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LA CHRONIQUE DES ARTS
pie capuchon d’une robe servait à cacher leur
visage lorsque, la cliquette en main, ils étaient
contraints d’errer hors de leur retraite pour
mendier leur vie. Celui du Châtelet porte un
masque, un vrai loup de velours noir, comme s’il
était costumé pour aller au bal de l’Opéra.
Quant aux femmes, elles portent là plus que
jamais l’éternelle jupe relevée par un ruban
lâche qui pend de la ceinture et y remonte, ainsi
que la mode s’en perpétue au théâtre, pour tous
les temps et pour tous les pays. De plus la robe
de gala de sainte Élisabeth est plastronnée d’her-
mine ainsi que toutes celles des reines de théâtre.
Ce plastron, qui figure la partie inférieure d’une
fleur de lys dont les épaules et le visage com-
plètent l’ensem'ble, est imité du portrait de Marie
de Médicis par Pourbus.
Du xme au xviic siècle que de transformations
cette partie du vêtement a subies, en admettant,
ce que nous ne croyons pas, qu’elle soit anté-
rieure au xive siècle!
Si nous étudions le costume féminin du moyen
âge dans ses transformations, nous voyons qu’au
xni0 siècle la robe était recouverte d’un autre
vêtement sans manches, fendu sur les côtés, qui
tombait tout droit. C’était la cotte-hardie. Les
femmes ne faillirent point à l’orner en le défigu-
rant et en l’ajustant peu à peu à la taille. Néan-
moins, la fusion des deux vêtements en un seul ,
chacun conservant toujours ses caractères d’ori-
gine, ne dut s’effectuer qu’au xve siècle. Du
temps de Philippe-Auguste, et même de saint
Louis, il n’en était point question.
Quant à la coiffure, la coquetterie féminine dut
qnelque peu amplifier et embellir la simplicité
sculpturale de ce que nous voyons aux portails de
Chartres, de Reims et d’Amiens. Cependant rien
n’autorise à coiffer de malheureuses figurantes,
qui ne savent comment les retenir en équilibre
sur leur tête, de hauts cylindres de carton d’où
pendent des morceaux de mousseline imitant de
loin ce que l’on portait à la cour de Charles VII.
Mais tous ces costumes eussent-ils été taillés
dans desétoffes de même nature que les anciennes
et avec un scrupule dont les costumiers du Châ-
telet ne se sont guère souciés, qu’il resterait
encore une difficulté : la manière de les porter.
Il est évident que par suite de l’habitude le
corps se moule dans l’habit. Pour les femmes la
chose est incontestable, et il suffit pour s’en con-
vaincre de comparer les costumes du temps de
la Fronde avec ceux de la fin du règne de
Louis XIV, et les robes de l’Empire dont la
ceinture est sous les aisselles avec celles d’il y a
quelques années dont la ceinture se trouve au
défaut des hanches.
Mais il y a autre chose encore.
Ce sont les monuments de l’art qui nous ont
transmis tous ces costumes. Or l'art, celui du
moyen âge surtout, est toujours empreint d’un
style qui est un caractère d’époque, et qui s’étend
jusque sur la physionomie. Or nous sommes
habitués à voir un costume porté d’une certaine
façon, faisant certains plis, sur des hommes et
des femmes affectionnant certaines attitudes,
accentuées et typiques s et nous nous figurons
que les choses éiaient ainsi en réalité. Or tout
un peuple qui eût agi avec les attitudes que nous
montrent les statues, les bas-reliefs et les minia-
tures du moyen âge eût été le plus souvent un
peuple bien singulier. Celte singularité était
voulue dans l’art qui cherchait à fondre en un
tout harmonieux l’architecture et l’ornement :
mais nous l’oublions et nous nous créons une
société de fantaisie.
Or cet état de notre esprit, d’une part, de
l’autre l’habitude d’un habit particulier, font que
le costume du moyen âge, même le plus exact
quant à l’étoffe, à la coupe et à la façon, nous
choquerait encore parce que l’acteur qui s’en
revêtirait d’abord ne saurait le porter, puis ne le
porterait pas comme nous nous imaginons qu’il
l’était.
Alfred Darcel.
———
CONCOURS.
PROGRAMME D’üN CONCOURS
POUR LA
RECONSTRUCTION DE L’HOTEL DE VILLE
Le préfet de la Seine, membre de l’Assemblée
nationale,
Vu les délibérations du conseil municipal en
date du 22 mai et du 25 juin 1872,
ARRÊTE :
Article premier. — Il est ouvert un. concours public
pour la reconstruction de l’Hôtel de ville.
Ce concours sera clos le 31 janvier 1873.
Art. 2. — Le nouvel édifice sera élevé dans le pé-
rimètre indiqué par le plan n° 1, annexé au présent
programme, et, autant que possible, sur les sub-
structions de l’ancien Hôtel de ville.
La façade principale sera maintenue dans l’axe de
l’avenue Victoria, et devra reproduire exactement
l’ancienne façade du Boccador.
L’administration rappelle aux concurrents les ter-
mes de la délibération du conseil municipal, en
date du 25 mai 1872, ainsi conçue :
« La restauration de l’Hôtel de ville sera mise au
concours sur la donnée suivante : Les constructions
LA CHRONIQUE DES ARTS
pie capuchon d’une robe servait à cacher leur
visage lorsque, la cliquette en main, ils étaient
contraints d’errer hors de leur retraite pour
mendier leur vie. Celui du Châtelet porte un
masque, un vrai loup de velours noir, comme s’il
était costumé pour aller au bal de l’Opéra.
Quant aux femmes, elles portent là plus que
jamais l’éternelle jupe relevée par un ruban
lâche qui pend de la ceinture et y remonte, ainsi
que la mode s’en perpétue au théâtre, pour tous
les temps et pour tous les pays. De plus la robe
de gala de sainte Élisabeth est plastronnée d’her-
mine ainsi que toutes celles des reines de théâtre.
Ce plastron, qui figure la partie inférieure d’une
fleur de lys dont les épaules et le visage com-
plètent l’ensem'ble, est imité du portrait de Marie
de Médicis par Pourbus.
Du xme au xviic siècle que de transformations
cette partie du vêtement a subies, en admettant,
ce que nous ne croyons pas, qu’elle soit anté-
rieure au xive siècle!
Si nous étudions le costume féminin du moyen
âge dans ses transformations, nous voyons qu’au
xni0 siècle la robe était recouverte d’un autre
vêtement sans manches, fendu sur les côtés, qui
tombait tout droit. C’était la cotte-hardie. Les
femmes ne faillirent point à l’orner en le défigu-
rant et en l’ajustant peu à peu à la taille. Néan-
moins, la fusion des deux vêtements en un seul ,
chacun conservant toujours ses caractères d’ori-
gine, ne dut s’effectuer qu’au xve siècle. Du
temps de Philippe-Auguste, et même de saint
Louis, il n’en était point question.
Quant à la coiffure, la coquetterie féminine dut
qnelque peu amplifier et embellir la simplicité
sculpturale de ce que nous voyons aux portails de
Chartres, de Reims et d’Amiens. Cependant rien
n’autorise à coiffer de malheureuses figurantes,
qui ne savent comment les retenir en équilibre
sur leur tête, de hauts cylindres de carton d’où
pendent des morceaux de mousseline imitant de
loin ce que l’on portait à la cour de Charles VII.
Mais tous ces costumes eussent-ils été taillés
dans desétoffes de même nature que les anciennes
et avec un scrupule dont les costumiers du Châ-
telet ne se sont guère souciés, qu’il resterait
encore une difficulté : la manière de les porter.
Il est évident que par suite de l’habitude le
corps se moule dans l’habit. Pour les femmes la
chose est incontestable, et il suffit pour s’en con-
vaincre de comparer les costumes du temps de
la Fronde avec ceux de la fin du règne de
Louis XIV, et les robes de l’Empire dont la
ceinture est sous les aisselles avec celles d’il y a
quelques années dont la ceinture se trouve au
défaut des hanches.
Mais il y a autre chose encore.
Ce sont les monuments de l’art qui nous ont
transmis tous ces costumes. Or l'art, celui du
moyen âge surtout, est toujours empreint d’un
style qui est un caractère d’époque, et qui s’étend
jusque sur la physionomie. Or nous sommes
habitués à voir un costume porté d’une certaine
façon, faisant certains plis, sur des hommes et
des femmes affectionnant certaines attitudes,
accentuées et typiques s et nous nous figurons
que les choses éiaient ainsi en réalité. Or tout
un peuple qui eût agi avec les attitudes que nous
montrent les statues, les bas-reliefs et les minia-
tures du moyen âge eût été le plus souvent un
peuple bien singulier. Celte singularité était
voulue dans l’art qui cherchait à fondre en un
tout harmonieux l’architecture et l’ornement :
mais nous l’oublions et nous nous créons une
société de fantaisie.
Or cet état de notre esprit, d’une part, de
l’autre l’habitude d’un habit particulier, font que
le costume du moyen âge, même le plus exact
quant à l’étoffe, à la coupe et à la façon, nous
choquerait encore parce que l’acteur qui s’en
revêtirait d’abord ne saurait le porter, puis ne le
porterait pas comme nous nous imaginons qu’il
l’était.
Alfred Darcel.
———
CONCOURS.
PROGRAMME D’üN CONCOURS
POUR LA
RECONSTRUCTION DE L’HOTEL DE VILLE
Le préfet de la Seine, membre de l’Assemblée
nationale,
Vu les délibérations du conseil municipal en
date du 22 mai et du 25 juin 1872,
ARRÊTE :
Article premier. — Il est ouvert un. concours public
pour la reconstruction de l’Hôtel de ville.
Ce concours sera clos le 31 janvier 1873.
Art. 2. — Le nouvel édifice sera élevé dans le pé-
rimètre indiqué par le plan n° 1, annexé au présent
programme, et, autant que possible, sur les sub-
structions de l’ancien Hôtel de ville.
La façade principale sera maintenue dans l’axe de
l’avenue Victoria, et devra reproduire exactement
l’ancienne façade du Boccador.
L’administration rappelle aux concurrents les ter-
mes de la délibération du conseil municipal, en
date du 25 mai 1872, ainsi conçue :
« La restauration de l’Hôtel de ville sera mise au
concours sur la donnée suivante : Les constructions