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CHAPITRE XII.
éloigner Michel-Ange et à lui confier, à Florence, des travaux peu propres à le
séduire, l’achèvement de la façade de Saint-Laurent, paroisse des Médicis.
A ces savants si vénérables, à ces artistes si brillants, à ces prélats tour à tour
distingués par la gravité de leur caractère, leurs capacités diplomatiques ou leur
magnificence, se mêlaient quelques personnages grotesques, qui avaient le pri-
vilège de faire rire le pape et son entourage. Quelques-uns d’entre eux occu-
paient des charges considérables. Lorsque Bramante mourut, la place si enviée
de « piombatore » (membre de la confrérie chargée de sceller les bulles) fut
donnée à un certain Mariano Fetti, que les contemporains s’accordent à repré-
senter comme une sorte de bouffon, et dont le pape fit peindre le portrait ou
plutôt la caricature sur le rideau du théâtre sur lequel on joua les « Suppositi ».
Mariano valait mieux cependant que sa réputation. Ce fut lui qui hébergea Frà
Bartolommeo lors de son passage à Rome et reçut de lui, en échange, un Saint
Pierre, et un Saint Paul. Mariano commanda aussi à Balthazar Peruzzi, pour
son jardin de Monte Cavallo, un Saint Bernard en camaïeu.
Il ne manquait à cette société brillante que l’élément féminin, auquel les
cours de Ferrare, de Mantoue, d’Urbin, devaient tout leur prestige. A un cer-
tain moment, 011 put espérer que le mariage de Julien de Médicis comblerait
cette lacune. Bibbiena se réjouissait d’avance de voir enfin une dame présider
aux fêtes de la cour. « Il me semble, écrit-il à Julien, que mille années encore
nous séparent de l’arrivée de votre noble épouse et de Votre Excellence; la cour
l’attend avec une impatience difficile à dépeindre.... Toute la ville dit : Grâce à
Dieu, nous allons enfin posséder ce qui nous manquait, une cour de dames :
cette dame si noble, si bien douée, si belle et si bonne, imprimera ainsi à la
cour romaine le sceau de la perfection. » Mais Julien, comme 011 sait, ne sur-
vécut guère à son mariage, et ces riantes espérances ne se réalisèrent pas.
ÉTUDE POUR UNE FIGURE DE COMBATTANT (FRAGMENT)
(Musée Wicar, à Lille.)
CHAPITRE XII.
éloigner Michel-Ange et à lui confier, à Florence, des travaux peu propres à le
séduire, l’achèvement de la façade de Saint-Laurent, paroisse des Médicis.
A ces savants si vénérables, à ces artistes si brillants, à ces prélats tour à tour
distingués par la gravité de leur caractère, leurs capacités diplomatiques ou leur
magnificence, se mêlaient quelques personnages grotesques, qui avaient le pri-
vilège de faire rire le pape et son entourage. Quelques-uns d’entre eux occu-
paient des charges considérables. Lorsque Bramante mourut, la place si enviée
de « piombatore » (membre de la confrérie chargée de sceller les bulles) fut
donnée à un certain Mariano Fetti, que les contemporains s’accordent à repré-
senter comme une sorte de bouffon, et dont le pape fit peindre le portrait ou
plutôt la caricature sur le rideau du théâtre sur lequel on joua les « Suppositi ».
Mariano valait mieux cependant que sa réputation. Ce fut lui qui hébergea Frà
Bartolommeo lors de son passage à Rome et reçut de lui, en échange, un Saint
Pierre, et un Saint Paul. Mariano commanda aussi à Balthazar Peruzzi, pour
son jardin de Monte Cavallo, un Saint Bernard en camaïeu.
Il ne manquait à cette société brillante que l’élément féminin, auquel les
cours de Ferrare, de Mantoue, d’Urbin, devaient tout leur prestige. A un cer-
tain moment, 011 put espérer que le mariage de Julien de Médicis comblerait
cette lacune. Bibbiena se réjouissait d’avance de voir enfin une dame présider
aux fêtes de la cour. « Il me semble, écrit-il à Julien, que mille années encore
nous séparent de l’arrivée de votre noble épouse et de Votre Excellence; la cour
l’attend avec une impatience difficile à dépeindre.... Toute la ville dit : Grâce à
Dieu, nous allons enfin posséder ce qui nous manquait, une cour de dames :
cette dame si noble, si bien douée, si belle et si bonne, imprimera ainsi à la
cour romaine le sceau de la perfection. » Mais Julien, comme 011 sait, ne sur-
vécut guère à son mariage, et ces riantes espérances ne se réalisèrent pas.
ÉTUDE POUR UNE FIGURE DE COMBATTANT (FRAGMENT)
(Musée Wicar, à Lille.)