi-
gne d un peuple jaloux de sa propre gloire
et que, si 1 honneur de l'art national pouvait
être menacé par une animosité privée que
rien même ne justifie , ce serait à déses-
pérer de la Belgique intellectuelle.

Mais heureusement il n'en est pas ainsi.
Les attestations produites in extenso par la
Fédération artistique et par le Journal des
Beaux-Arts, les contradictions étranges, les

obscurités, les routes tortueuses suivies par
les principaux témoins à charge, tout cela,
peu à peu, a dessillé les yeux et imposé si-
lence aux détracteurs. Ceux-ci se taisent
parce qu'ils se sentent condamnés par l'opi-
nion publique; ils se taisent parce qu'ils
comprennent qu'il y aurait de l'insanité à
retomber dans leurs premiers errements.
Tous leurs efforts n'ont abouti qu'à jeter
dans les esprits des doutes dissipés aujour-
d'hui par des témoins oculaires. En effet,
après plus de quarante déclarations catégo-
riques, après la lettre si claire, si concluante
de l'honorable consul Ritter, lettre qui seule
aurait suffi pour renverser l'échafaudage de
nos adversaires, il n'est plus possible, à
moins d'un aveuglement que nous aurions
peine à comprendre, de ne pas se rendre à
l'évidence. Un homme haut placé dans l'es-
time de ses compatriotes, connu par une
loyauté sans tache, une rare énergie, une
intelligence et des connaissances qui ne lais-
sent pas de place au soupçon, quel qu'il soit,
cet homme nous dit : J'ai vu, j'ai palpé,
j'ai admiré du vivant de l'enfant; «je l'ai vu
» s'escrimer sur ses morceaux de bois avec
» des crayons mal taillés, avec son petit coû-
» teau chargé de couleur qu'il appliquait sur
» ses panneaux de bois. Cette application qui
» paraissait être faite au hasard, produisait
» des effets prodigieux...»

Que peut-on vouloir de plus?... à moins
de ressusciter l'enfant... Qui sait?... Sans
le revoir lui-même, qui sait si son ombre ne
plane pas au-dessus des siens et ne se pré-
pare pas une noble vengeance... Nous avons
des raisons pour nous exprimer ainsi, on le
verra plus loin.

Il ne suffisait pas aux détracteurs d'étouf-
fer la gloire d'un enfant de leur sol, il fallait
essayer de compromettre l'avenir de son
œuvre; il fallait s'efforcer d'empêcher l'é-
tranger de la recevoir comme elle le mérite,
il fallait enfin essayer de lui fermer les
portes du Panthéon national. C'est dans ce
multiple but, sans doute, que nous trouvons
dans la Pall Mail Gazette du 24 avril et
extrait de YAcademy, l'article suivant que
nous traduisons :

L'Àcadémy s'exprime ainsi : — >< L'histoire
» du merveilleux peintre-enfant, Frédéric
»Van de Kerkhove, qui a été le bruit de
» Bruxelles depuis quelques mois, a eu pour
>' dénouement une complète déception. On
» a fait une enquête sur toute l'affaire et l'on
» a trouvé que les peintures exposées au
» Cercle artistique à Bruxelles sont réelle-
» ment l'œuvre du père, un artiste d'un
» mérite médiocre, et non pas du pauvre
» enfant qui ne semble avoir manifesté aucun
» talent artistique durant sa courte exis-
» tence. M. Van de Kerkhove, père, a même
» été jusqu'à offrir au gouvernement un cer-

» tain nombre des peintures attribuées à sou
» fils. Un contrat de donation était préparé
» lorsque l'enquête susmentionnée a fait
» connaître l'état des choses. En raison de
» ces circonstances, le ministre de L'Inté-
» rieur a prié M. Van de Kerkhove d'avoir
» la bonté de retirer sa donation. Les pein-
» tures en question sont maintenant exposées
» à Gand où elles produisent la même sen-
» sation qu'elles ont produite à Anvers et à
» Bruxelles.Au journal français Y-Art, appar-
» tient principalement le mérite d'avoir fait
» la lumière dans cette mystification cu-
» rieuse. L'éditeur du Journal des Beaux-Arts
» de Bruxelles continue de soutenir que
» toute l'histoire est vraie, et a entrepris
» une longue correspondance à ce sujet. »

Il est facile de reconnaître que c'est princi-
palement dans Y Art français que YAcademy a
puisé ses renseignements. Nous recomman-
dons ce véridique récit à nos lecteurs et
aussi à la haute société anglaise qui a tant
admiré l'œuvre de Fritz et dont plusieurs
membres sont si bien à même, au nom de la
justice et de la vérité qu'ils connaissent, de
redresser les fausses informations fournies
à leurs compatriotes. Quant à l'erreur déjà
reprise ailleurs, comme on voit, et préten-
dant que l'Etat avait imposé au père de Fritz
le retrait de son offre généreuse au Gouver-
nement (1), elle atteignait un but du même
genre. Heureusement,comme certains brouil-
lards méphitiques qui n'infectent que les
parties basses de l'atmosphère, il est des
aberrations morales qui ne parviennent pas
même dans les régions élevées, ou, si elles
y sont connues, elles n'y inspirent que l'in-
différence et le dédain. L'Etat s'estimait et
s'estime encore heureux de sauver une aussi
charmante et si extraordinaire collection
de l'oubli en lui ouvrant les portes de son
musée. La nation en sera reconnaissante à
qui de droit.

Nous disions figurément plus haut que
l'ombre de Fritz préparait peut-être sa ven-
geance, vengeance bien digne de ce doux
enfant que repousse avec une animosité sans
pareille une partie de ses compatriotes.
Nous voulions, avant de nous expliquer,
attendre encore pour pouvoir mieux nous
rendre compte du spectacle auquel nous
avons assisté et pour le voir se conso-
lider, s'affirmer mieux. Nous voulions éviter
le reproche d'avoir parlé trop lot, de ne pas
avoir suffisamment laissé s'épanouir la jeune
fleur dont nous allons nous occuper. Nous
sommes débordé par les événements, et,
quoique nous trouvions,dans de semblables
circonstances, que l'on ne saurait être assez

(1) L'auteur rte cette erreur a rétracté son dire
dans le No ]7 de l'Art.
 
Annotationen