424 REVUE ARCHEOLOGIQUE.
Mais il est evident qu’ä chaque eruption, ä chaque poussee nou-
velle des forces souterraines, non-seulement de nouvelles couches de
lave venaient se superposer aux couches anterieurement vomies par
le cratere, mais la masse meine du cöne se soulevait ä une plus
grande hanteur au-dessus des flots. Un jour vint oü le relevement
des couches atteignit son maximum d’exces, oü le progres du soule-
vement laissa sous la partie centrale du cöne des cavites qui n’etaient
plus en rapport avec la masse qu’elles avaient ä supporter. Alors un
mouvement inevitable de bascule et de dechirement se produisit. Le
sommet du cöne s’effondra dans une catastrophe subite, entrainant
avec lui dans l’abime tout le centre de Pile, et ne laissant plus, au-
tour d’un gouffre de deux mille pieds de profondeur, que des rebords
ebreches, tels qu’on les voit encore aujourd’hui. Du cötede Porient,
et sur les deux tiers presque de la circonference, s’etend l’ile princi-
pale appelee Thera dans l’antiquite et Santorin aujourd’hui, qui
forme un grand croissant; au N.-O. est Pile de Therasia; au S.-O.
et entre les deux, Pilot d’Aspronisi. En meine temps que le centre
du cöne primitif s’effondrah, la mer se precipita dans Pabime que
laissait cet ecroulement et qu’elle remplit desormais.
Ce n’est point lä une conjecture temeraire sur les revolutions pri-
mitives de Pile; les traces de la catastrophe sont aussi fraiches et
aussi visibles sur les flancs du cratere qu’on aurait pu les voir au
lendemain du jour oü eile se produisit. Que du centre du bassin de
la rade de Santorin on regarde avec attention cette dechirure circu-
laire, ces falaises de Thera, de Therasia et d’Aspronisi, dont l’escar-
pement perpendiculaire semble une coupe faite ä plaisir pour l’in-
struction des göologues, et Pon reconnaitra des deux cötes, dans les
flancs dechirös de ces lies, une entiere symetrie de couches horizon-
tales de diverses couleurs, rouges, grises, verdätres, noire, jau-
v nälres et blanches, oü la lave et les rapilli se superposent en aiter-
nant, et qui se correspondent aux niemes hauteurs dans un ordre
semblable. On ne peut douter, en voyant ainsi ä nu ces stratifications
regulieres, qu’elles n’aient forme une seule ile dans Porigine.
Dans le rapport que j’adressai ä Sa Majeste l’Empereur au retour
de la mission remplie par ses ordres ä Santorin durant le printemps
de cette annee, rapport que j’ai eu l’honneur de lire en communi-
cation ä l’Academie des inscriptions et belles-lettres et qui vient de
paraitre dans ses Comptes rendus, je croyaispouvoir conclure de mes
observations que c’etait seulement apres l’effondrement du centre de
Pancien cöne que l’homme etait venu en habiter les debris. Bory de
Saint-Vincent et M. Ch. Benoit, aujourd’hui doyen de la Faculte des
Mais il est evident qu’ä chaque eruption, ä chaque poussee nou-
velle des forces souterraines, non-seulement de nouvelles couches de
lave venaient se superposer aux couches anterieurement vomies par
le cratere, mais la masse meine du cöne se soulevait ä une plus
grande hanteur au-dessus des flots. Un jour vint oü le relevement
des couches atteignit son maximum d’exces, oü le progres du soule-
vement laissa sous la partie centrale du cöne des cavites qui n’etaient
plus en rapport avec la masse qu’elles avaient ä supporter. Alors un
mouvement inevitable de bascule et de dechirement se produisit. Le
sommet du cöne s’effondra dans une catastrophe subite, entrainant
avec lui dans l’abime tout le centre de Pile, et ne laissant plus, au-
tour d’un gouffre de deux mille pieds de profondeur, que des rebords
ebreches, tels qu’on les voit encore aujourd’hui. Du cötede Porient,
et sur les deux tiers presque de la circonference, s’etend l’ile princi-
pale appelee Thera dans l’antiquite et Santorin aujourd’hui, qui
forme un grand croissant; au N.-O. est Pile de Therasia; au S.-O.
et entre les deux, Pilot d’Aspronisi. En meine temps que le centre
du cöne primitif s’effondrah, la mer se precipita dans Pabime que
laissait cet ecroulement et qu’elle remplit desormais.
Ce n’est point lä une conjecture temeraire sur les revolutions pri-
mitives de Pile; les traces de la catastrophe sont aussi fraiches et
aussi visibles sur les flancs du cratere qu’on aurait pu les voir au
lendemain du jour oü eile se produisit. Que du centre du bassin de
la rade de Santorin on regarde avec attention cette dechirure circu-
laire, ces falaises de Thera, de Therasia et d’Aspronisi, dont l’escar-
pement perpendiculaire semble une coupe faite ä plaisir pour l’in-
struction des göologues, et Pon reconnaitra des deux cötes, dans les
flancs dechirös de ces lies, une entiere symetrie de couches horizon-
tales de diverses couleurs, rouges, grises, verdätres, noire, jau-
v nälres et blanches, oü la lave et les rapilli se superposent en aiter-
nant, et qui se correspondent aux niemes hauteurs dans un ordre
semblable. On ne peut douter, en voyant ainsi ä nu ces stratifications
regulieres, qu’elles n’aient forme une seule ile dans Porigine.
Dans le rapport que j’adressai ä Sa Majeste l’Empereur au retour
de la mission remplie par ses ordres ä Santorin durant le printemps
de cette annee, rapport que j’ai eu l’honneur de lire en communi-
cation ä l’Academie des inscriptions et belles-lettres et qui vient de
paraitre dans ses Comptes rendus, je croyaispouvoir conclure de mes
observations que c’etait seulement apres l’effondrement du centre de
Pancien cöne que l’homme etait venu en habiter les debris. Bory de
Saint-Vincent et M. Ch. Benoit, aujourd’hui doyen de la Faculte des