122
LA CONDITION DES FÉAUX
Ce caractère de l'autorité paternelle dans la famille égyptienne ne saurait nous
étonner : nous connaissons le même pouvoir absolu du père à l'origine des autres
sociétés. Notons que la philologie confirme ce que l'interprétation des textes nous
apprend. Le mot père, dont la forme la plus usuelle est ( àtef, semble venir d'une
racine o t, vocalisée en à préfixe àt h<^, ou développée avec le pronom f suffixe :
P, ^ , ( ^ . Le mot prince, souverain, présente une partie des
mêmes développements : <=» fj| t, [ "| àt, ( *| l àti\ Il y a lieu de croire que ces deux
mots sont les doublets d'une racine commune. Lorsqu'un fils se disait « l'attaché de son
père », un Égyptien pouvait donc comprendre aussi « l'attaché de son souverain ».
III
Avec la dépendance du fils vis-à-vis du père clans la famille, le mot Àmakhou
exprime la dépendance de l'homme vis-à-vis de son seigneur, dans la société. Cela res-
sort des passages déjà cités du Papyrus Prisse2 où les rapports réciproques du fils et du
père sont définis comme ceux du vassal et du seigneur. De même que Ton dit du fils :
« c'est un vassal engendré par le père3, » de même on dit clu bon vassal : « c'est un fils. »
Un autre précepte de Phtah-Hotpou ne laisse subsister aucun doute à ce sujet : ( ®
es
I I I
1
0
□
« Quand tu fais des plans avec les grands, sois d'accord en tout avec ton sei-
gneur, fais qu'il dise : Celui-ci, c'est mon fils! »
La féauté vis-à-vis du père était même considérée comme une période d'éducation
et de préparation à la féauté vis-à-vis d'un seigneur. La société égyptienne étant, pour
employer des termes connus de nous, une société féodale, tout homme devait se choisir
un seigneur, sous peine d'être un de ces misérables « hommes sans maître3 » privés de
toute protection, en butte aux caprices des puissants. Ce seigneur, quel était-il? Dans la.
famille royale ou dans les grandes familles princières, l'enfant pouvait confondre en la
personne de son père la féauté vis-à-vis du chef de famille et la féauté vis-à-vis du sei-
gneur; le roi ou le prince était à la fois son père et son suzerain. Mais le plus souvent le
père était incapable de protéger suffisamment ses enfants, et devait les recommander à
un seigneur. Aussi l'éducation donnée par le père consistait-elle surtout à préparer
l'enfant à bien s'acquitter de ses devoirs vis-à-vis de son futur suzerain6.
1. Pour les formules les moins usuelles :
Père : <=± dans les formules ( 5? li^ [loc. cit.); ( , plur. ( ^ ( ^( ^ (Pépî Isr, 1. 441, 442).
I
Prince : <=* (Lepsius, Denkm., II, 72 a). Sur la confusion des mots (j <=» et (j "| «père et prince », voir
Recueil de Traoaux, t. XII, p. 70, note 4, textes des Pyramides.
2. XVI, 9-12; XIX, 3-6. - 3. Papyrus Prisse, VII, 11. vjjj^D^
4. Papyrus Prisse, XVIII, 13-14.
5. Papyrus Berlin II, 1. 90-95. Voir, à ce sujet, Maspkro, Histoire ancienne des Peuples de l'Orient,
1895, t. I, p. 309.
6. Papyrus Prisse, XIX, 3-6.
*
»
LA CONDITION DES FÉAUX
Ce caractère de l'autorité paternelle dans la famille égyptienne ne saurait nous
étonner : nous connaissons le même pouvoir absolu du père à l'origine des autres
sociétés. Notons que la philologie confirme ce que l'interprétation des textes nous
apprend. Le mot père, dont la forme la plus usuelle est ( àtef, semble venir d'une
racine o t, vocalisée en à préfixe àt h<^, ou développée avec le pronom f suffixe :
P, ^ , ( ^ . Le mot prince, souverain, présente une partie des
mêmes développements : <=» fj| t, [ "| àt, ( *| l àti\ Il y a lieu de croire que ces deux
mots sont les doublets d'une racine commune. Lorsqu'un fils se disait « l'attaché de son
père », un Égyptien pouvait donc comprendre aussi « l'attaché de son souverain ».
III
Avec la dépendance du fils vis-à-vis du père clans la famille, le mot Àmakhou
exprime la dépendance de l'homme vis-à-vis de son seigneur, dans la société. Cela res-
sort des passages déjà cités du Papyrus Prisse2 où les rapports réciproques du fils et du
père sont définis comme ceux du vassal et du seigneur. De même que Ton dit du fils :
« c'est un vassal engendré par le père3, » de même on dit clu bon vassal : « c'est un fils. »
Un autre précepte de Phtah-Hotpou ne laisse subsister aucun doute à ce sujet : ( ®
es
I I I
1
0
□
« Quand tu fais des plans avec les grands, sois d'accord en tout avec ton sei-
gneur, fais qu'il dise : Celui-ci, c'est mon fils! »
La féauté vis-à-vis du père était même considérée comme une période d'éducation
et de préparation à la féauté vis-à-vis d'un seigneur. La société égyptienne étant, pour
employer des termes connus de nous, une société féodale, tout homme devait se choisir
un seigneur, sous peine d'être un de ces misérables « hommes sans maître3 » privés de
toute protection, en butte aux caprices des puissants. Ce seigneur, quel était-il? Dans la.
famille royale ou dans les grandes familles princières, l'enfant pouvait confondre en la
personne de son père la féauté vis-à-vis du chef de famille et la féauté vis-à-vis du sei-
gneur; le roi ou le prince était à la fois son père et son suzerain. Mais le plus souvent le
père était incapable de protéger suffisamment ses enfants, et devait les recommander à
un seigneur. Aussi l'éducation donnée par le père consistait-elle surtout à préparer
l'enfant à bien s'acquitter de ses devoirs vis-à-vis de son futur suzerain6.
1. Pour les formules les moins usuelles :
Père : <=± dans les formules ( 5? li^ [loc. cit.); ( , plur. ( ^ ( ^( ^ (Pépî Isr, 1. 441, 442).
I
Prince : <=* (Lepsius, Denkm., II, 72 a). Sur la confusion des mots (j <=» et (j "| «père et prince », voir
Recueil de Traoaux, t. XII, p. 70, note 4, textes des Pyramides.
2. XVI, 9-12; XIX, 3-6. - 3. Papyrus Prisse, VII, 11. vjjj^D^
4. Papyrus Prisse, XVIII, 13-14.
5. Papyrus Berlin II, 1. 90-95. Voir, à ce sujet, Maspkro, Histoire ancienne des Peuples de l'Orient,
1895, t. I, p. 309.
6. Papyrus Prisse, XIX, 3-6.
*
»