ET DE LA CURIOSITÉ
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arrière? Le rapporteur préconise une augmentation des
crédits des beaux-arts, le remplacement de notre école
des arts décoratifs, qui tombe en ruines et n’a plus que
300 élèves, alors qu’elle en comptait 1 800 sous
Louis XVI, par un établissement- moderne; l’organi-
sation des entrées payantes des Musées, la constitution
d’un inventaire illustré des richesses d’art de la France,
l’augmentation des misérables crédits dont nous dispo-
sons pour les musées de province; la restauration de
Versailles et de Trianon dont il signale « l’état de
misère invraisemblable ». -
M. Henri Auriol insiste sur la nécessité d’empêcher
l’exportation de nos œuvres d’art. Hommage à notre
génie artistique avant la guerre, cet exode n’est plus
qu’une spéculation basée sur la crise de notre change.
Il émet ensuite le vœu que la décentralisation musicale
reprenne bientôt sa place au budget des Beaux-Arts.
Après une protestation de M. Lacotte contre la con-
sécration donnée au Salon des Indépendants par
l’administration des beaux-arts qui, — dit-il, —
« associe à ces dépravations et à ces horreurs le nom
de la France », M. Sembat plaide la cause du haut
personnel technique de nos Musées Nationaux, en
particulier celle des Conservateurs.
Enfin M. Desjardins demande qu’on s’emploie à
faire restituer par les Allemands les innombrables
œuvres d’art pillées par eux dans les régions envahies.
Les volés connaissent les noms de leurs voleurs, mais
leurs réclamations restent sans écho. « Les restitutions
opérées jusqu’à présent, se traduisent à-peu près par
zéro ». Alors qu’on sait, par des rapports officiels,
que tels ou tels généraux allemands ont expédié chez
eux mobiliers et oeuvres d’art pris dans les châteaux
où ils séjournaient, les services dirigés par M. le
séquestre général de Celles déclarent aux volés,— en
dépit de tous les témoignages et sans la moindre
enquête, .— qu’il n’y a rien à faire. Après avoir
apporté de nombreuses précisions sur la destination
qu’ont reçue les trésors ainsi volés, M. Desjardins
invita le ministre des Beaux-Arts à faire porter à la
Conférence de Londres cette question des restitutions:
« il faut faire rendre gorge à ceux qui nous ont volés ».
A la séance du 17 février, M. Léon Bérard, minis-
tre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, répon-
dant aux questions qui lui avaient été posées, s’associa
tout d’abord aux observations présentées par JVI. Ra-
meil sur l’importance du développement des arts déco-
ratifs; il s’expliqua à l’occasion de l'Exposition des
Indépendants sur la question des rapports de l’art et
de l’Etat, déclarant que l’Etat ne doit pas être chargé
d’exercer « par voie de prohibitions, d’exclusions ou
de censures, la direction du goût public », rendit
ensuite hommage à l’œuvre accomplie par les Conser-
vateurs de nos musées nationaux, et prit l’engagement
d’améliorer leur situation dans le prochain budget.
Abordant ensuite la question posée par M. Desjardins
au sujet de la restitution des œuvres d’art volées par
les Allemands, le ministre déclara que les objets volés
dans nos collections publiques avaient été restitués, à
quelques unités près, et que pour les objets privés,
« la plainte touchante de M. Desjardins serait portée
au ministre des Affaires étrangères et qu’elle serait
entendue dans les conseils de la diplomatie ».
Una longue discussion s’engagea au sujet du relè-
vement de la subvention de l’Opéra, MM. Maurice de
Rothschild et Paul Gay proposant une diminution de
700.000 francs sur le crédit. M. de Rothschild pro-
nonça un discours sévère sur la gestion de M. Rouché
à l’Opéra, à la fin duquel il déclara que dans l’état
actuel de nos finances il n’était pas possible « d’aug-
menter par des crédits nouveaux et inutiles des subven-
tions antérieures largement suffisantes ». Après une
intervention du ministre en faveur du relèvement de
la subvention,, la réduction de 700.000 francs a été
votée par 406 voix contre 127.
M. Edouard Soulier présente quelques observations
sur l’état défectueux de la Manufacture de Sèvres, et
réclame le vote du projet de loi sur les entrées payan-
tes dans les musées ; M. Jean Locquin proteste une fois
de plus contre le maintien du service des régions libé-
rées dans le Palais de Compiègne. MM. Auriol et
Dupuis signalent l’insuffisance des crédits consacrés à
la réparation des monuments historiques; M. Paul
Gay demande, lui aussi, l’augmentation de ces crédits,
et leur bonne utilisation. Enfin, après une interven-
tion de M. de Rothschild sur, la nécessité de modifier
et d’améliorer la loi du 31 août 1920 relative à l’ex-
portation de nos richesses artistiques, les derniers
chapitres du budget ordinaire des Beaux-Arts sont
adoptés.'
PETITES EXPOSITIONS
La galerie Devambez a offert au public les exposi-
tions de MM. Scott, Maur. Chabas, J. Peské et du gra-
veur Jou qui, seul de ces artistes, s’impose par la force,
la maîtrise et la personnalité de son talent. Deux petites
salles sont tapissées de ses œuvres, gravures sur bois
et larges dessins d’un lavis fougueux. Parmi eux, deux
très belles « Mater dcfforosa » d’un sentiment doulou-
reux et profond, semblable à .celui exprimé parfois par
Eug. Carrière, mais d’une tout autre technique; un
portrait de l’artiste, des nus, des têtes de femmes espa-
gnoles d’un accent âpre et ferme. Mais ce qu’il faut
étudier avec soin, ce sont les gravures, l’œuvre par-
faite : ce chemin de croix d’une grande variété de mou-
vements, d’expressions, d’un beau style religieux, où
l’artiste a su utiliser le pittoresque des costumes sans
que jamais leur intérêt de second plan nuise à l’effet
que doit produire chacun des épisodes. Il y a de très
beaux groupes de femmes, celui de sainte Véronique
entre autres, et parmi les figures masculines, une sur-
prenante diversité d’expressions, de gestes et de physio-
nomies. M. Jou sait renouveler les sujets les plus
rebattus, comme le prouvent une Léda, ses Salomé, ses
Suzanne. 11 crée un type de femme essentiellement
sémitique, qu’il donne même à sa vierge de Y Annon-
ciation ; ce type au profil stylisé s’inscrit en demi-cercle
sous une lourde masse deœheveux. Les mouvements
sont toujours saisis avec une admirable précision et se
composent décorativement malgré leur réalisme. Joi-
gnez à ces planches des vues de la Seine et de l’Ile
Saint-Louis, des illustrations pour les, Opinions de
Jérome Coignard, et pour cette édition de la Rôtisserie
de la reine Pédauque qui va paraître prochainement
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arrière? Le rapporteur préconise une augmentation des
crédits des beaux-arts, le remplacement de notre école
des arts décoratifs, qui tombe en ruines et n’a plus que
300 élèves, alors qu’elle en comptait 1 800 sous
Louis XVI, par un établissement- moderne; l’organi-
sation des entrées payantes des Musées, la constitution
d’un inventaire illustré des richesses d’art de la France,
l’augmentation des misérables crédits dont nous dispo-
sons pour les musées de province; la restauration de
Versailles et de Trianon dont il signale « l’état de
misère invraisemblable ». -
M. Henri Auriol insiste sur la nécessité d’empêcher
l’exportation de nos œuvres d’art. Hommage à notre
génie artistique avant la guerre, cet exode n’est plus
qu’une spéculation basée sur la crise de notre change.
Il émet ensuite le vœu que la décentralisation musicale
reprenne bientôt sa place au budget des Beaux-Arts.
Après une protestation de M. Lacotte contre la con-
sécration donnée au Salon des Indépendants par
l’administration des beaux-arts qui, — dit-il, —
« associe à ces dépravations et à ces horreurs le nom
de la France », M. Sembat plaide la cause du haut
personnel technique de nos Musées Nationaux, en
particulier celle des Conservateurs.
Enfin M. Desjardins demande qu’on s’emploie à
faire restituer par les Allemands les innombrables
œuvres d’art pillées par eux dans les régions envahies.
Les volés connaissent les noms de leurs voleurs, mais
leurs réclamations restent sans écho. « Les restitutions
opérées jusqu’à présent, se traduisent à-peu près par
zéro ». Alors qu’on sait, par des rapports officiels,
que tels ou tels généraux allemands ont expédié chez
eux mobiliers et oeuvres d’art pris dans les châteaux
où ils séjournaient, les services dirigés par M. le
séquestre général de Celles déclarent aux volés,— en
dépit de tous les témoignages et sans la moindre
enquête, .— qu’il n’y a rien à faire. Après avoir
apporté de nombreuses précisions sur la destination
qu’ont reçue les trésors ainsi volés, M. Desjardins
invita le ministre des Beaux-Arts à faire porter à la
Conférence de Londres cette question des restitutions:
« il faut faire rendre gorge à ceux qui nous ont volés ».
A la séance du 17 février, M. Léon Bérard, minis-
tre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, répon-
dant aux questions qui lui avaient été posées, s’associa
tout d’abord aux observations présentées par JVI. Ra-
meil sur l’importance du développement des arts déco-
ratifs; il s’expliqua à l’occasion de l'Exposition des
Indépendants sur la question des rapports de l’art et
de l’Etat, déclarant que l’Etat ne doit pas être chargé
d’exercer « par voie de prohibitions, d’exclusions ou
de censures, la direction du goût public », rendit
ensuite hommage à l’œuvre accomplie par les Conser-
vateurs de nos musées nationaux, et prit l’engagement
d’améliorer leur situation dans le prochain budget.
Abordant ensuite la question posée par M. Desjardins
au sujet de la restitution des œuvres d’art volées par
les Allemands, le ministre déclara que les objets volés
dans nos collections publiques avaient été restitués, à
quelques unités près, et que pour les objets privés,
« la plainte touchante de M. Desjardins serait portée
au ministre des Affaires étrangères et qu’elle serait
entendue dans les conseils de la diplomatie ».
Una longue discussion s’engagea au sujet du relè-
vement de la subvention de l’Opéra, MM. Maurice de
Rothschild et Paul Gay proposant une diminution de
700.000 francs sur le crédit. M. de Rothschild pro-
nonça un discours sévère sur la gestion de M. Rouché
à l’Opéra, à la fin duquel il déclara que dans l’état
actuel de nos finances il n’était pas possible « d’aug-
menter par des crédits nouveaux et inutiles des subven-
tions antérieures largement suffisantes ». Après une
intervention du ministre en faveur du relèvement de
la subvention,, la réduction de 700.000 francs a été
votée par 406 voix contre 127.
M. Edouard Soulier présente quelques observations
sur l’état défectueux de la Manufacture de Sèvres, et
réclame le vote du projet de loi sur les entrées payan-
tes dans les musées ; M. Jean Locquin proteste une fois
de plus contre le maintien du service des régions libé-
rées dans le Palais de Compiègne. MM. Auriol et
Dupuis signalent l’insuffisance des crédits consacrés à
la réparation des monuments historiques; M. Paul
Gay demande, lui aussi, l’augmentation de ces crédits,
et leur bonne utilisation. Enfin, après une interven-
tion de M. de Rothschild sur, la nécessité de modifier
et d’améliorer la loi du 31 août 1920 relative à l’ex-
portation de nos richesses artistiques, les derniers
chapitres du budget ordinaire des Beaux-Arts sont
adoptés.'
PETITES EXPOSITIONS
La galerie Devambez a offert au public les exposi-
tions de MM. Scott, Maur. Chabas, J. Peské et du gra-
veur Jou qui, seul de ces artistes, s’impose par la force,
la maîtrise et la personnalité de son talent. Deux petites
salles sont tapissées de ses œuvres, gravures sur bois
et larges dessins d’un lavis fougueux. Parmi eux, deux
très belles « Mater dcfforosa » d’un sentiment doulou-
reux et profond, semblable à .celui exprimé parfois par
Eug. Carrière, mais d’une tout autre technique; un
portrait de l’artiste, des nus, des têtes de femmes espa-
gnoles d’un accent âpre et ferme. Mais ce qu’il faut
étudier avec soin, ce sont les gravures, l’œuvre par-
faite : ce chemin de croix d’une grande variété de mou-
vements, d’expressions, d’un beau style religieux, où
l’artiste a su utiliser le pittoresque des costumes sans
que jamais leur intérêt de second plan nuise à l’effet
que doit produire chacun des épisodes. Il y a de très
beaux groupes de femmes, celui de sainte Véronique
entre autres, et parmi les figures masculines, une sur-
prenante diversité d’expressions, de gestes et de physio-
nomies. M. Jou sait renouveler les sujets les plus
rebattus, comme le prouvent une Léda, ses Salomé, ses
Suzanne. 11 crée un type de femme essentiellement
sémitique, qu’il donne même à sa vierge de Y Annon-
ciation ; ce type au profil stylisé s’inscrit en demi-cercle
sous une lourde masse deœheveux. Les mouvements
sont toujours saisis avec une admirable précision et se
composent décorativement malgré leur réalisme. Joi-
gnez à ces planches des vues de la Seine et de l’Ile
Saint-Louis, des illustrations pour les, Opinions de
Jérome Coignard, et pour cette édition de la Rôtisserie
de la reine Pédauque qui va paraître prochainement