Giovanni Vantini
A propos de deux Rois de ‘Aiwa
mentionnés par Ibn Hawqal
L’écrivain, arabe Ibn Hawqal mentionne deux rois de ‘Aiwa qui, à l’état présent de nos
connaissances, ne nous sont connus par aucune autre source. Il s’agit du roi Eusèbe Kardjuh, fils
de Djuti, et du roi Astabanus, fils du roi Yurki de Nubie. Le passage où ces deux rois sont
mentionnés se trouve dans le livre “La Configuration de la Terre” (Kitäb Surat al-Ard). “Lorsque
je me trouvais dans cette région (à savoir ‘Aiwa), le roi se nommait Eusèbe Kardjuh, fils de Djuti,
et occupait le trône depuis dix-sept ans. Après son décès, il fut remplacé par son neveu Astabanus,
fils de Yurki, qui y règne encore aujourd’hui. C’est une coutume parmi les Noirs à la mort d’un
roi que le fils de sa soeur prenne sa succession, à l’exclusion de tout autre parent, comme le propre
fils ou un autre membre de la famille” (La Configuration de la Terre, trad, par Kramers, Wiet,
Paris — Beyrouth 1965, p. 51).
On ne peut pas raisonnablement douter qu’Ibn Hawqal ait visité le Sudan, au moins quelques
régions comme le territoire des Béja et le royaume de ‘Aiwa, et qu’il ait puisé ses informations
directement. En effet, outre l’affirmation rapportée cidessus, il est clair que la description qu’il
nous a laissé du paysage Béja, des noms des tribus, de leurs coutumes etc. ne pouvait être faite que
par un témoin oculaire. Il est important pour le Nubiologue de savoir en quelle année Ibn Hawqal
a été au Sudan. Il ne nous le dit pas, mais on peut l’établir avec une certaine approximation. Ibn
Hawqal quitta Baghdad en 943 de notre ère, pour un voyage qui dura environ trente ans. Il est
utile de savoir qu’il voyageait en marchand et missionnaire shiite. Il ne prêchait pas, mais sa
sympathie était pour la secte ismailite que la dynastie Fatimide du Maroc promettait de conduire
à la conquête du monde. Cela explique — peut-être — quelques passages de son livre où, touchant
aux “barbares” qu’il méprise en bloc, il fait pourtant quelques exceptions pour les Nuba, les
Habacha, et d’autres peuplades de l’Afrique du Nord.
De son itinéraire la partie qui nous intéresse est celle qui ouvre l’échiquier des pays à l’ouest de
Suez jusqu’à l’Espagne. Parti de Baghdad en 943, il se trouvait en 944 dans le pays des Rabi’a
(dâr Rabi’ah), c’est-à-dire dans les environs de Suez soit à l’est soit à l’ouest. De là il se rendit
en Afrique du Nord en 947. En 948 il fut en Espagne, puis il revint au Maroc et pénétra en Afrique
jusqu’à Sidjilmassa — la capitale spirituelle d’où sortit la dynastie fatimide — ensuite au Ghana
en 953. De là il se rendit au Maghreb, — qui peut être non seulement le Maroc mais aussi la Libye,
et en Egypte en 955. Après l’Egypte nous le trouvons dans la Basse Mésopotamie pour continuer
son voyage à travers l’Asie. Deux fois, donc, il fut dans des pays voisinants à la Nubie, la première
fois environ l’an 944 quand il visita les Rabi’a, et la seconde fois environ l’an 955 quand il fut
en Egypte. On peut légitimement en conclure que dans l’une ou l’autre de ces occasions il passa par
les territoires sudanais qu’il décrit.
Quoique l’ouvrage d’Ibn Hawqal soit principalement de Géographie descriptive, il contient des
considérations — ou “flash-back” — sur l’histoire des régions et des peuples dont il parle. Ayant
ainsi rémarqué que les flashbacks historiques sur les Béjas régulièrement précèdent les
informations sur la Nubie, j’ai eu l’impression — et je me permets de l’écrire — qu’Ibn Hawqal
soit entré au Sudan par la voie de Suez — Aidhab à travers le territoire Béja de la Haute Egypte,
ensuite qu’il ait poursuivi son voyage en territoire Béja suivant un itinéraire qui ne s’écartérait pas
beaucoup de la direction Aidhab-Suakin-Kassala et ensuite de Kassala à Khartoum, c’est-à-dire
vers Soba. Dans cette hypothèse il aurait été à Soba environ l’an 944 ou 945.
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A propos de deux Rois de ‘Aiwa
mentionnés par Ibn Hawqal
L’écrivain, arabe Ibn Hawqal mentionne deux rois de ‘Aiwa qui, à l’état présent de nos
connaissances, ne nous sont connus par aucune autre source. Il s’agit du roi Eusèbe Kardjuh, fils
de Djuti, et du roi Astabanus, fils du roi Yurki de Nubie. Le passage où ces deux rois sont
mentionnés se trouve dans le livre “La Configuration de la Terre” (Kitäb Surat al-Ard). “Lorsque
je me trouvais dans cette région (à savoir ‘Aiwa), le roi se nommait Eusèbe Kardjuh, fils de Djuti,
et occupait le trône depuis dix-sept ans. Après son décès, il fut remplacé par son neveu Astabanus,
fils de Yurki, qui y règne encore aujourd’hui. C’est une coutume parmi les Noirs à la mort d’un
roi que le fils de sa soeur prenne sa succession, à l’exclusion de tout autre parent, comme le propre
fils ou un autre membre de la famille” (La Configuration de la Terre, trad, par Kramers, Wiet,
Paris — Beyrouth 1965, p. 51).
On ne peut pas raisonnablement douter qu’Ibn Hawqal ait visité le Sudan, au moins quelques
régions comme le territoire des Béja et le royaume de ‘Aiwa, et qu’il ait puisé ses informations
directement. En effet, outre l’affirmation rapportée cidessus, il est clair que la description qu’il
nous a laissé du paysage Béja, des noms des tribus, de leurs coutumes etc. ne pouvait être faite que
par un témoin oculaire. Il est important pour le Nubiologue de savoir en quelle année Ibn Hawqal
a été au Sudan. Il ne nous le dit pas, mais on peut l’établir avec une certaine approximation. Ibn
Hawqal quitta Baghdad en 943 de notre ère, pour un voyage qui dura environ trente ans. Il est
utile de savoir qu’il voyageait en marchand et missionnaire shiite. Il ne prêchait pas, mais sa
sympathie était pour la secte ismailite que la dynastie Fatimide du Maroc promettait de conduire
à la conquête du monde. Cela explique — peut-être — quelques passages de son livre où, touchant
aux “barbares” qu’il méprise en bloc, il fait pourtant quelques exceptions pour les Nuba, les
Habacha, et d’autres peuplades de l’Afrique du Nord.
De son itinéraire la partie qui nous intéresse est celle qui ouvre l’échiquier des pays à l’ouest de
Suez jusqu’à l’Espagne. Parti de Baghdad en 943, il se trouvait en 944 dans le pays des Rabi’a
(dâr Rabi’ah), c’est-à-dire dans les environs de Suez soit à l’est soit à l’ouest. De là il se rendit
en Afrique du Nord en 947. En 948 il fut en Espagne, puis il revint au Maroc et pénétra en Afrique
jusqu’à Sidjilmassa — la capitale spirituelle d’où sortit la dynastie fatimide — ensuite au Ghana
en 953. De là il se rendit au Maghreb, — qui peut être non seulement le Maroc mais aussi la Libye,
et en Egypte en 955. Après l’Egypte nous le trouvons dans la Basse Mésopotamie pour continuer
son voyage à travers l’Asie. Deux fois, donc, il fut dans des pays voisinants à la Nubie, la première
fois environ l’an 944 quand il visita les Rabi’a, et la seconde fois environ l’an 955 quand il fut
en Egypte. On peut légitimement en conclure que dans l’une ou l’autre de ces occasions il passa par
les territoires sudanais qu’il décrit.
Quoique l’ouvrage d’Ibn Hawqal soit principalement de Géographie descriptive, il contient des
considérations — ou “flash-back” — sur l’histoire des régions et des peuples dont il parle. Ayant
ainsi rémarqué que les flashbacks historiques sur les Béjas régulièrement précèdent les
informations sur la Nubie, j’ai eu l’impression — et je me permets de l’écrire — qu’Ibn Hawqal
soit entré au Sudan par la voie de Suez — Aidhab à travers le territoire Béja de la Haute Egypte,
ensuite qu’il ait poursuivi son voyage en territoire Béja suivant un itinéraire qui ne s’écartérait pas
beaucoup de la direction Aidhab-Suakin-Kassala et ensuite de Kassala à Khartoum, c’est-à-dire
vers Soba. Dans cette hypothèse il aurait été à Soba environ l’an 944 ou 945.
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