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• LES MADONES FLORENTINES.

de topaze, en mystérieux

et

ETUDE POUR UNE MADONE
(Université d’Oxford.)

95
N’ayant à compter ni avec les scrupules de ses protecteurs ombriens, ni avec
les exigences de la cour pontificale, Raphaël donne carrière à ses aspirations.
Jamais la création ne lui avait paru plus belle, jamais aussi il n’avait joui, pour
la célébrer, d’une indépendance plus entière. On n’est pas sûr de retrouver deux
fois dans l’existence des conditions extérieures si favorables, ni une telle liberté
d’esprit. Aussi le maître, pendant cette période, hélas! trop courte, a-t-il rompu
avec toute tradition théologique, s’est-il affranchi de toute crainte. On pourrait
presque dire que la théorie de l’art pour l’art est la seule qu’il reconnaisse. Les
mystérieuses terreurs, comme la splendeur éclatante du
moyen âge, sont également loin de son esprit. (Que
telle fut bien l’impression produite sur Raphaël par le
moyen âge, c’est ce que prouve une phrase de son rap-
port à Léon X sur la restitution de Rome : comparant
l’architecture des anciens à celle de la période
suivante, l’artiste dit que l’une est aussi diffé-
rente de l’autre que la liberté l’est de la servi-
tude.) Qu’a-t-il besoin de riches étoffes, de chœurs
d’anges, de somptueux encadrements architectu-
raux ou d’éblouissants fonds d’or! La na-
ture, la nature vivante, ne lui offre-t-elle pas
assez de ressources, plus propres à toucher,
à ravir ? Il éprouve le besoin de respirer en
plein air, de nous transporter au milieu de
frais paysages; le temple qu’il choisit a pour
voûte la vaste coupole du ciel; le gazon
émaillé de fleurs tient lieu de tapis orien-
taux. Que nous sommes loin de ces cathé-
drales gothiques, où, pour nous servir de
l’éloquente expression de Taine, « le jour
n’arrive que transformé par les vitraux en
pourpre sanglante, en splendeurs d’améthyste
flamboiements de pierreries, en illuminations étranges qui semblent des per-
cées sur le paradis! » Raphaël, en vrai artiste moderne, étend devant nos
regards des collines couvertes d’arbres fruitiers, des lacs aux eaux calmes et
limpides, de riants villages; bref, le spectacle du bonheur le plus complet,
le spectacle de ce printemps éternel, de ce ver atérnum, chanté par le poète
antique. Célébrer les beautés de la nature, proclamer la grandeur delà création,
glorifier les sentiments les plus nobles, l’amour maternel et l’amour filial,
n’est-ce pas aussi, somme toute, faire de l’art religieux ?
Ce fut, à dire vrai, la fin de la forte et sévère discipline, élaborée par tant
de générations d’artistes et de théologiens, et formulée d’un côté, à l’usage des
Grecs, dans le Traité de la peinture du mont Athos, de l’autre, à l’usage des
 
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