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tout disposé d'une façon ingénieuse et in-
structive. Suivons, comme il nous l'indique,
le chemin de la vie de Wappers.

C'est d'abord une réduction de la grande
toile du gouvernement : Les journées de
septembre ; épisode de la Grand'place. Wap-
pers y tenait énormément et il avait raison,
c'est le spécimen le plus curieux de ses ap-
titudes artistiques. C'est composé avec une
fougue presque révolutionnaire. C'est peint
adroitement, et pourtant c'est jeté du coup.
Une harmonie instinctive règne dans la
couleur comme dans le dessin. Les expres-
sions sont justes, les épisodes naturels, et,
de ci, de là, il y a des jets de lumière d'une
finesse exquise ; on reconnaît le peintre du
Bourgmestre Van derWerff, on le reconnaîtra
du reste partout, car peu d'artistes sont res-
tés aussi fidèles à leur origine que Gustave
Wappers. On retrouve, dans la galerie Ter
Bruggen,trois autres compositions du même
genre qui ont servi de tâtonnements peut-
être et d'études, mais aucun d'elles n'a le
mérite et l'achevé de celle dont nous ve-
nons de nous occuper.

Parmi les tableaux les plus achevés et en
tête peut-être des meilleures productions du
maître, nous trouvons ici l'Épisode du sac
d'Anvers. Le sujet se borne à un cadavre de
jeune femme étendu à terre au pied de l'es-
calier extérieur d'une maison opulente. Sur
la balustrade est posée une draperie d'un
rouge sombre, aux derniers plans on devine
le massacre. Tout le tableau est baigné dans
une ombre savante de laquelle se détache le
charmant corps de la femme qui vient d'être
immolée et sur lequel se projette le foyer
de lumière de toute l'œuvre. C'est une ad-
mirable production qui offre ceci de parti-
culier, que le tableau est dû aux deux plus
grandes figures, disparues aujourd'hui, de
l'art belge : Wappers et Leys ; l'association de
ces deux artistes a produit ici un ensemble
qui sera considéré, à juste titre, comme une
des plus belles émanations de l'école anver-
soise.

Non loin de ce tableau, nous remarquons
une admirable étude ; c'est, dit une inscrip-
tion, le portrait d'Haviz, né à Bombay. Por-
trait puissant et magistral qui, avec le Jean
Bart que nous verrons plus loin, montre à
quel degré de force pouvait arriver, comme
exécution,lepinceau du maître de notre école.

En passant, notons une originale et saisis-
sante Allégorie du chemin de fer, Marie de
Bourgogne implorant la grâce d'Hugonet et
Himbercourt, d'un coloris brillant et ambré;
Van Speyck faisant sauter sa cannonière; La
bataille de Bansbeek; Jane Shore (trois pro-
jets différents) ; André Chénier à la Concier-
gerie; l'Assomption ; Sainte Elisabeth de Hon-
grie; Geneviève de Brabant; Boccace et la
reine de Naples; Les frères De Wit ; Jacqueline
de Bavière ; Les enfants d'Edouard ; Episodes
du siège de Bhodes ; Charlemagne sur le

champ de bataille; Callot; Jacques d'Arte-
velde ; Le Camoëns ; Dante et Béatrix ; Le
Giaour; toutes esquisses ou études, tous
projets élaborés, caressés, pris, abandonnés,
puis repris par le maître et qu'il a pieuse-
ment conservés jusqu'à sa dernière heure.

Voici une jolie Jane Shore terminée, ré-
duction de celle qui appartient à la collection
Nottebohm, d'un ton fin et doré, et où l'on
remarque le beau groupe de droite composé
d'une demi douzaine de types réussis; voici
encore une réduction remarquable du Pierre
le-Grand de la galerie de la reine de Hol-
lande ; puis un très beau Christophe Colomb,
réduction de celui de M Verbruggen de
Rotterdam, puis une noble et brillante es-
quisse représentant, sur une assez grande
échelle, l'entrée de Christophe Colomb au
Mexique puis... mais arrêtons-nous devant
une merveille. Cette merveille c'est Jean
Bart mourant racontant sa vie à son fils et
maudissant les Anglais. Ce n'est pas forte-
ment coloré, mais c'est d'une énergie su-
blime. Jean Bart est vu jusqu'aux genoux, de
face ; il se meurt, mais une convulsion de
rage saisit une dernière fois ce corps que la
vie va abandonner, et il lève, dans un admi-
rable raccourci, son bras au poing serré et
menaçant qui va chercher l'ennemi en même
temps que la malédiction qui sort des lèvres
bleuies et crispées du mourant. Il n'y a pas
à dire, c'est peut-être, dans son genre, une
des plus belles pages de notre art national,
et, parmi les choses qui iront à la postérité,
celle-là sera une des premières. La ville
d'Anvers se fera sans doute un honneur de
ne point laisser échapper ce joyau ; il lui
revient, et le rouge nous monte au front
rien qu'à songer que l'étranger pourrait nous
ravir ce magnifique morceau. Nous le disons
hautement et patriotiquement, les enchères
devraient faire ici silence, un accord devrait
s'établir entre la famille et la commune
d'Anvers, et, dut-on recourir à une souscrip-
tion publique, pas un seul Anversois n'hési-
terait à contribuer à doter sa ville natale de
ce chef-d'œuvre signé de l'anversois Wappers.

Voici la toile la plus grande, c'est l'Hiver-
nage de Heemskerk à la nouvelle-Zemble où
l'on remarque des parties savamment traitées
mais une vicieuse distribution de lumière ;
un Charles IX un peu mou ; La fille de Tho-
mas Morus écoutant à la porte de la prison de
son père (n° 69) où le groupe de deux soldats
à gauche s'impose à l'admiration par une
facture et une coloration clignes des plus
grands maîtres connus; Une mère jouant avec
son enfant, d'une grâce infinie ; Un juif polo-
nais, d'un coloris brillant mais trop précis ;
une Vengeance, très-beau buste de femme où
l'amour semble respirer beaucoup plus que
la vengeance, tableau excessivement riche
d'aspect et d'une adorable élégance; les
Frères De Wit où Wappers a peint deux têtes
qui sont de véritables poèmes ; les Adieux

d'Anna Bolena, œuvre pleine de grâce et
d'une exécution fine; les Mères du jugement
de Salomon; Callot au milieu des Bohémiens ;
Abandonnée (n° 117) ; Marie-Antoinette con-
duite au supplice, œuvre inachevée, très-tou-
chante, très-mouvementée, et une quantité
d'autres que nous nous voyons forcé dé-
passer sous silence, n'ayant plus guères
d'espace pour ce qui nous reste à dire.

Dans cette collection si imposante par les
souvenirs qu'elle réveille et d'un intérêt ar-
tistique si vivement surexcité, Ter Bruggen
a groupé, dans un ensemble très-heureux,
une vingtaine de têtes d'études de jeunes
filles, plus fraîches et plus jolies les unes
que les autres ; généralement elles sont
blondes et ont de grands yeux chastes et
purs regardant presque toujours au-delà de
cette terre dans le monde des rêves doux et
langoureux. Rien de suave comme ces créa-
tions toutes pétries de roses, de lys et d'azur
et dont pas une seule ne porte l'empreinte
de ces maladies morales dont l'art moderne
a trouvé le fatal secret d'enlaidir les modèles
qu'il étale à nos exhibitions. C'est là un des
grands mérites de Gustave Wappers d'avoir
su respecter le public et lui-même en ne
peignant jamais que la femme sortant des
mains de Dieu et non celle qui sort des
mains des hommes. L'histoire lui en sera
reconnaissante.

Parmi les dessins, tout le monde sera
frappé à l'aspect de quatre grands fusains
soigneusement encadrés, lesquels ne sont
pas ce que l'artiste a fait de moins bien. Ils
sont d'égale grandeur mais n'ont entre eux que
la similitude de la forme. Il faut s'y arrêter
quelques instants, car c'est la première fois
que Wappers se manifeste à nous sous cet
aspect.

Quoique les sujets n'aient entre eux au-
cune analogie, ils sont tous compris à peu
près de même, c'est-à-dire que ces fusains
sont de véritables chefs-d'œuvre de com-
position, sans compter que l'exécution en
est d'une fierté et d'une assurance rubé-
niennes.

C'est d'abord Jacqueline de Bavière obte-
nant la grâce de son époux. Le sujet est traité
en hauteur comme les trois autres fusains.
La composition est supérieurement entendue
pour les besoins de l'effet et mouvementée,
s'étendant de bas en haut, et plaçant le cen-
tre du sujet dans la partie élevée, le bas
étant meublé de groupes disposés avec un
art parfait.Cette disposition ne fait exception
que pour le Murillo recevant une médaille
d'or.

Jeanne de Constantinople refusant de recon-
naître son père. Grande composition histo-
rique comprenant un développement assez
vaste. Le geste de Jeanne marque un dédain
et un mépris superbes pour cet imposteur
qui veut reprendre.sur le trône de la Flandre
et dans le cœur de Jeanne, une place désor-
 
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