18
LA CHRONIQUE DES ARTS
fuite en Égypte de la collection Levi, de Mu-
nich, étant datée de 1504, c'est-à-dire de sa trente-
deuxième année, on en est réduit, sur son déve-
loppement artistique, à de simples conjectures ; et
enfin, assez souvent — et M. Wœrmann en cite
des exemples, — des œuvres de Cranach ont
été attribuées à Grûnewald et réciproquement.
L'exposition qui se prépare se propose d'éclaircir
tous ces points obscurs.
-<5-g«35L_Jft<ft»H&_g^—d—-
BIBLIOGRAPHIE
L'Espagne artistique, archéologique et mo-
numentale : La Cathédrale de Palma de
Majorque. — Barcelone, Parera et Gu, 1898.
In-4°, 44 p. de texte et 18 planches hors texte
(16 francs).
L'activité des presses catalanes ne se ralentit
point. Voici que nous parvient de Earcelone un
nouveau volume, appartenant à la suite des
Grandes Cathédrales espagnoles. En attendant
de faire paraître la deuxième partie de l'ouvrage
sur la cathédrale do Barcelone dont nous nous
sommes naguère occupé pour le signaler à l'at-
tention de nos lecteurs (1), l'active maison Parera
publie aujourd'hui la monographie descriptive
et raisonnée de la caihédrale de Palma de Ma-
jorque. Gomme la précédente, cette monographie
forme un beau volume in-4°, se composant de
44 pages de texte rédigé par M. F. Gasanovas
Gorchs d'après divers auteurs, comme Villa-
nueva, Piferrer, Quadrado, etc., et illustré de
31 gravures et plans, plus 18 phototypies tirées
à part dans le format du volume. L'éditeur n'a
rien épargné pour que sa nouvelle publication
fût, en tous points, digne de son aînée; c'est
assez dire qu'elle ne lui cède en rien pour la qua-
lité du papier, la beauté typographique et le soin
apporté à la perfection des illustrations.
Commencée selon certains auteurs sous le règne
de Jaime-le-Gonquérant, et selon d'autres, plus
judicieux, sous le règne de son fils, Jaime II,
la cathédrale de Palma se construisit très lente-
ment au cours des xivc, xve et xvi° siècles. Cer-
taines parties décoratives appartiennent même au
style churriguêresque, c'est-à-dire à ce qu'on
appelle, en Espagne, le rococo. En tant que déco-
ration intérieure, nous signalerons particulière-
ment les deux chaires de prédication et toute la
silleria du chœur, dont la sculpture est, pour
l'invention, la richesse et la beauté de l'exécution,
tout à fait remarquable. D'excellentes planches
hors texte reproduisent, du reste, ces superbes
boiseries avec tout le détail de leur capricieuse
ornementation.
Nous ne pouvons nous arrêter ici sur tous les
monuments, sur tous les objets d'art intéressants
ou précieux que renferme la caihédrale de Palma:
tombeaux historiques, autels, statues, reliquaires
et objets du culte ; la plus belle partie de ces
richesses d'art se trouve, d'ailleurs, reproduite
dans le corps de l'ouvrage ou dans les gravures
tirées à part.
Ainsi va se poursuivant, avec ce nouveau vo-
lume, la vaste entreprise que s'est proposée la
(1) V. Chronique des Arts du 18 nov. 98, p. 380.
maison Parera de nous faire successivement con-
naître les grandes cathédrales de l'Espagne. Nous
lui désirons tout le succès que mérite un si louable
projet.
P. L.
W. Bode : Altflorentiner Majoliken. — (Extrait
du Jahrbuch der kœniglieh Preussischen
Kunstsammlungen, 1898, fasc. IV). In-4° avec
gravures.
Dans le dernier fascicule du Jahrbuch des col-
lections royales de Prusse, M. Wilhelm Bode
a publié un important article sur une série d'an-
ciennes majoliques italiennes. Les pièces que
le savant conservateur du musée de Berlin étudie
dans ce travail prouvent d'une manière évidente
combien nous connaissons mal l'histoire de la
céramique européenne (pour ne rien dire de la
céramique orientale) avant le xvi6 siècle. Pendant,
longtemps, en effet, on les a clas-ées parmi les
faïences hispano-mauresques, et ce sont seule-
ment les recherches récentes de M. Emile Moli-
nier, de M. Otto von Falke et de M. Henry Wal-
lis, qui ont établi qu'elles avaient été fabriquées
en Italie ; encore n'est-on point d'accord au su-
jet de leur provenance exacte.
Les objets en question — ce sont presque, tous
des pots — ont un aspect très particulier qui per-
met de les reconnaître aisément : ils sont ornés
de feuillages découpés, d'écaillés, et de divers
animaux (lions, chiens, oiseaux à tête humaine),
peints en bleu foncé sur fond blanc; l'émail
bleu est posé en couches si épaisses qu'il fait
saillie sur le fond; il a souvent coulé pendant la
cuisson, en formant de grosses larmes. Ce décor,
d'une exécution assez sommaire, produit un effet
remarquable; il procède évidemment de modèles
orientaux ou hispano-mauresques, dont il a con-
servé la stylisation caractéristique. Sur certains
vases, le céramiste a employé un émail vert au
lieu de l'émail bleu, ou a ajouté à l'émail bleu un
émail vert et un émail violet; mais l'ornemen-
tation demeure toujours la même.
Ces pièces, dont il ne subsiste guère qu'une
cinquantaine, présentent toutes une si parfaite
unité de style qu'il est presque certain qu'elles
doivent provenir d'un atelier unique. Mais où
était situé cet atelier?
On a supposé que ce devait être en Toscane, et
un fait nouveau, signalé par M. Bode, tendrait
à confirmer cette hypothèse: on a découvert à Flo-
rence, sur l'emplacement du palais Mozzi, en fai-
sant les fondations de la maison de M. Bardini,
une assez grande quantité de ces vases à décor
bleu, tous brisés. M. Bode en conclut que l'ate-
lier qui les fabriquait devait être situé dans la
ville même de Florence ; et il remarque que plu-
sieurs de ces pots portent les armoiries de l'hô-
pital de Santa Maria Nuova (une béquille), ou
celles que l'on attribue à l'hôpital de San Mar-
tino délia Scala. Toutefois, si séduisante que soit
cette théorie, il nous semble qu'on ne doit pas
l'admettre sans réserves ; car on n'a découvert
au palais Mozzi ni four de potier, ni vases en
cours de fabrication, et, d'autre part, l'émail de
ces pièces ne ressemble aucunement à celui que
Luca délia Roblia employait à Florence, au mi-
lieu du xv° siècle.
La date de ces vases est plus facile à déterminer
LA CHRONIQUE DES ARTS
fuite en Égypte de la collection Levi, de Mu-
nich, étant datée de 1504, c'est-à-dire de sa trente-
deuxième année, on en est réduit, sur son déve-
loppement artistique, à de simples conjectures ; et
enfin, assez souvent — et M. Wœrmann en cite
des exemples, — des œuvres de Cranach ont
été attribuées à Grûnewald et réciproquement.
L'exposition qui se prépare se propose d'éclaircir
tous ces points obscurs.
-<5-g«35L_Jft<ft»H&_g^—d—-
BIBLIOGRAPHIE
L'Espagne artistique, archéologique et mo-
numentale : La Cathédrale de Palma de
Majorque. — Barcelone, Parera et Gu, 1898.
In-4°, 44 p. de texte et 18 planches hors texte
(16 francs).
L'activité des presses catalanes ne se ralentit
point. Voici que nous parvient de Earcelone un
nouveau volume, appartenant à la suite des
Grandes Cathédrales espagnoles. En attendant
de faire paraître la deuxième partie de l'ouvrage
sur la cathédrale do Barcelone dont nous nous
sommes naguère occupé pour le signaler à l'at-
tention de nos lecteurs (1), l'active maison Parera
publie aujourd'hui la monographie descriptive
et raisonnée de la caihédrale de Palma de Ma-
jorque. Gomme la précédente, cette monographie
forme un beau volume in-4°, se composant de
44 pages de texte rédigé par M. F. Gasanovas
Gorchs d'après divers auteurs, comme Villa-
nueva, Piferrer, Quadrado, etc., et illustré de
31 gravures et plans, plus 18 phototypies tirées
à part dans le format du volume. L'éditeur n'a
rien épargné pour que sa nouvelle publication
fût, en tous points, digne de son aînée; c'est
assez dire qu'elle ne lui cède en rien pour la qua-
lité du papier, la beauté typographique et le soin
apporté à la perfection des illustrations.
Commencée selon certains auteurs sous le règne
de Jaime-le-Gonquérant, et selon d'autres, plus
judicieux, sous le règne de son fils, Jaime II,
la cathédrale de Palma se construisit très lente-
ment au cours des xivc, xve et xvi° siècles. Cer-
taines parties décoratives appartiennent même au
style churriguêresque, c'est-à-dire à ce qu'on
appelle, en Espagne, le rococo. En tant que déco-
ration intérieure, nous signalerons particulière-
ment les deux chaires de prédication et toute la
silleria du chœur, dont la sculpture est, pour
l'invention, la richesse et la beauté de l'exécution,
tout à fait remarquable. D'excellentes planches
hors texte reproduisent, du reste, ces superbes
boiseries avec tout le détail de leur capricieuse
ornementation.
Nous ne pouvons nous arrêter ici sur tous les
monuments, sur tous les objets d'art intéressants
ou précieux que renferme la caihédrale de Palma:
tombeaux historiques, autels, statues, reliquaires
et objets du culte ; la plus belle partie de ces
richesses d'art se trouve, d'ailleurs, reproduite
dans le corps de l'ouvrage ou dans les gravures
tirées à part.
Ainsi va se poursuivant, avec ce nouveau vo-
lume, la vaste entreprise que s'est proposée la
(1) V. Chronique des Arts du 18 nov. 98, p. 380.
maison Parera de nous faire successivement con-
naître les grandes cathédrales de l'Espagne. Nous
lui désirons tout le succès que mérite un si louable
projet.
P. L.
W. Bode : Altflorentiner Majoliken. — (Extrait
du Jahrbuch der kœniglieh Preussischen
Kunstsammlungen, 1898, fasc. IV). In-4° avec
gravures.
Dans le dernier fascicule du Jahrbuch des col-
lections royales de Prusse, M. Wilhelm Bode
a publié un important article sur une série d'an-
ciennes majoliques italiennes. Les pièces que
le savant conservateur du musée de Berlin étudie
dans ce travail prouvent d'une manière évidente
combien nous connaissons mal l'histoire de la
céramique européenne (pour ne rien dire de la
céramique orientale) avant le xvi6 siècle. Pendant,
longtemps, en effet, on les a clas-ées parmi les
faïences hispano-mauresques, et ce sont seule-
ment les recherches récentes de M. Emile Moli-
nier, de M. Otto von Falke et de M. Henry Wal-
lis, qui ont établi qu'elles avaient été fabriquées
en Italie ; encore n'est-on point d'accord au su-
jet de leur provenance exacte.
Les objets en question — ce sont presque, tous
des pots — ont un aspect très particulier qui per-
met de les reconnaître aisément : ils sont ornés
de feuillages découpés, d'écaillés, et de divers
animaux (lions, chiens, oiseaux à tête humaine),
peints en bleu foncé sur fond blanc; l'émail
bleu est posé en couches si épaisses qu'il fait
saillie sur le fond; il a souvent coulé pendant la
cuisson, en formant de grosses larmes. Ce décor,
d'une exécution assez sommaire, produit un effet
remarquable; il procède évidemment de modèles
orientaux ou hispano-mauresques, dont il a con-
servé la stylisation caractéristique. Sur certains
vases, le céramiste a employé un émail vert au
lieu de l'émail bleu, ou a ajouté à l'émail bleu un
émail vert et un émail violet; mais l'ornemen-
tation demeure toujours la même.
Ces pièces, dont il ne subsiste guère qu'une
cinquantaine, présentent toutes une si parfaite
unité de style qu'il est presque certain qu'elles
doivent provenir d'un atelier unique. Mais où
était situé cet atelier?
On a supposé que ce devait être en Toscane, et
un fait nouveau, signalé par M. Bode, tendrait
à confirmer cette hypothèse: on a découvert à Flo-
rence, sur l'emplacement du palais Mozzi, en fai-
sant les fondations de la maison de M. Bardini,
une assez grande quantité de ces vases à décor
bleu, tous brisés. M. Bode en conclut que l'ate-
lier qui les fabriquait devait être situé dans la
ville même de Florence ; et il remarque que plu-
sieurs de ces pots portent les armoiries de l'hô-
pital de Santa Maria Nuova (une béquille), ou
celles que l'on attribue à l'hôpital de San Mar-
tino délia Scala. Toutefois, si séduisante que soit
cette théorie, il nous semble qu'on ne doit pas
l'admettre sans réserves ; car on n'a découvert
au palais Mozzi ni four de potier, ni vases en
cours de fabrication, et, d'autre part, l'émail de
ces pièces ne ressemble aucunement à celui que
Luca délia Roblia employait à Florence, au mi-
lieu du xv° siècle.
La date de ces vases est plus facile à déterminer